Sprinteur, rouleur, flandrien, puncheur, ou grimpeur ? Geraint Thomas a toujours su jongler au fil de sa carrière entre les différents registres pour se construire une réputation et un palmarès de qualité au sein de la maison Sky. Anciennement disciple par excellence du patriarche Bradley Wiggins, le Gallois s’est entêté depuis plus d’un an à imiter son modèle. « Je peux gagner le Tour de France », déclarait-il. Aujourd’hui, le voici tout prêt de s’adjuger sa première grande course par étapes, Paris-Nice.

Dans la lignée Sky

Affûté et métamorphosé À 29 ans, Geraint Thomas n’a peut-être pas encore totalement exploité son potentiel physique. Avant-dernier de son premier Tour de France sous les couleurs de Barloworld en 2007, le garçon semblait plutôt prédestiné aux classiques pavées, et à jouer un rôle en tant que flandrien-sprinteur, ce qui n’aurait rien eu d’incongru compte tenu de son expérience pistarde. Deuxième d’à Travers la Flandre en 2011, quatrième du Het Nieuwsblad et du Grand Prix E3 en 2013, le double médaillé olympique nous avait habitué à animer le Tour de France en première semaine. Faire le spectacle en allant chercher des bonifications, ou même placer quelques attaques pour tenter d’aller chercher une victoire d’étape, c’était ça, son registre. Rien de plus. En clair, il était un coureur modèle, que n’importe quelle équipe désirerait pour son volontarisme, son agilité ou encore son abnégation pour le collectif. Mais, à la surprise générale, le vainqueur du Paris-Roubaix espoirs dresse un portrait très critique de ses jeunes premières années, dans un entretien accordé à L’Equipe après avoir gagné une étape à Paris-Nice. « A l’époque, quand je faisais de la piste, j’étais tout simplement gros. Comme tout bon gallois, j’aime vider des pintes. »

En abordant la question de son poids, Geraint Thomas se veut le promoteur des préparations méticuleuses du Team Sky, qui a opéré une véritable rationalisation individuelle de l’effort. En ayant perdu cinq kilos, Thomas estime également pouvoir développer plus de puissance et y forger la clé de ses succès actuels et futurs. Plus fin, plus explosif et débarassé de sa masse graisseuse, il est stimulé par l’esprit de compétition régnant chez les Britanniques. Capable de résister à Simon Gerrans et Richie Porte à Willunga, de finir quinzième du Dauphiné, Thomas étonne sur les pentes du Mont Brouilly il y a deux ans, en portant une attaque décisive en compagnie de Tom-Jelte Slagter. Leader de la Course au Soleil après cela, on voyait mal comment il aurait pu rater un podium, même battu par Carlos Betancur au mur de Fayence. Mais c’est bien une chute qui le stoppe dans son élan début 2014, ruinant une partie des efforts réalisés. Heureusement pour lui, ce n’est que partie remise.

Une progression irrésistible ?

Thomas conserve ses acquis, mais étoffe sa panoplie. Classé dans le top 10 des deux Monuments pavés, vainqueur de deux Tours de Bavière, prime est faite à la régularité. Certes anecdotique, le hasard fait qu’il n’est jamais être arrivé en dehors des soixante premiers sur les vingt-et-une étapes du Tour 2014. Une marque de fabrique. Sixième en haut de la Pierre-Saint-Martin l’an passé, le Gallois a démontré au monde entier que ses ambitions se portent non plus sur une mais trois semaines. Totalement passé par la fenêtre dans les Alpes, la récupération semble être son dernier grand chantier. Car le mental est là. Persuadé de pouvoir lui aussi entendre le God Save the Queen sur les Champs-Elysées à la fin d’un mois de juillet, l’ancien poursuiteur défie du regard les grands grimpeurs. Deuxième du Tour de Suisse l’an passé, ce Paris-Nice a vraisemblablement sonné son heure au sommet de la hiérarchie.

Jamais il n’aura lâché plus de quelques mètres à Alberto Contador, même quand l’Espagnol a employé les grands moyens dans la Madone d’Utelle. Tout le travail de Rafal Majka n’y aura rien changé. Au bord de la rupture, Thomas a parfaitement exploité son train noir, désormais construit pour lui sur ce type d’épreuve. Après Poels, Roche et Nieve, c’est Sergio Henao qui a réalisé un gros travail pour accompagner son leader, qui semble pouvoir complètement éclipser Richie Porte en interne. Devenu le numéro deux sur les courses par étapes, il a même décidé en 2016 de faire l’impasse sur les classiques du Nord. Il ne disputera que le Tour des Flandres, avant de repartir pour Liège-Bastogne-Liège, le Tour de Romandie, le Tour de Suisse et la Grande Boucle. En juillet, c’est pour Chris Froome qu’il devra se mettre à la planche. Mais 2014 a montré qu’un pépin était vite arrivé, et l’équipe de Dave Brailsford misera quoi qu’il arrive très gros sur son chouchou. Mais surtout, son tempérament laisse penser qu’il refusera de jouer les gregario éternellement. Paris-Nice ne serait qu’une étape.

 

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