Steve Chainel a pas mal voyagé, tout en restant dans l’Hexagone. Pourtant, c’est un Belge dans l’âme, qui comme il le confie à la Chronique du Vélo, apprécie tout particulièrement le cyclo-cross et les flandriennes. Toutefois, à presque 30 ans, le Vosgien rêve d’enfin découvrir la Grande Boucle, et compte pour ça sur son équipe actuelle, AG2R La Mondiale. Après deux ans compliqués chez Marc Madiot, Chainel a retrouvé un environnement adéquat qui lui permet de s’exprimer pleinement. Ses meilleures années sont peut-être à venir. Entretien.

Bonjour Steve. Cet hiver, vous avez changé d’équipe pour rejoindre la formation AG2R La Mondiale. Toujours présent lors des deux monuments pavés, où vous avez réalisé des performances similaires aux années précédentes, vous avez parut moins en forme le reste du temps. À mi-saison, pensez-vous toujours avoir fait le bon choix en rejoignant l’équipe de Vincent Lavenu ?

Oui, ça a été un excellent choix ! J’ai effectivement fait une belle campagne de classique et l’objectif était de réaliser un bon printemps. Alors c’est vrai qu’après j’ai eu moins de réussite que l’année dernière à la Française des Jeux, mais c’est aussi dû à la malchance. J’ai cassé ma chaîne lors du Gp E3 alors que j’étais en lice pour un Top 10 et sur le Tour des Flandres, je me suis retrouvé isolé avec Sébastien Minard dans le final alors que je pouvais également jouer un Top 10. Mais sur ses courses-là, c’est très difficile d’obtenir des résultats réguliers, parce qu’ on est en embuscade derrière les cadors comme Cancellara, Boonen, Breschel et Sagan. Toutefois on a vu qu’avec Matthieu Ladagnous ou Sébastien Turgot, c’était possible et on espère chez AG2R La Mondiale avoir cette réussite l’année prochaine, en réalisant une bonne campagne des classiques, tout en marquant le maximum de points World Tour, puisque c’est l’objectif de toutes les équipes à présent.

En parlant de ses points UCI, le système actuel est vivement critiqué dans le milieu, particulièrement chez les équipes françaises. Quel est votre avis sur la question ?

Je trouve que ce classement est très très mal fait. Par exemple, on prend les classiques flandriennes. C’est quasiment un exploit de finir dans les 10 premiers, vu que ce sont souvent les mêmes coureurs qui se retrouvent à l’avant. Si on finit 11e, que ce soit du Tour des Flandres ou de Paris-Roubaix, on ne gagne aucun point. Et même en réalisant une 7e ou 8e place, on ne gagne au final que très peu de points. Alors, en fin de saison, les équipes vont recruter des coureurs qui ont gagné des courses beaucoup moins cotés, comme le Tour de Turquie, et c’est néfaste pour le cyclisme, notamment français, car les formations sont obligées de recruter des coureurs à “points”. Personnellement, je ne comprends pas la logique du règlement, car je pense qu’une place de 15e sur Paris-Roubaix, par exemple, mérite d’être récompensé à sa juste valeur.

Vous avez roulé pour la Bouygues Telecom, la FDJ et AG2R La Mondiale, qui sont les trois grandes équipes françaises des dernières années.  Quelle équipe était la mieux adaptée à vos objectifs ? Et quels sont vos meilleurs mais aussi vos pires souvenirs ?

J’ai commencé le haut niveau chez Bouygues Telecom, où j’avais rejoint mon idole Dominique Arnaud, qui est vosgien comme moi. Cette équipe me permettait de faire de la route et du cyclo-cross, vu que je suis un grand passionné de cette discipline. Malheureusement, j’aurais bien voulu rester plus longtemps, mais j’ai dû quitter la formation l’année où Jean-René Bernaudeau cherchait un repreneur. C’est Europcar qui est devenu le sponsor principal, mais ça c’était fait en toute fin de saison et j’avais déjà pris les devants, par peur de me retrouver le bec dans l’eau. J’ai donc fini à la Française des Jeux, une équipe qui pouvait le mieux m’aider à l’approche des classiques, à mon sens. Malheureusement, mes deux années à la FDJ ne se sont pas passées comme je l’espérais. J’ai fait un très bon Milan-San Remo, avec Yoann Offredo, dès mon arrivée dans l’équipe, mais je n’ai reçu aucune récompense, aucune confiance de la part de l’équipe alors que je jouais la victoire sur l’une des plus belles classiques. Derrière, je fais un très bon Gp E3 malgré une blessure à la main, mais on ne m’accorde toujours pas cette confiance. Dès la seconde saison, je savais que je ne rentrais pas dans les plans de l’équipe et j’ai donc préféré changer de crèmerie. C’est vrai que j’ai trouvé au sein d’AG2R une superbe équipe qui me fait confiance sur les classiques et qui veut progresser dans ce domaine, pour être aussi performante que sur les courses de trois semaines. Mon plus mauvais souvenir est donc ma chute sur Milan San-Remo, car je jouais la gagne avec Yoann Offredo. Mon meilleur, c’est la victoire sur les Trois jours de la Panne, à Audenarde, lorsque j’étais encore chez Bouygues Telecom.

En terminant l’année dernière 8e de Gand-Wevelgem 16e de Paris-Roubaix, vous pouvez logiquement être déçu par votre rôle au sein de la FDJ…

Lorsque j’ai fini huitième sur Gand-Wevelgem, je n’ai reçu aucun bravo, pas une félicitation ! Notre leader était Arnaud Démare et dans le bus, ça parlait plus le fait qu’on avait mal couru parce qu’Arnaud était mal placé dans un endroit stratégique. La réaction de Marc Madiot à ce moment-là m’avait particulièrement déçu, il m’avait dit que j’avais marqué un but à la 93e minute. Je pense que ce n’est pas une chose à dire à un coureur comme moi, qui a besoin de se sentir bien dans son équipe.

Comment est l’ambiance au sein de l’équipe AG2R ? La cohésion est-elle au beau fixe, vu le retour des bons résultats après deux années de galère ?

Oui, on s’entend tous très bien, la majorité des étrangers parlent le français, donc c’est beaucoup plus simple pour rigoler et pour se comprendre. Il y a une très bonne ambiance, on est tous très sérieux tout en étant décontracté, ce qui est important à souligner. L’équipe est très professionnelle, les gars savent quand il faut être sérieux ou quand on peut se relâcher et rigoler. C’est deux dernières années chez AG2R, il y avait pas mal d’étrangers qui ne parlaient le français ou qui n’obtenaient pas de bons résultats, mais cette année il y a une très bonne cohésion dans l’équipe et ça se ressent dans les résultats avec par exemple les performances de Carlos Betancur qui était très bien entouré lors du Giro ou sur les classiques, avec Sebatien Minard, Yauheni Hutarovich et moi-même qui avons tout fait pour accrocher de belles places.

En parlant de Hutarovich, vous avez tous les deux fait le chemin entre la FDJ et AG2R. Avez-vous une relation particulière avec lui ?

Oui, je connais très bien Yauheni car il est passé pro en même temps que moi, en 2007. On est tous les deux passés par des petites équipes françaises, moi chez Auber 93 et lui chez Roubaix-Métropole. Par la suite, on s’est croisé chez la Française des Jeux et le hasard a fait qu’on s’est rejoint chez AG2R. Je le connais très bien, c’est quelqu’un qui parle très bien français, qui habite à Cannes et qui connaît les bonnes coutumes françaises. Il me ressemble un petit peu, c’est un coureur affectif, un sprinteur qui n’est pas méchant (c’est même l’un de ses défauts pour les sprints), très gentil, très sensible, donc je m’entends très avec lui, effectivement.

Vous approchez de la trentaine et vous n’avez toujours pas participé au Tour de France. Votre seule participation sur un Grand Tour, c’était lors du Giro 2009. Est-ce une ambition de participer pour la première fois à la Grande Boucle ou vous avez définitivement fait une croix sur les courses par étapes ?

Effectivement, j’aurai 30 ans au mois de septembre et je n’ai toujours pas découvert le Tour de France. J’ai vraiment envie de le découvrir le plus vite possible, même si je peux comprendre que ça effraie certaines équipes, vu que je n’offre pas de garanties sur une épreuve de trois semaines, et que l’avancement de mon âge ne joue pas en ma faveur. Mais cette année, je suis prévu sur la Vuelta où j’espère faire de bons résultats et terminer du mieux possible, pour prouver à mon équipe actuelle que je peux tenir trois semaines et ensuite, dès l’année prochaine, de me rendre sur les routes du Tour de France. J’ai un réel amour pour les classiques, je ne manquerai pour rien au monde Paris-Roubaix ou le Tour des Flandres, mais je pense qu’il est possible de réaliser un bon mois de juillet même après avoir été à 100% de sa forme lors du printemps. Je souhaite donc vraiment être sur le Tour de France l’année prochaine, mais si on me demande de choisir entre Paris-Roubaix et le Tour, ma réponse est claire et nette, je vais à Roubaix.

Vous avez l’habitude, chaque hiver, de participer à des épreuves de cyclo-cross. Pensez-vous vous spécialiser davantage sur la route ou continuer à jongler sur les deux disciplines ? 

J’ai déjà commencé, depuis l’année dernière, à délaisser les épreuves de Coupe du Monde. Je suivais davantage ma femme, championne de France de la discipline. Je participais à ses épreuves avec une condition physique inappropriée pour ce genre de course, donc le moral ne suivait pas vraiment, notamment quand on a connu des tops 10 voir des tops 5 sur des épreuves de Coupe du Monde par le passé. Je vais donc cette année encore un peu plus délaisser cette discipline, pour ne participer qu’à des cyclo-cross régionaux et nationaux, parce que pour moi le cyclo-cross est une discipline complémentaire de la route. Je l’utilise comme un moyen de préparation idéale pour les classiques. Je vais donc en faire un tout petit peu moins, mais j’adore trop cette discipline pour passer un hiver sans aucune course au programme.

Pour finir, quel sera votre programme de course pour la fin de saison ? Vous êtes déjà à plus de 40 jours de courses, ce qui n’est pas habituel chez vous, qui n’avait jamais dépassé les 50 jours de courses.

Le 28 Juillet, je serais au départ du Polynormande, course de la Coupe de France. Puis, du 7 au 15 Août, je serais au Tour de Burgos, pour me préparer avec mon équipe pour la Vuelta, où notre leader sera Carlos Betancur. Ensuite, tout dépendra ma condition, mais j’aimerais bien réaliser une saison complète sur route et finir la saison vers mi-octobre. Après cette saison complète, ce sera 15 jours de repos avant de repartir à l’entrainement avec l’équipe de cyclo-cross afin de me préparer pour les classiques. Cette ambiance belge me fait rêver et j’adore particulièrement ces courses flandriennes.

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