Coureur multi-fonction, le champion olympique de la poursuite par équipes est en passe d’atteindre avec brio son objectif : devenir un véritable leader sur les courses par étapes, lui l’expert de la piste et adepte des classiques flamandes. Auteur d’une reprise annonciatrice lors du Tour Down Under en Australie, le Gallois Thomas a démontré sur ce début de Paris-Nice qu’il n’avait rien perdu de ses talents de grimpeur, révélés plus tôt au cours de sa riche carrière de champion polyvalent. Aérien en montagne sur le Tour de France 2011 ou à l’occasion du dernier Critérium du Dauphiné, Thomas parvient ponctuellement à s’exprimer sur ces terrains difficiles malgré ce statut d’équipier de luxe qui freine sa progression. Thierry Adam prétendait hier que le style du Britannique rappelait étrangement celui de Bradley Wiggins il y a quelques années pas si lointaines. Un parallèle évident tant l’actuel maillot jaune de la course au soleil présente de similitudes avec le lauréat de l’édition 2012, auquel il n’a jamais hésité à se comparer.

Paris-Nice n’est qu’une étape  

Ces derniers jours, une rumeur inquiétante fait son trou dans les médias : et si Chris Froome déclarait forfait pour la Grande Boucle ? Selon Spazio Ciclismo, l’état de santé du champion d’origine kényane serait tel qu’il nécessiterait une opération afin de soulager ce dos souffrant. Une déchirure pour Sky, mais aussi une aubaine pour les autres leaders de cette équipe, tapis dans l’ombre et qui attendent leur heure de gloire. C’est bien sur le cas de Geraint Thomas, un obsédé du Tour de France, qui rêve de devenir un jour un de ces coureurs capables de disputer le classement général, suivant ainsi le plan de carrière de son mentor, Bradley Wiggins. « Je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas avoir la même progression que Bradley (…) Si vous aviez demandé à Brad’ quand il avait 26 ans s’il pensait pouvoir remporter le Tour, il vous aurait probablement répondu que non. Et si vous comparez mes performances avec les siennes au même âge, je suis en avance. » Richie Porte en lice pour le Giro, ce même Wiggins dans le flou concernant ses possibilités exactes, le leader logique de la Sky pour le prochain Tour de France deviendrait de facto Geraint Thomas. Scénario Impossible ? Pas si sûr. 

Ce concours de circonstances invraisemblables a déjà conduit l’ancien de la Barloworld à prendre les commandes d’un Paris-Nice au rabais, certes, mais doté de quelques coureurs référencés qui n’ont pu résister à l’estocade d’un Thomas survolté dans la principale ascension du jour, où les talents de puncheur et de rouleur combinés du coureur de 27 ans n’ont permis qu’au seul Tom Slagter de s’accrocher. Un Néerlandais qui ne prendra pas un relais afin de s’assurer le gain de l’étape, tandis que le Gallois s’emparait avec force et courage du maillot jaune. Un exploit qui rappelait ses plus belles heures en montagne, en 2011, lorsque Wiggins, contraint à l’abandon rapidement sur le Tour, avait laissé le champ libre au natif de Cardiff pour s’exprimer. Maillot blanc lors de la première semaine, attaquant intenable des les Alpes, Thomas passa près de remporter le prix du supercombatif et boucla la course en 31e position. Un esprit offensif, de bonnes jambes lors des contre-la-montre et sur les pavés : il avait véritablement conquis le public cette année-là. Ne voulant pas manquer l’occasion de briller sur piste lors des Jeux Olympiques de Londres « à domicile », il n’avait pu poursuivre sur cette lancée prometteuse au cours de la saison suivante, se contenant de jouer les couteaux suisses de luxe aussi bien pour Cavendish, dont il emmena les sprints, que pour Wiggins, qu’il guida vers la victoire sur Paris-Nice et en Romandie. Un sacrifice payant qui lui offrit le titre olympique en poursuite par équipes, mais qui retarda sa progression annoncée sur les grands tours, particulièrement sur le plan physique.

Un certain champ d’action semble se dégager  

Bien moins aminci que ses compères de l’équipe Sky, Thomas a néanmoins perdu ses quelques kilos superflus. « Avant j’étais gros », déclare-t-il sans détour. 7 kilos d’écart entre le Thomas des JO 2012 et celui qui vient d’entamer brillamment sa marche en avant sur Paris-Nice. 7 kilos, c’est exactement la masse perdue par Bradley Wiggins entre les JO de 2008 et le Tour de France 2009, scène de la révélation express de l’ancien pistard qui rivalisa à la surprise générale avec l’armada Astana composée d’Alberto Contador et Lance Armstrong notamment… Pour prendre la 3e place finale à posteriori. Bien entendu, répéter ce scénario semble extrêmement complexe tant la densité de talents au sein du Team Sky est forte. Suffisamment pour ralentir encore la prise de pouvoir de Thomas lors des grandes courses par étapes. 

Il est aussi bon de rappeler que ce Paris-Nice a le calibre d’une course de continentale-pro avec un tracé mal dessiné et une ribambelle de favoris tous plus décevants les uns que les autres (Gerrans, Chavanel…), ce qui ne permet donc pas de juger avec exactitude l’étendue des progrès de Thomas. Laurent Jalabert a même été jusqu’à affirmer que John Degenkolb pouvait remporter cette course au soleil devenue bien moribonde… Prudence donc avec le cas Thomas, qui devra confirmer au niveau supérieur pour espérer gagner ses galons de leader et suivre la voie ouverte par Bradley Wiggins, Chris Froome et Richie Porte, qui ont connu l’ombre avant de prendre la lumière, mais qui semblent en subir le contrecoup avec leur incapacité à enchaîner les saisons sans pépins. Après Wiggins en 2013, c’est au tour de Froome d’accumuler les soucis physiques. Ce dernier qui avait justement profité de la déroute de son ancien leader pour enfin prendre le beau rôle. A Thomas d’en faire autant. 

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