Avant-bras sur le guidon et le visage dans les mains, comme pour pouvoir exprimer ses sentiments à l’abri des caméras. Après la ligne d’arrivée à Risoul, Vincenzo Nibali et Steven Kruijswijk ont eu le même réflexe. Mais les larmes de l’Italien contrastaient avec la détresse du Néerlandais. A deux jours de l’arrivée à Turin, le Giro a offert une étape dont lui seul connaît la recette. Aussi magnifique que cruelle.

Un virage et tout s’effondre

Après trois semaines de frustration, on n’osait presque plus l’espérer. Mais cette dix-neuvième étape du Tour d’Italie a été celle du grand bouleversement. Le maillot rose de ce matin, Steven Kruijswijk, ne l’est plus : ses trois minutes d’avance se sont transformées en une de retard. Pour que la course bascule, il aura suffit de cinquante kilomètres. Une descente et une ascension où les favoris se sont donnés à corps perdus, chacun ayant encore l’espoir de monter sur la plus haute marche du podium dimanche après-midi. Et comme on est sur le Giro, tout ça s’est fait dans la tragédie. Le fuoriclasse Nibali, qui assure à qui veut l’entendre depuis le départ des Pays-Bas que c’est en dernière semaine qu’il sera en forme, a enfin répondu présent. Dans le col d’Agnel, voyant Valverde en difficulté, il a attaqué pour faire la descente à tombeaux ouverts. Mais Kruijswijk, en tentant de suivre, a tout perdu.

Un virage mal pris et à la sortie, une chute qui coûte très cher. C’est peut-être là-dessus que le Néerlandais, maillot rose depuis une semaine, va perdre le Giro. Pendant plus de 45 kilomètres, il a bataillé, le plus souvent seul. Coude en sang, moral atteint, il s’est montré héroïque, résistant par moments au putsch du duo Chaves-Nibali. Mais l’ascension de Risoul aura eu raison de lui. Il y a payé ses efforts et concédé presque cinq minutes à un Nibali vainqueur en solitaire. La cruauté du cyclisme, où la moindre erreur peut s’avérer fatale. Passé de leader à troisième du général, Steven Kruijswijk a sans doute dit adieu à son rêve de victoire. Lui qui annonçait hier soir vouloir décrocher une étape avant l’arrivée turinoise est bien loin du compte. La désillusion est grande, d’autant plus que malgré sa mésaventure, l’enfant d’Eindhoven paraissait encore être l’un des plus costauds.

L’Italie en joie

Aussi cruelle fut cette étape, les Italiens s’en délectent malgré tout. Ils n’arrêtaient pas de se plaindre depuis la prise de pouvoir d’un Kruijswijk qu’ils ne jugeaient pas assez « sexy ». Le Néerlandais maillot rose, ça ne convenait pas aux tifosi. Même si tout le monde aurait préféré voir la course relancée autrement que par une chute, voila tout un peuple comblé, qui croit désormais possible de voir son champion récupérer le maillot de leader samedi. Mais au-delà des transalpins, c’est tous les amateurs du vélo qui en une journée, se sont réconciliés avec la course rose. Depuis Apeldoorn, le spectacle proposé était indigne du Tour d’Italie. L’anomalie est désormais réparée. Le tortionnaire Nibali est de nouveau dans la course, et l’inattendu Kruijswijk n’est plus le bourreau des cœurs. Qu’importe le degré de cruauté que cela comporte.

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