A 36 ans, John Gadret est l’un des meilleurs coéquipiers de Valverde et Quintana lorsque la haute montagne arrive. Mais après une année 2014 où il a été très important autour de ses deux leaders, le Champenois est sans cesse embêté par des pépins physiques en 2015. A quelques mois du Tour, il doit faire vite pour gagner le droit d’y épauler Quintana. Avant, si ses souhaits sont exaucés, de s’envoler vers une équipe française pour sa fin de carrière. En pleine préparation, le Français s’est donc confié à la Chronique du Vélo. Entretien.

Bonjour John. On a l’impression de ne pas avoir vu le temps passer, mais vous avez désormais 36 ans, et êtes dans votre douzième saison chez les pros. Qu’est-ce que ça représente ?

Beaucoup de choses, c’est sûr. On m’aurait dit quand j’étais gamin que je ferai douze années professionnelles, je n’y aurais cru. Malgré les moments difficiles, je vis un rêve depuis tout ce temps.

Fin 2013, non-conserve par AG2R, vous signez chez Movistar. Vous passez de leader à équipier, vous attendiez cette opportunité ou vous auriez aimé continuer d’être un coureur protégé ?

Quand mon manager m’a dit que j’avais une proposition pour aller chez Movistar, j’ai saisi l’occasion. C’est vrai que j’avais un rôle de coureur protégé chez AG2R La Mondiale, mais je n’avais jamais connu le fait de rouler pour des très grands leaders comme Valverde ou Quintana, donc j’ai tout de suite été enchanté et j’ai voulu relever le défi.

L’an dernier, vous avez été très important pour Valverde sur le Tour, ça vous assure une place de choix chez Movistar ?

C’est certain que j’ai joué un rôle important l’année dernière, mais cette saison est complètement différente. Faire le Tour cette année va être compliqué, parce que j’enchaîne les pépins physiques depuis le début de saison. J’ai eu un problème au genou à Majorque, et quand je suis revenu j’ai eu une gastro. Ensuite j’ai eu des allergies, et il y a deux semaines je suis encore tombé en Espagne – sur le Tour de la Communauté de Madrid, ndlr. C’est un peu la poisse, mais comme on dit la roue tourne, donc j’espère que ça va arriver rapidement. En tout cas, je vais tout faire pour mettre les chances de mon côté.

Après votre blessure à Majorque, vous êtes revenu sur les flandriennes. Vous aviez absolument besoin de courir ?

Disons que le calendrier espagnol n’est pas aussi étoffé qu’en France, on n’a pas de Coupe de France par exemple. Donc comme il fallait bien recourir un jour, je me suis dit que j’allais aller faire du rythme sur les classiques flandriennes, et même si c’est pas des courses qui me conviennent, j’ai pris beaucoup de plaisir.

Chez Movistar, vous avez aussi découvert le rôle d’un coureur expérimenté, qui conseille les plus jeunes…

C’est sûr qu’il y a beaucoup de bons coureurs, surtout grimpeurs, chez Movistar. Mais Quintana par exemple, je n’ai pas beaucoup de conseils à lui donner, il se connaît déjà très bien même s’il est jeune. Pour les autres oui, j’essaie d’apporter ma pierre à l’édifice, même s’ils sont pour beaucoup professionnels depuis pas mal d’années.

Est-ce plus facile de travailler avec Valverde ou Quintana ?

J’ai travaillé avec les deux, c’est complètement différent, mais ce sont tous les deux de grands leaders qui savent respecter leurs coéquipiers. Une fois que le travail est bien fait, il n’y a de toute façon rien à dire.

Vous avez souvent brillé sur le Giro, cette fois vous en êtes spectateur. C’est frustrant ?

Non pas du tout, car j’avais l’opportunité de le faire cette année et c’est moi qui ai décidé de ne pas y participer. Je regarde donc les étapes de montagne, mais je ne suis pas tout le temps les yeux rivés sur le Giro.

Si vous ne parvenez pas à faire le Tour, vous serez sur la Vuelta ?

Non, ce sera le Tour ou rien. Si je ne fais pas le Tour de France, je n’irai pas sur la Vuelta. C’est une course qui ne m’a jamais réussi et étant dans une équipe espagnole, il y a beaucoup d’autres coureurs qui souhaitent y participer.

Sur le Giro, vous avez terminé quatrième avant de vous voir reclasser troisième suite au déclassement de Contador. Mais vous n’avez pas eu les honneurs du podium, c’est une déception ou quelque chose d’anecdotique ?

J’ai reçu le trophée, mais la joie du podium c’est encore autre chose. C’est toujours frustrant, mais ça fait partie du sport…

Vous avez longtemps visé un top 10 sur le Tour, sans y parvenir. C’est un regret ?

Non, je me suis satisfait de ma troisième place du Giro. Il ne faut pas vivre avec ce qu’on a fait par le passé, il faut se remettre en question en permanence. Je ne pourrais sans doute pas rééditer une telle performance, mais jusqu’à maintenant j’ai fait des choses correctes et je n’ai aucun regret sur ma carrière.

Continuer à aider vos leaders, peut-être sur le Tour, et finir dans une équipe française en 2016, c’est votre plan de carrière avant la retraite ?

Oui voilà, j’aimerais finir dans une équipe française. Après il y a Europcar qui pourrait arrêter en fin d’année, et j’ai 36 ans donc ce sera difficile de retrouver une équipe pour m’accueillir. Mais je compte sur mon expérience, donc on verra bien. Pour l’instant on n’est qu’au mois de mai, je vais me concentrer sur le Dauphiné pour décrocher une place sur le Tour, et on verra après pour la suite.

Revenir chez AG2R, c’est envisageable ou vous êtes parti en mauvais termes ?

Non je ne suis pas parti en mauvais termes même si on a eu quelques accrochages. Je respecte énormément Vincent Lavenu pour tout ce qu’il a fait pour moi, je suis resté huit ans dans cette équipe, ce n’est pas pour rien. Mais je ne pense pas y retourner, j’ai d’autres idées, même si rien n’est figé.

A court terme, quel est votre programme ?

Je vais essayer de faire un beau Dauphiné pour montrer que je suis capable d’aller aider Quintana sur le Tour. Comme j’ai eu beaucoup de pépins cette saison, l’équipe doute un peu de moi, ce que je peux comprendre. Et là je vais donc partir en stage à la montagne pour m’entraîner, en espérant être au top au mois de juin.

S’entraîner seul, ce n’est pas gênant ?

Non pas du tout, je sais qu’il y a deux ou trois coureurs qui s’entraînent ensemble, mais chez nous, il n’y a pas de stages en équipe. Quintana s’entraîne seul en Colombie également. Moi aussi, je me connais donc je préfère partir seul.

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