Après une dernière saison chez Delko Marseille Provence KTM, Leonardo Duque a officiellement mis un terme à sa carrière cycliste longue de douze saisons chez les pros. Bilan, dix victoires, dont une sur la Vuelta 2007, et un ultime succès lors de son dernier jour de course sur le Tour du Lac Taihu, en Chine. Le Franco-colombien, installé dans une petite ville nichée dans la vallée de la Durance, s’est depuis accordé quelques semaines de repos avant d’aborder la suite. De quoi lui laisser le temps de répondre à la Chronique du Vélo.

Vous avez annoncé votre retraite sportive en septembre, pourquoi avez-vous décidé de dire stop ?

C’est une décision que j’avais en tête depuis le début de l’année. J’avais un contrat d’un an avec Delko et ils ne voulaient pas me garder. J’ai essayé de me trouver une équipe un peu plus solide en termes d’infrastructures pour pouvoir continuer. Comme ça ne se faisait pas, j’ai dit que j’arrêtais. Après la Chine, il y a eu d’autres possibilités, mais j’avais décidé de passer à autre chose.

A 36 ans, vous vous seriez vu continuer longtemps ?

On ne fait pas du vélo toute sa vie, mais je sortais d’une saison au sein d’une équipe Continental Pro et j’avais la condition pour continuer. Je pense que j’aurais pu faire une ou deux années de plus sans problème, mais après il y a aussi ma famille qui rentre en compte et j’ai décidé avec eux.

Vous avez choisi votre moment pour arrêter puisque vous terminez sur une victoire, ce qui ne vous était plus arrivé depuis trois ans…

Tant mieux. Surtout que j’ai plusieurs fois été proche du but. L’année passée, j’avais fait deuxième sur la dernière étape du Tour du Luxembourg. Cette année c’est passé pas loin non plus, j’étais souvent avec les meilleurs. Je n’avais pas eu la chance de gagner, mais on arrive à finir sur cette victoire donc c’est magnifique.

Vous finissez avec dix victoires en professionnel, vous vous seriez vu il y a quelques années aller aussi loin ?

Non, j’ai commencé pour le plaisir. À partir d’un moment, quand j’avais dix-neuf ans, j’ai pris la décision de continuer. Il y a eu des moments compliqués mais j’ai fait une très belle carrière.

Revenons à vos débuts chez les pros. Vous commencez en 2004 comme stagiaire dans l’équipe belge Chocolade Jacques avant de signer en 2005 chez Jartazi. Comment vivez-vous vos débuts en Europe ?

Les gens étaient très gentils en Belgique et les courses me convenaient bien donc je me suis vite adapté. Grâce à des contacts que j’avais dans ce pays, j’ai réussi à m’installer et à obtenir un contrat. Bien sûr, la météo, c’était compliqué. Au début, tu passes de 30° à 0°… Mais ensuite ça va.

Votre aventure en Belgique ne dure pas et vous rejoignez Cofidis en 2006, qui évolue alors en Pro Tour (l’ancêtre du World Tour). Comment cela s’est fait ?

Avec Jartazi, on s’est rendus au Tour du Limousin où j’ai fait 2, 3, 4 et 5 sur les quatre étapes et quatrième du général* alors que j’étais néo-pro. Juste avant, j’avais remporté une étape et le maillot vert du Tour de l’Ain donc je les avais intéressé. Peu après, je finis dans le top 10 au Tour de l’Avenir, ils m’ont alors fait une proposition pour deux ans.

Vous démarrez comme équipier mais vous allez vite vous imposer dans cette équipe comme sprinteur sur les grands tours…

Oui, j’arrive comme équipier. Il y avait une grosse équipe déjà en place. Au début, j’ai découvert le fonctionnement, les courses, les stages. Puis petit à petit, j’ai eu un rôle plus important. J’ai alors demandé à faire le Tour d’Italie. Au départ Cofidis ne voulait pas mais on s’est mis d’accord. J’y ai montré de belles choses (cinq fois dans les dix premiers), donc j’ai pu enchaîner avec le Tour d’Espagne.

Votre première Vuelta se passe moins bien, mais l’année suivante, vous remportez la 16e étape à Puertollano. Est-ce la plus belle victoire de votre carrière ?

Oui. Je pense que gagner sur un grand tour, ce n’est pas donné à tout le monde non plus. J’ai eu d’autres victoires et j’ai obtenu des places d’honneur sur des classiques, mais ce succès restera un souvenir un peu particulier.

A contrario, votre deuxième place sur l’étape de Digne-les-Bains au Tour de France 2008 n’est-il pas votre plus grand regret ?

Non, je ne pouvais pas faire mieux. Je finis derrière (Oscar) Freire qui a gagné partout. Il était plus fort.

Estimiez-vous que vous étiez capable d’aller chercher d’autres victoires d’étape sur les grands tours ?

On peut toujours faire mieux. Chez Cofidis, je n’avais pas non plus une équipe bâtie pour le sprint. L’équipe n’était pas faite autour de moi donc parfois, je devais y aller seul. Mais j’ai toujours fait de mon mieux.

Avez-vous cherché à aller voir ailleurs si vous pouviez avoir mieux ?

Non parce que j’avais ma chance chez Cofidis. J’y disputais de belles courses. Si c’était plus compliqué pour les sprints, on avait en revanche une bonne dynamique sur les courses d’un jour. C’est une bonne équipe et je me faisais à l’idée qu’on ne peut pas tout avoir.

Vous quittez Cofidis en 2013 pour l’équipe Colombia, financée par le gouvernement pendant trois ans avant de disparaître. Comment jugez-vous cette expérience ?

C’était une bonne équipe, on avait une bonne base de travail et ça marchait bien. Ça manquait un peu de continuité pour réussir davantage mais de grands coureurs en sont sortis comme Pantano, Chaves ou Atapuma. Ils y ont acquis de l’expérience et aujourd’hui ils sont dans de grandes équipes.

Vous étiez le doyen de l’équipe, quel rôle aviez-vous auprès de ces jeunes talents ?

Comme j’étais le plus vieux, il a aussi fallu que je m’adapte. Mais j’essayais de transmettre mon expérience et donner des conseils aux plus jeunes pour les aider à aller gagner des courses.

Quelles sont les différences entre votre génération et cette nouvelle vague de cyclistes colombiens ?

Je pense qu’ils sont plus professionnels. Ils sont mieux préparés et plus forts physiquement. Ils bénéficient également d’un meilleur statut. Dans mes équipes, aussi bonnes soit-elles, je n’étais pas le leader. Eux, ils ont un rôle plus important et donc ils ont plus de moyens pour travailler.

Contrairement à ceux que vous avez cité, vous, vous étiez surtout un sprinteur. Pourquoi votre profil est sous-représenté parmi vos compatriotes ?

C’est sûr que des sprinteurs colombiens, il n’y en a pas des tonnes. Ça faisait douze ans que j’étais là et Fernando Gaviria vient seulement d’arriver. Il montre de quoi il est capable parmi les meilleurs du monde, mais ce n’est pas commun pour une équipe d’aller recruter un Colombien pour faire du sprint. Les recruteurs, quand ils vont en Colombie, ils cherchent surtout un coureur capable de gagner au sommet des bosses.

Heureusement que Gaviria est arrivé pour représenter le sprint colombien car en 2016, vous avez choisi de prendre la nationalité sportive française. Pourquoi ce choix ?

Je voulais disputer le championnat de France car je voulais célébrer tout le travail que j’avais fait dans ce pays. Je ne termine pas classé car on manquait de rythme par rapport aux équipes qui préparaient le Tour de France, mais on a quand même fait un beau parcours.

Vous sentez-vous autant français que colombien ?

Ça fait douze que je suis là. Je ne vais pas dire que je suis français parce que je ne suis pas né ici et que je suis arrivé à l’âge de 25 ans, mais je me suis très bien adapté et j’ai beaucoup d’attaches. Mes enfants sont nés ici. On a tout ce qu’il faut et on se voit rester.

Que comptez-vous faire maintenant que vous avez raccroché ?

Je veux monter un atelier de vélo dans le coin (la région marseillaise, ndlr). C’est en projet. Je vais suivre une formation l’an prochain pour préparer tout ça et on va essayer d’ouvrir fin 2017-début 2018.

* Après le déclassement de Leonardo Bertagnolli, alors chez Cofidis, Duque a obtenu le gain de la troisième étape et la troisième place du général.

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