Bientôt 25 ans, le 5 avril prochain, que Jacky Durand a remporté le Tour des Flandres. Exploit inconcevable le matin du départ, il réalisa une énorme performance grâce à une échappée au long cours, sa marque de fabrique. Pour une victoire qui le marquera à jamais, devenant le troisième français seulement à remporter l’épreuve.

La course de sa vie

Les deux bras levés vers le ciel et la bouche grande ouverte, Jacky Durand franchit la ligne sans trop y croire. Le baroudeur de Castorama vient tout juste de remporter un des plus prestigieux monuments cyclistes en tenant tête de façon magistrale aux cadors. Il était parti dans l’échappée matinale pour augmenter ses chances de finir une course abandonnée la saison précédente, et c’est vers le succès de sa carrière qu’il s’envola. “Pour moi, le Tour des Flandres, c’était un truc inaccessible. Je ne pensais pas être capable de gagner. Je rêvais juste de finir la course”, racontait le Français il y a quelques années pour Eurosport. Quatre courageux avaient bravé le vent flamand pour prendre un peu d’avance. Ils en eurent finalement beaucoup, vingt minutes au pied du Vieux-Quaremont. Mais à l’époque, la route était encore longue pour rejoindre Meerbeke et rien n’était joué, encore moins sur le Tour des Flandres et ses monts pavés redoutables.

Car en plus de résister au retour des favoris, Jacky Durand devait se défaire d’un coriace adversaire en la personne du rouleur Thomas Wegmüller. Les deux hommes se livrèrent un duel haletant, auquel ne survivra pas le Suisse. Alors qu’une dizaine de kilomètres reste à parcourir et que l’avance des fuyards fond à grande vitesse, l’Helvète craque dans le dernier mont du jour, le Bosberg. “Nous n’étions plus que deux avec Wegmüller, et il a lâché. Le problème, c’est que nous n’avions pas d’informations sur les écarts derrière. On savait juste que Van Hooydonck et Fondriest avaient attaqué”, précisait le tricolore. La certitude de la victoire viendra quelques bornes plus loin, quand le Cannibale en personne monta à sa hauteur dans une voiture de direction de course. “Eddy Merckx m’a dit “petit, tu vas gagner le Tour des Flandres.” C’est vraiment là que j’ai compris que c’était dans la poche.” Une victoire que le public belge mettra du temps à accepter, pas forcément adepte de voir un inconnu, français de surcroît, remporter leur Ronde.

Quel Français pour lui succéder ?

Jacky Durand a confirmé son exploit les années suivantes, en partant à la conquête du maillot jaune et de trois étapes sur le Tour, auquel il est juste d’ajouter Paris-Tours, gagné une fois de plus en partant en début de course. Mais le natif de Laval attend toujours son successeur sur le Tour des Flandres, un quart de siècle plus tard. La course n’a pas l’habitude de sourire aux tricolores, vainqueurs seulement trois fois. Et Sylvain Chavanel semble avoir définitivement perdu sa chance après avoir tergiversé entre jouer à fond sa carte personnelle et attendre Tom Boonen en 2011. Le dernier vainqueur français était revenu, pour la chaîne dont il est consultant, sur la spécificité de l’épreuve flamande. “C’est la course la plus dure, beaucoup plus dure que Paris-Roubaix. Il y a des mauvais pavés, comme à Roubaix, mais il y a en plus tous ces monts qui s’enchaînent tous les dix ou quinze kilomètres. Puis il y a le public. Quand on arrive au départ du Tour des Flandres avec des dizaines de milliers de personnes rien que pour assister au départ, on comprend que c’est un truc unique.

Il faut bien comprendre que cette course est une affaire de spécialistes et qu’il est conseillé de connaître chaque centimètre carré des monts pavés pour pouvoir être performant et rêver de victoire. Ce n’est pas un hasard s’il faut remonter à 2001 pour retrouver le dernier podium sans belge. Les tricolores ne sont pas habitués à ces courses où il faut frotter, s’exposer fortement au vent et faire avec un parcours et une ambiance atypiques. On peut pourtant se laisser aller à rêver à un exploit bleu-blanc-rouge ce dimanche. Tony Gallopin tentant sa chance à une centaine de kilomètres de l’arrivée, Arnaud Démare frottant à la perfection et résistant aux meilleurs sur les monts, Alexis Gougeard s’échappant dès le départ pour nous refaire le même coup qu’un mayennais il y a 25 ans, Yoann Offredo retrouvant des sensations oubliées, ce sont autant d’hypothèses inconcevables que réalistes. Mais la surprise, bien que peu probable, est toujours possible. Victor Hugo disait : “Les utopies d’aujourd’hui sont les réalités de demain.” Penser la veille du 5 avril 1992 que Jacky Durand allait s’imposer était utopiste mais le lendemain a bel et bien prouvé le contraire.

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