En passant la ligne, il n’a pas esquissé la moindre célébration. Il n’était encore sûr de rien. Vincenzo Nibali savait qu’il avait réalisé quelque chose de grand, mais il lui fallait encore attendre 45 secondes pour que sa deuxième victoire sur le Tour d’Italie soit acquise. Mais l’attente, plus qu’angoissante, a été joyeuse. L’exploit que tout un peuple espérait a bel et bien eu lieu.

La victoire, rien d’autre

Cinquante kilomètres vendredi, à peine vingt ce samedi : c’est ce qu’il aura fallu à Nibali pour complètement renverser le Giro en deux jours seulement. Il disait qu’il avait prévu son pic de forme en dernière semaine, et il ne mentait pas. Le Squale a été monstrueux. Dominateur comme on pouvait l’imaginer face à une concurrence réduite. Mais aussi grand stratège et plein de panache. Après trois semaines d’errance, il est redevenu lui-même. Et devant ses tifosi, il est allé chercher le maillot rose à la veille de l’arrivée. De quoi rendre heureux tout un pays qui ne jure que par lui, le héros italien qui accrochera à Turin un quatrième grand tour à son palmarès. Pour ça, encore une fois, il a opté pour son scénario favori : une montée, puis une descente, pour mettre hors du coup un Esteban Chaves que le paletot de leader n’aura pas assez transcendé. Le Colombien avait quarante quatre secondes d’avance ce matin. Il en a cinquante deux de retard ce soir. Nibali était juste trop déterminé.

On ne saura sans doute jamais si lorsqu’il a attaqué, vendredi dans la descente du col d’Agnel, il avait en tête de récupérer la troisième place à Valverde ou déjà d’aller à la conquête du maillot rose. Mais l’histoire est incroyable, à l’image de ce Tour d’Italie dont on ne sait jamais vraiment ce qu’il nous réserve. Pour cette année, sa surprise était donc un Nibali héroïque. Il a puisé au plus profond de lui-même pour venir à bout d’adversaires qui avaient sans doute la chance de leur vie de remporter une épreuve de trois semaines. Il a surpassé les doutes, ceux des observateurs comme ceux de sa propre équipe, pour mener à bien un Giro que tout le monde ou presque jugeait raté il y a encore trois jours. Preuve que le Sicilien n’est pas un coureur comme les autres. Il est un de ceux, et ils sont de plus en plus rares, qui aiment risquer de tout perdre pour avoir une chance de l’emporter.

Dans la légende

Ce samedi à Risoul, les larmes de l’Italien voulaient dire beaucoup. Comme s’il savait qu’en renversant Steven Kruijswijk, il avait fait le plus dur, et qu’aller chercher la victoire finale sur l’ultime étape avant l’arrivée ne serait plus qu’une formalité. C’était le cas. Ce samedi, Chaves a pu suivre la première offensive, pas la deuxième : exactement comme la veille. Quatrième du général à près de cinq minutes du leader il y a deux jours, Vincenzo Nibali va terminer vainqueur avec pas loin d’une minute d’avance. Un retournement de situation que seul le Squale peut nous offrir. Alors dimanche après-midi, à Turin, il aura tout le loisir de monter sur la plus haute marche du podium pour enfiler le maillot rose. Après trois semaines où le monde du vélo n’a cessé de remettre en doute ses qualités, il a montré quel champion il était. Un de ceux, assurément, qu’on ne croise pas chaque année. Mais un de ceux qui nous font rêver toujours un peu plus. Un de ceux, on le dit souvent, qui aime le passé. Et que le futur n’oubliera pas.

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