Lors de la présentation de l’équipe Direct Energie vendredi dernier, Jean-René Bernaudeau et son staff détaillaient avec enthousiasme le nouveau projet pour l’année 2016, rajeuni et résolument tourné vers la fougue de ses jeunes talents. Dans cette organisation, c’est le sprint qui apparaît comme le domaine le plus important. Il est incarné par Bryan Coquard, deuxième sur les Champs-Elysées lors du dernier Tour de France, et Adrien Petit, recruté pour apporter en efficacité au nouveau porte-drapeau des Vendéens. Une paire sur laquelle il faudra compter.

Coquard : « Ma façon à moi de remercier Jean-René »

Sur les 22 coureurs d’une équipe désormais repérable dans les pelotons par son maillot noir et jaune du sponsor Direct Energie, 18 sont issus de l’équipe réserve Vendée U. L’équipe dirigeante compte se baser fortement sur son vivier régional, reconnu pour avoir fait s’envoler de nombreux jeunes espoirs. Mais ils ne pourront remplacer les leaders partis vers d’autres cieux. L’espace laissé vide par les départs de Pierre Rolland, Cyril Gautier ou encore Yukiya Arashiro doit donc être comblé par Bryan Coquard, que l’on serait tenté de décrire comme le nouveau pilier d’une structure vieille de 15 ans. Conscient de ses nouvelles responsabilités à endosser, le médaillé d’argent de l’omnium aux Jeux de Londres tient à tempérer : « Le pilier, je ne sais pas si je peux vraiment dire ça. C’est Thomas qui garde ce rôle, incontestablement. Je ne sais pas trop ce que je suis, mais le nouveau pilier, je n’apprécie pas vraiment ce terme. Cela n’empêche que je suis un leader protégé, et c’est important. » Oscillant depuis 2013 entre quatre et six victoires par saison, Coquard s’est continuellement hissé parmi les hommes les plus rapides du monde. Le natif de Saint-Nazaire a même pu entrevoir de grands succès sur les deux derniers Tour de France, où il s’en est fallu d’un rien pour qu’il ne lève les bras dans les villes d’arrivées les plus prestigieuses.

Que ce soit sur les Champs-Elysées, The Mall, mais aussi sur Paris-Nice, le jeune coureur de 23 ans a encore une grosse marge de progression. Et pour en tirer la quintessence, Coquard a décidé de rester, si l’on peut dire, à la maison. Courtisé par Lampre, AG2R, mais aussi dans une moindre mesure IAM et BMC, il a préféré la patience, restant fidèle à un homme à qui il doit tout, son manager général. « Ce sont les valeurs de Jean-René avant tout qui ont forcé la décision. C’est lui qui m’a fait passer pro, et c’était ma façon à moi de le remercier pour tous ces beaux moments. J’ai attendu le plus que je pouvais pour rester lié à lui, et finalement, un sponsor est arrivé sur la table. » Des valeurs de partage, d’entraide, de cohésion et de solidarité chez un groupe qui se reconnaît dans le dépassement de soi et bien sûr la communion avec le public. Mais pour l’ancien pistard, qui s’est construit un nom dans le peloton des routiers, 2016 va apporter du changement. Pour la première fois, il va bénéficier d’un véritable train. S’il a collectionné une vingtaine de podiums et tops 10 l’an passé, bon nombre d’observateurs pointaient justement le manque de soutien dont il bénéficiait souvent dans le dernier kilomètre. Lors de la dernière étape du Tour, le bouquet était même peut-être à sa portée : il n’avait qu’un tout petit temps de retard sur Greipel au début de la dernière ligne droite.

Petit : “Être à la hauteur des attentes”

Sa garde rapprochée s’est donc construite en décembre, lors du stage de pré-saison aux Essarts, et devrait normalement prendre forme cette semaine à Calpe, en Espagne. « J’ai le temps avant de m’expatrier à l’étranger, et puis, pourquoi pas faire en sorte que le train Direct Energie devienne dans quelques mois le meilleur train du monde ? », sourie le principal intéressé pour clore le débat autour de sa fidélité envers “JRB”. Dans ce sens, sa collaboration avec Adrien Petit sera scrutée de près. Le Nordiste, sur le podium des championnats de France à Saint-Amand en 2012, était empêtré chez Cofidis depuis ses débuts. « J’avais besoin de trouver une nouvelle motivation. À vrai dire, je commençais un peu à me reposer sur mes lauriers chez Cofidis, avoue-t-il. C’était donc important de trouver une autre ambiance, de découvrir une nouvelle aire de travail, et je me suis rapidement senti à l’aise dans le groupe. Il est soudé, c’est le principal, et je dois prendre ma place. » Vainqueur déjà de trois étapes de la Tropicale Amissa Bongo, au Gabon, Petit a opté pour une rentrée dès le mois de janvier afin d’entamer sa montée en puissance pour la période des classiques, où il espère jouir de quelques libertés. Il n’en reste pas moins que comme pour Tony Hurel, Bryan Nauleau, Angelo Tulik et le bloc des pistards, son rôle sera avant tout d’aider Coquard à lever les bras le plus possible. “Je vais essayer d’être à la hauteur des attentes. Le plus important sera d’épauler Bryan sur les courses qui comptent pour lui : Paris-Nice, Milan-Sanremo, et le Tour de France.”

Toute la difficulté réside toutefois dans la construction du train. Coquard confirme : « Il y a encore des petits réglages à parfaire, des automatismes à découvrir. On n’arrive de toute manière jamais à réaliser une situation de sprint comme dans un final de course. On n’aura jamais de quoi réunir 200 coureurs, donc on doit travailler à partir de beaucoup de vidéos, et sur tous les autres plans des derniers kilomètres. » Mais en tout cas, après seulement quelques semaines, le courant passe déjà bien entre le leader et son poisson-pilote. « Hors-vélo, avec Bryan, on est un peu le même style de personnes. On s’entend bien, et j’espère que sur le vélo ça va se ressentir. » Et à Coquard d’ajouter que si un train peut grandement faire la différence, il n’est pas une assurance inébranlable pour la victoire. « Mes coéquipiers ont un rôle un peu plus défini sur ce qui pourrait être leur place dans un train. Mais il n’y a pas de changement fondamental par rapport aux années précédentes. Jimmy (Engoulvent ndlr, devenu directeur sportif) est toujours là, il fait un boulot extraordinaire pour nous tous. Bien sûr, Adrien a été embauché pour lancer les sprints, mais il n’y a pas que les poissons pilotes, il y a huit coureurs, et tout part d’un collectif génial. »

Pour le moment, en revanche, le groupe n’a pas fixé d’objectif précis. Le but est de briller partout. « Il y aura une première partie de saison autour des sprints, puis plus tard il est aussi prévu que je dispute l’Amstel Gold Race, explique Coquard. Pour gagner, je ne sais pas, je ne l’ai fait qu’une fois, et j’étais néo-pro. Mais ce sera important, tout comme Milan-Sanremo et Gand-Wevelgem. Si j’y participe, c’est parce que j’ai envie d’y briller. » Avec au programme une reprise teintée d’innovation. « Avant Paris-Nice, il y aura Valence. Ce sera ma première course de la saison. Contrairement à d’habitude, je ne reprendrai pas à l’Etoile de Bessèges. La principale raison, c’est qu’il y aura probablement un beau plateau en Espagne, avec la présence de Greipel et Cavendish notamment. Ce n’est peut-être pas le plateau de Paris-Nice, mais c’est vraiment pas mal pour un mois de février, et je pourrais y aller tout en ayant le droit de me louper. Ce ne sera plus le cas sur Paris-Nice. » Dès la reprise, il est donc question de se mettre à l’épreuve face aux cadors. Pas de quoi ébranler la confiance. « Franchement, je ne vois pas vraiment ce qui pourrait m’empêcher de tenir mes engagements. […] Je ne vais pas me fixer de quotas de succès, juste tenter de gagner le plus possible ! » En retour, les nouveaux investisseurs de Direct Energie miseront sur lui pour capitaliser, et s’organiser stratégiquement autour du sprint. « En s’appuyant sur moi, l’équipe prend un tournant historique. Si ça marche bien, ça continuera dans ce sens. » Comme si toute la pression reposait sur Coquard. Et ça ne lui fait même pas peur.

 

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