Au soir de la onzième étape, le maillot rose est sur les épaules de Bob Jungels. Personne, au départ d’Apeldoorn, ne l’aurait pronostiqué. Mais le deuxième Luxembourgeois à avoir les honneurs du paletot de leader depuis Charly Gaul en 1959 tient, et semble presque sous-estimé par les grands favoris. Alors il en profite.

Personne ne l’a vu venir

A 23 ans, Bob Jungels n’est pas encore une grande star du peloton. Depuis son transfert chez Etixx, beaucoup le confondent en course avec Niki Terpstra, à cause de son maillot de champion du Luxembourg, aux mêmes couleurs que celui de son coéquipier néerlandais. Pourtant, son potentiel est immense, et depuis plusieurs années, le monde du vélo lui prédit un grand avenir. Il est en train de répondre présent, sur ce qui n’est que son troisième grand tour, et son premier Giro. En prenant le maillot rose à Sestola, le garçon vivait un rêve, mais ce n’était pas tant une surprise que ça. Depuis le départ des Pays-Bas, il a toujours trusté le haut du classement, sans que cela inquiète grand monde. Rouleur de formation, le voir intégrer le top 10 dès le prologue à Apeldoorn n’était pas surprenant. Mais déjà, sa manière de se positionner sur la cinquième étape eut de quoi surprendre. Quatrième d’un sprint pour costauds, il a également tenu le coup dans la première arrivée au sommet, le lendemain.

Absolument pas cité parmi les hypothétiques candidats au maillot rose avant le grand départ, Jungels fait son chemin sans la moindre retenue sur son vélo. Généreux, le garçon réfute par essence l’attentisme, auquel se prêtent encore les grands noms présents. Une vraie marque de fabrique, si l’on se souvient que son premier succès professionnel, sur les routes du GP Nobili, en Lombardie, s’était construit en partant dans l’échappée matinale. En compagnie d’Andrey Amador, bénéficiant également d’une grande liberté, le Luxembourgeois anime la course rose, et commence à s’imposer dans les esprits comme un futur poil à gratter sur les courses par étapes. D’autant plus en s’affichant comme supérieur à bon nombre de grimpeurs sur les premiers reliefs. Gianluca Brambilla, treizième d’un Tour d’Italie par le passé, s’est ainsi mis à la planche pour son jeune coéquipier, décidé à griller les étapes le plus rapidement possible.

Et s’il jouait le jeu à fond ?

Si pour le classement général, un duel entre Valverde et Nibali semble se profiler jour après jour, les écarts creusés par Jungels sur ses poursuivants sont à prendre en compte. Même si cela n’a rien d’insurmontable, le coureur du Grand-Duché a déjà relégué Majka, Chaves, Zakarin et Uran à plus de deux minutes. Le parcours, très équilibré, ne ferme la porte à aucune révélation et offre largement à chacun de quoi se refaire la cerise. Plus lourd que les escaladeurs comme Nibali, Valverde et Chaves, Jungels possède une sérénité étonnante, une grosse puissance, et s’apprête à abattre toutes ses cartes en résistant, au train, dans les plus grands cols italiens. Le parallèle avec Tom Dumoulin, maillot rouge à 48 heures de l’arrivée finale du dernier Tour d’Espagne, est peut-être osé, mais dans l’absolu, les erreurs des rivaux du Néerlandais en Espagne sont encore identiques à celles des actuels concurrents du Luxembourgeois.

Une condescendance exagérée, une mauvaise estimation des échéances à venir et des plans tactiques défectueux de ses rivaux, tout cela confère à Jungels un matelas de secondes qui augmente petit à petit, entre les cassures et les inattentions des derniers kilomètres. Parce qu’au fond, les dispositions du leader actuel dès que la route s’élève ne sont pas nouvelles. Huitième à Mende, cinquième à Gap, quatrième à Saint-Jean-de-Maurienne en échappé sur la route du Tour, il s’était classé treizième en haut de l’Alpe d’Huez à la régulière. Et s’il était justement en train d’opérer sa mue pour se spécialiser dans les Grands Tours ? « Je pense qu’il va évoluer dans ce sens », a affirmé sans hésiter Patrick Lefevere au micro de BeIN Sports à Asolo. Déjà entré dans l’histoire en succédant à Charly Gaul, Bob Jungels est aussi en train d’exploser au grand jour, après sa victoire d’étape au Tour d’Oman et sa troisième place finale sur Tirreno-Adriatico. Et désormais, avec son maillot rose, plus personne ne le prend pour quelqu’un d’autre.

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