Tout ou presque fait de lui un coureur particulier. Britannique exilé en Espagne après avoir dit non à l’équipe Sky, Hugh Carthy a passé les dernières semaines dans les roues de Contador, Quintana ou Landa. Mais alors qu’il y a quelques mois, personne ou presque ne le connaissait, voilà qu’on le compare désormais à son compatriote Chris Froome.

Hugh Grant, la Corée puis l’Espagne

1m89 pour 64 kg, le garçon est un phénomène rien qu’à sa silhouette. Plus grand et plus léger que Chris Froome, c’était donc possible. A 21 ans, celui qui s’appelle Hugh parce que ses parents étaient fans de l’acteur Hugh Grant avait jusque là progressé dans l’anonymat, mais un printemps de haut niveau aura suffit à faire de lui une véritable attraction. Au Tour de Catalogne, où son équipe Caja Rural était invitée, il a chaque jour accroché les roues des meilleurs pour se hisser dans le top 10 final à Barcelone. A La Molina, il termine six secondes derrière Froome, avec Rodriguez, Uran et Thomas. Le lendemain à Port Ainé, il tient la roue du leader de la Sky jusqu’à la flamme rouge, avant de lâcher quelques mètres. Il devance quand même – encore – Rodriguez, Uran et Aru. La révélation. « C’était un peu étrange de me retrouver avec de tels coureurs en montagne, reconnaissait-il à Cyclingnews. J’étais habitué à voir ces épreuves à la télé. Je voyais ces coureurs comme des super-héros lorsqu’ils attaquaient, mais là j’étais juste derrière eux. »

Né à Preston, dans le Lancashire, c’est donc sur les routes espagnoles que Hugh Carthy se sera révélé. Sa première victoire marquante chez les professionnels, il y a dix jours, c’est sur le Tour des Asturies qu’il est allé la chercher. Avant ça, il n’avait eu l’occasion de lever les bras que lors du Tour de Corée 2014, sous les couleurs de l’équipe Rapha Condor, où il avait signé un an avant. Mais ça n’est pas pour le déranger : Carthy aime l’étranger. Depuis qu’il a signé chez Caja Rural, il y a un an et demi, il vit à Pampelune. Il a tout fait pour apprendre l’espagnol rapidement, aidé par son ami Heiner Parra, le Colombien passé dans l’équipe basque jusqu’à l’hiver dernier. « Je pense que je pourrais vivre n’importe où. J’aime découvrir de nouvelles cultures, apprendre des choses ici et là », assurait-il à El Pais il y a quelques semaines. L’Anglais prend le vélo comme un moyen de voyager, d’apprendre de nouvelles langues. L’Espagne a alors simplement été une opportunité, qu’il n’a pas hésité à saisir.

Sky, Sean Kelly et Stephen Roche

« Caja Rural, c’est l’équipe parfaite pour moi. Elle a des ambitions, mais pas trop élevées, ce qui fait qu’elle peut donner sa chance à un coureur de 20 ou 21 ans », analyse, plein de lucidité, un Hugh Carthy qui s’est permis de dire non à l’armada Sky. « Je ne veux pas aller à la Sky comme un tout jeune coureur qui a besoin de tout apprendre, qui n’est pas respecté et pris en considération. Je veux aller à la Sky comme l’a fait Landa par exemple. Il y est arrivé sans avoir tout gagné, mais avec des galons qui lui permettent de ne pas travailler pour les autres. » Alors avant de peut-être rejoindre l’écurie de son pays, le garçon veut remporter des courses importantes, et des étapes de grands tours, pour gagner le respect. Venu au vélo à cinq ans, parce que son père admirait Sean Kelly et Stephen Roche, il n’a pas trop à s’inquiéter vu la vitesse à laquelle il franchit les étapes. Même une blessure au tendon d’Achille, intervenue à la fin de l’été dernier sur le Tour de Grande-Bretagne, n’a pas ralenti l’ascension de Hugh Carthy.

Il faut dire que le jeune grimpeur est un vrai professionnel. « Dès notre première rencontre, il nous a montré à quel point il était sérieux et dévoué, note son manager Juan Manuel Hernandez. Il aurait pu rester au Royaume-Uni, mais il a voulu intégrer l’équipe le plus rapidement possible. (…) Il nous a montré comment il était impatient d’être un cycliste et cela en dit long sur sa personnalité. » L’équipe espagnole reste toutefois pleinement consciente qu’il ne faut pas trop mettre la pression sur une pépite qui se cherche encore. « Pour le moment, je ne suis qu’un grimpeur, lâche Hugh Carthy. Je ne peux pas courir pour les classements généraux, je n’ai pas l’endurance et la récupération nécessaires. » Pourtant, il impressionne semaine après semaine, et a même remporté le général du Tour des Asturies. Adepte du cyclisme d’antan, « sans lunettes et casques, mais avec des casquettes et une grande liberté », il a sans doute peur de paraître prétentieux. Face aux médias, il a encore un peu de mal, cherche ses mots et fait attention de ne pas trop en dire. Mais sur le vélo, et quand la route s’élève, il n’a plus aucun problème.

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