Du haut de ses 36 printemps, le Catalan Joaquim Rodriguez fait une nouvelle fois partie des candidats au maillot rouge du Tour d’Espagne, qui s’élance samedi par un contre-la-montre par équipes. Toujours prêt à se sublimer sur ses terres, et avantagé comme jamais par les derniers parcours dessinés pour les puncheurs-grimpeurs, il a sans doute échoué alors qu’il était au plus fort de sa carrière, en 2012. Deuxième du Giro en étant défait dans le dernier chrono, puis troisième de la Vuelta en ayant porté le maillot rouge jusqu’à l’ascension de Fuente Dé, c’est presque comme s’il ne s’en était jamais remis. Ses espoirs au classement général paraissent bien maigres…

Pourquoi on peut y croire

Il a sacrifié ses ambitions au Tour pour celles-ci. Faisant rapidement l’impasse sur la course au maillot jaune en juillet, Joaquim Rodriguez a très vite alterné entre étapes soutenues et journées gruppettos, comme pour mieux s’économiser. Vainqueur indiscutable au sommet du Mur de Huy, puis en haut du Plateau de Beille après avoir pu prendre la bonne échappée, le double vainqueur du Tour de Lombardie a pu se rassurer sur ses qualités d’escaladeur. Même s’il n’a pas réussi à remporter le maillot à pois de meilleur grimpeur, Rodriguez a quand même marqué son terrain sur les trois semaines de courses, et fait comprendre à tous qu’il serait un client pour le Tour d’Espagne. Il y sera accompagné par ses lieutenants habituels, et devrait faire parler son punch pour se retrouver en haut de la feuille des temps rapidement.

Une épreuve qu’il connaît très bien. Sur la rampe de lancement à Puerto Banus, le petit gabarit de l’équipe Katusha prendra tout simplement le départ de sa onzième Vuelta. Présent pour la huitième fois de suite sur la grande épreuve nationale, il y a déjà remporté neuf étapes, ramené un maillot distinctif, et pris à deux reprises la troisième marche du podium madrilène. Lui et Valverde seront sans aucun doute les deux coureurs les plus expérimentés de l’édition 2015 en lutte pour les premières positions. Espérons qu’avec tout ce bagage derrière lui, il ait enfin tiré les leçons de ses derniers échecs, pour faire mieux sur sa course de prédilection. Ayant vécu a peu près tous les types de situations, il n’aura pas droit aux excuses de débutants.

Sa suprématie sur les raidards est à conserver. Vainqueur du Tour du Pays Basque haut la main, puis troisième de la Flèche Wallonne et quatrième de Liège-Bastogne-Liège, «Purito» a encore réalisé un beau printemps, comme à l’accoutumée. Mais que dire de celui de son compatriote Alejandro Valverde, auteur du doublé Flèche-Liège ? Volant sur les murs ardennais, le coureur de Movistar semble revigoré comme jamais, là ou Rodriguez aurait tendance à s’essoufler. Et sur cette Vuelta 2015, pas moins de cinq finishs pour spécialistes des gros pourcentages sont programmés. À la Sierra de Cazorla, la Cumbre del Sol, il sera très attendu sur des pentes allant jusqu’à 20 %, dans la pure tradition du mur ibère. Le fait que l’étape reine en Andorre soit placée très tôt dans l’épreuve – il s’agira de la onzième étape ndlr – peut également l’avantager. La troisième semaine dans un Grand Tour ne lui a jamais procuré de grands avantages, c’est même là qu’il fut systématiquement défait. À lui de ne pas attendre le dernier moment, comme trop souvent.

Pourquoi on ne peut pas y croire

Une concurrence de haute volée. Froome, Quintana, Nibali, Valverde, Aru, Landa, Pozzovivo, Van Garderen ou encore Talansky, tout ces grands noms ont décidé de prendre part au 70ème Tour d’Espagne. Une startlist une fois de plus impressionnante, forte du dernier vainqueur du Tour, d’un vainqueur des trois Grands Tours, et ni plus ni moins que des meilleurs grimpeurs des derniers mois. Cela s’annonce très compliqué pour Joaquim Rodriguez, moins performant en haute montagne qu’auparavant, de pouvoir rivaliser avec les accélérations des meilleurs lors des étapes clés. Le triptyque montagneux des quatorzième, quinzième et seizième étapes s’annonce tout particulièrement compliqué. De plus, il faut remonter loin en arrière pour voir le poids plume espagnol battre les noms cités à la pédale en montagne.

Le retour d’un long contre-la-montre individuel. Signe que les organisateurs d’Unipublic avaient essayé de tracer une Vuelta de plus en plus alléchante aux yeux du double vainqueur du Tour de Catalogne, l’exercice solitaire avait été quasiment rayé des tablettes durant les éditions post-2011. En 2012, si la distance reliant Cambados à Pontevedra était de quarante kilomètres, le profil lui, comportait une belle montée de deuxième catégorie à mi-parcours. Rodriguez y avait alors laissé quelques secondes, sans abandonner pour autant son maillot de leader. Bis repetita en 2013 et en 2014, ou il faut gravir l’Alto del Moncayo puis parcourir sa descente. Un chrono avantageux pour les piètres rouleurs dont il en fait partie. C’est donc à son grand malheur que sur les 39 kilomètres autour de Burgos, la route restera plate. En 2010, tunique rouge sur les épaules, il avait dit adieu à la victoire en laissant filer plus de six minutes sur Vincenzo Nibali. Rédhibitoire.

La machine fonctionne t-elle toujours au même rythme ? Bien que son mois d’avril fut satisfaisant, on a cependant du mal à voir en Joaquim Rodriguez le même homme qui dominait outrageusement les débats sur les classiques vallonnées des années 2012 et 2013, par son accélération asphyxiante et son sens du timing. Passé à côté d’un sacre mondial à Florence, Rodriguez depuis a toujours paru légèrement en retrait des meilleurs, et le poids de l’âge n’y est sûrement pas étranger. Difficile d’avoir les mêmes cannes à 36 ans sur plusieurs saisons d’intervalle, et il ne paraît plus aussi serein qu’à la belle époque. Rarement entreprenant, la Clasica San Sebastian, au format de course de côte, ne l’a pas mis en évidence, puisqu’il n’a pu faire autrement que suivre les roues. On se souvient que l’année passée, il n’avait absolument pas pesé sur le déroulement de la Vuelta, et n’avait même pas levé les bras. Le début du déclin ?

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