Greg Van Avermaet qui remporte Tirreno-Adriatico, le symbole est fort. Trop souvent considéré comme un loser, habitué des podiums sur les grandes courses d’un jour, le coureur flamand s’impose cette année comme l’un des favoris pour les classiques, que ce soit Milan-Sanremo samedi ou les flandriennes, qui suivront. Le Belge a enfin développer cet esprit de winner. Il aura mis le temps.

L’éternel second

« Quand on est toujours présent dans le final mais qu’on ne parvient jamais à l’emporter, on est très vite perçu comme un perdant. » C’est Van Avermaet lui-même qui le disait, lors d’une interview accordée pour le quotidien annuel Sport Foot Magazine. Et il n’a pas forcément tort. Après deux premières saisons professionnelles qui se sont déroulées comme dans un rêve, une carrière remplie de succès lui était promise. Mais après l’euphorie de la Vuelta 2008, où il remporte une étape et le classement par points, “GVA” a connu la disette. Il a dû attendre son départ de chez Omega-Pharma Lotto et le Tour d’Autriche 2011 pour regoûter à la victoire. Trois années de vaches maigres avant un nouveau transfert, vers la BMC. Chez les Américains, il emmagasine les places d’honneur, sans toutefois connaître avec régularité les premières marches du podium. Le flandrien accumule davantage d’accessits que de victoires, et se voit accolé une étiquette d’éternel second.

Durant toute cette période, Van Avermaet était un coureur d’instinct, courageux et offensif. Il en était d’ailleurs conscient et ne s’en cachait pas. « La course, pour moi, c’est avant tout un plaisir. Je ne cours pas avec une calculette », lâchait-il comme une pique à certains de ses concurrents. Il n’empêche que ses erreurs tactiques et son penchant trop généreux dans l’effort ont souvent précipité sa chute, comme le montre sa deuxième place sur le Het Nieuwsblad en 2014, battu par un Stannard censé être largement moins avantage au sprint. Ses victoires sur le Tour de France ou le Tirreno-Adriatico ne font donc pas oublier ses échecs, surtout qu’elles sont décrochées grâce à sa puissance mais assez peu grâce à science la course. Ses nombreux fiascos ont toutefois eu le mérite de forger au Belge beaucoup d’expérience et de l’obliger à se remettre en question d’un point de vue tactique. Une nécessité s’il voulait progresser et enfin prétendre à remporter un Monument qui lui a souvent échappé de peu.

Apprendre de ses erreurs

En 2008, il déclarait : « J’aime lorsque l’on court sans calculer. Les courses d’attente m’ennuient.» Mais depuis cet hiver, le coureur belge semble appréhender les compétitions différemment. Plus calme, plus réfléchi, il n’est plus ce chien fou qui roule à l’instinct. Lors du dernier Het Nieuwsblad, il n’a pas reproduit les mêmes erreurs que face à Stannard un an plus tôt. Après avoir suivi Luke Rowe lors de son accélération dans le Taaienberg, le coureur de la BMC s’est bien gardé de produire l’effort de trop au sein de l’échappée. Pour une fois, il s’est contenté de suivre. Puis il a lancé son sprint au meilleur moment, à plus de 250 mètres de l’arrivée, comme le conseillent les spécialistes de la semi-classique d’ouverture.

Mais c’est la victoire de Van Avermaet, cette semaine sur la sixième étape de Tirreno, qui est la plus parlante. Laissant Etixx et Tinkoff assumer le poids de la course, il n’a pas perdu patience quand  l’écart avec le peloton commençait à descendre sous les 10 secondes. Il a refusé quelques relais, n’appuyait pas trop les siens : il a laissé les autres prendre leurs responsabilités. Mais surtout, il a été d’un calme olympien lors du dernier kilomètre. Ne réagissant pas à l’accélération de Kwiatkowski, il est resté dans la roue de Peter Sagan pour déclencher son sprint au bon moment et disposer d’un adversaire sur le papier plus véloce que lui. Sa réaction d’après courses montre d’ailleurs cette métamorphose : “C’est un final difficile. J’étais seul sans équipier, ce n’était pas la situation idéale. J’ai essayé de m’économiser et ça a marché.” Alors qu’il avait pris pour habitude de se rater dans les derniers hectomètres par manque de lucidité et de self-control, il démontre enfin qu’il peut courir avec intelligence et sans précipitation. Une forme de maturité qui arrive à 30 ans, l’âge de la plénitude physique. Un savoureux mélange qui pourrait faire des dégâts.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.