Improbable vainqueur de l’épreuve romande il y a un an, le Russe Ilnur Zakarin se présente au départ de l’édition 2016 avec l’ambition de conserver son titre. Nouvel homme fort des arrivées au sommet sur les courses par étapes, celui qui s’est illustré sur le dernier Paris-Nice en devançant Contador à la Madonne d’Utelle aura tout de même fort à faire pour réaliser le doublé. L’effet de surprise ne fonctionnera pas.

Dernière répétition avant le Giro

Pour sa première venue sur la course rose, la nouvelle star du cyclisme russe s’était mise en quête d’une victoire d’étape. Un objectif modeste, alors que certains s’attendaient à le voir continuer sur sa lancée en allant chercher un possible top 10 au classement général. Sur un grand tour qui s’ouvre régulièrement aux attaquants, Zakarin avait donc fait preuve de panache en deuxième semaine, et décroché son jour de gloire sur la onzième étape, dont le final était tracé sur les routes du circuit automobile d’Imola. Mais s’il était venu disputer le Tour d’Italie presque par hasard, après avoir sorti de son chapeau des performances exceptionnelles au Pays-Basque et en Romandie, la donne est bien différente cette année. Désormais certain qu’il peut viser haut sur une épreuve de prestige, le Giro apparaît comme l’objectif central de sa saison, et pour cela, le passage en Suisse francophone sert de dernier test avant de s’envoler pour les Pays-Bas, où le grand départ aura lieu dans dix jours. Un programme qui a nécessité une refonte de son début de saison, où il s’est malgré tout montré en très bonne forme et en avance sur ses futurs rivaux du mois de mai.

Dès sa reprise sur les routes du Tour de Murcie, une classique espagnole de moyenne montagne, Ilnur Zakarin s’est fait violence pour suivre Philippe Gilbert et Alejandro Valverde dans le mur final, accrochant un podium. L’électron libre de la Katusha s’est ensuite classé septième du Tour d’Algarve, avant d’entamer Paris-Nice avec un statut quelque peu similaire à celui de cette semaine. Caché derrière Simon Spilak, plus expérimenté et très singulier dans la catégorie des spécialistes des courses World Tour d’une semaine, Zakarin a rapidement pris le dessus sur son camarade dans l’arrière-pays niçois. Alors que Contador, Thomas et Porte ferraillaient à cadence élevée dans les derniers kilomètres de l’étape reine, c’est bel et bien le natif de Naberejnye Tchelny qui est venu jouer les troubles-fête en bon finisseur qu’il est. Quatrième de la Course au Soleil, mais aussi septième d’un Tour de Catalogne illustrant les grosses difficultés qu’éprouve Joaquim Rodriguez depuis la rentrée, Zakarin fait preuve de constance. Une nouvelle qualité à lui reconnaître, en plus d’aimer les forts pourcentages. Cinquième d’un Liège-Bastogne-Liège atypique à plus d’un titre, plus rien ne semble l’effrayer.

Un niveau ré-haussé à toutes les échelles

Par conséquent, les têtes d’affiches présentes à la Chaux-de-Fonds, cité accueillant le prologue de ce mardi, n’ont rien d’insurmontable pour un coureur de 26 ans qui fait preuve d’une concentration maximale, bien aidé par son staff qui le protège systématiquement en l’éloignant des médias. L’année dernière, il avait en effet battu dans l’ordre Spilak, Froome, Pinot, Uran, Yates, Majka, Quintana, Bardet et Nibali. Celui qui n’avait comme unique référence qu’un titre national contre-la-montre et le général du Tour d’Azerbaïdjan avait soumis sa loi à trois vainqueurs de grands tours, brillant au sommet de Champex-Lac et dans l’exercice solitaire technique du dernier jour. Aujourd’hui, à l’exception de Yates et Nibali, absents, les mêmes adversaires reviennent avec l’ambition de prendre leur revanche sur le tenant du titre, auteur d’un crime de lèse-majesté en ayant privé habitués des sommets à une explication entre bons amis. On peut également ajouter à la liste des prétendants le duo de la BMC, Porte-Van Garderen, et les Néerlandais Kelderman et Dumoulin. De quoi agrandir encore un peu plus le sentiment d’insouciance d’Ilnur Zakarin ? Car jusqu’à maintenant, plus l’adversité est intense, plus le Russe se transcende.

Que ce soit au Pays-Basque, en Romandie, sur Liège-Bastogne-Liège ou au Giro, c’est toujours devant des hommes au palmarès largement plus conséquent que le sien que Zakarin s’est fait la belle. À contrario, sur des courses moins importantes, où son nouveau statut lui conférait la place du favori, sa timidité naturelle a refait surface. Emprunté au moment de placer une attaque décisive sur l’Artic Race of Norway, face à Taaramae et Dillier, anonyme quatrième d’un Tour de Pologne remporté par Ion Izagirre devant Bart de Clercq et Ben Hermans, voici à quoi s’est résumé sa deuxième moitié de saison 2015. A t-on affaire à une étoile capable de briller uniquement lors des grandes occasions ? Les mois de mars, avril et mai sont-ils ceux où la probabilité d’un bon résultat est la plus élevée chez Ilnur Zakarin ? On a envie de répondre qu’il ne faut être étonné de rien chez un coureur aussi mystérieux. Malgré tout, il y a quand même deux hics. Son hold-up romand de l’an dernier s’est fait grâce à un splendide chrono, alors que Thibaut Pinot l’avait devancé sur la seule arrivée au sommet. Cette fois, il y en aura deux, de quoi lui compliquer la tâche. Mais en même temps, tout le monde semble tellement fragile face à la tornade Zakarin, un homme au style iconoclaste manquant même d’élégance comparé à Christopher Froome. Preuve qu’il bouscule bel et bien la hiérarchie.

Nos favoris

**** Chris Froome, Ilnur Zakarin
*** Thibaut Pinot, Simon Spilak, Nairo Quintana
** Rigoberto Uran, Tejay Van Garderen, Rui Costa, Richie Porte
* Rafal Majka, Ion Izagirre, Romain Bardet, Mathias Frank, Wilco Kelderman, Tom Dumoulin

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