Alors que la première victoire d’un Britannique, celle de Bradley Wiggins, avait suscité un réel engouement de l’autre coté de la Manche, le couronnement de Froome a été radicalement snobé, aussi bien par le peuple que par les médias. Deux raisons semblent expliquer ce désintéressement : l’accoutumance à la victoire – depuis les Jeux de Londres, les sujets d’Elizabeth II accumulent les succès dans différents sports – mais aussi l’éloignement culturel de cet Africain d’origine qui ne parvient pas à s’attirer la sympathie d’un public qui le perçoit davantage comme un enfant du Commonwealth.

 Un britannique trop exotique  

Journal à scandale, le Sun n’a pas hésité au moment de jeter un point d’ombre sur le sacre de Froome, soulignant les soupçons qui entourent « The White Kenyan ». Pas non plus d’effervescence du coté du Times qui fait lui aussi référence aux origines africaines de Froomey en évoquant la consécration de ce « Roi Soleil » décidément si peu british. Gentil garçon, poli et timide, mais paradoxalement ciblé par les médias qui remettent sans cesse en cause la validité de ses performances, Froome ne correspond pas aux standards de l’athlète britannique, généralement formaté à l’image des Cavendish et Wiggins, coureurs de caractère, à l’esprit rock & roll.

Au Royaume-Uni, le final de l’étape des Champs-Elysées, puis son podium protocolaire, n’ont ainsi pas réalisé les audiences attendues, étant délestées par les téléspectateurs au profit de sports traditionnels tels que le golf et le cricket. Au Kenya et en Afrique du Sud, la portée de sa victoire est tout autre, fêtée  jusque dans les townships, Froome est devenu le héros du continent noir, qui s’identifie facilement au natif de Nairobi. Une telle passion autour d’un athlète blanc reste extrêmement rare dans ce coin du monde qui a longtemps subit les inégalités de l’ancien régime. Snobé en Occident, Froome est une icône fédératrice dans le Sud de l’Afrique.

Un statut qui peine à se confirmer pleinement

Né et ayant grandi au Kenya, où il disputa ses premières compétitions de VTT, puis en partance vers l’école de cyclisme de Johannesburg en Afrique du Sud à l’âge de 15 ans, Froome a peu connu l’Angleterre de ses parents. Passé professionnel au sein de l’équipe Barloworld, il conservera sa licence kényane jusqu’à son arrivée chez Sky en 2010. Résidant actuellement à Monaco, cet enfant du monde n’a toujours pas posé durablement le pied sur le sol britannique, confortant son statut de semi-étranger.

Pour l’équipe Sky, il est difficile d’occulter cette perception qu’ont les suiveurs de leur nouveau champion. On sait déjà que le Tour de France 2014 partira du Yorkshire, et Dave Brailsford compte bien aligner au départ les deux derniers vainqueurs, Wiggins et Froome : “C’est quelque chose que j’aimerais voir”. Une cohabitation devenue difficile au fil du temps qui pourrait bien se compliquer un peu plus tant le statut de Froome sur le vélo a changé. Davantage plébiscité, Wiggins se servira donc de l’appui populaire pour tenter de bouleverser une nouvelle fois la hiérarchie à l’intérieur de la formation britannique. Mais le manager général tient à rappeler que l’objectif principal sera de conserver une certaine « harmonie ». Et ce discours précise bien que malgré sa folle saison conclue par sa démonstration de juillet, Froome n’est pas encore totalement adoubé.

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