Cyril Gautier est un chaînon essentiel du dispositif AG2R La Mondiale pensé autour de Romain Bardet pour la conquête du Tour. Travailleur dévoué et fidèle, le Breton n’a jamais rechigné au moment de faire le travail de l’ombre. Un état d’esprit qui le suit depuis le début de sa carrière, lui qui avait déjà épaulé Thomas Voeckler, quatrième du Tour en 2011, dans l’équipe Europcar de Jean-René Bernaudeau. La Chronique du Vélo s’est donc entretenu hier avec ce baroudeur enflammé, champion d’Europe espoir en 2008 et qui garde dans un coin de sa tête l’espoir de remporter, un jour, une étape du Tour.

Cela fait des années que vous roulez dans le peloton professionnel, quel est le moment qui vous a le plus marqué ?

Je n’ai pas gagné beaucoup de courses en onze ans. Peut-être quatre ou cinq (cinq en effet : Paris-Camembert, une étape du Tour du Limousin, un Tour du Finistère, une Route Adélie et une étape du Kreiz Breizh, NDLR), mais chaque victoire a été un plaisir immense. Ce sont mes moments préférés. Lever les bras, ça laisse forcément de bons souvenirs. Je dirais que celles que j’ai pu remporter en Bretagne ont une petite saveur supplémentaire car je suis très attaché à ma région, mais je ne saurais pas en choisir une par dessus les autres.

Et votre meilleur souvenir sur le Tour ?

Sur le Tour, j’ai plusieurs satisfactions. J’ai eu la chance de partager ma chambre avec Pierre (Rolland) sur plusieurs Tours et ses victoires m’ont apporté beaucoup de bonheur. L’ambiance dans l’équipe était exceptionnelle. Défendre le maillot jaune de Thomas aussi (en 2011), ça a été quelque chose d’extraordinaire que j’aimerais revivre cette année avec Romain. Il ne me manque qu’une chose, la joie de lever les bras sur le Tour, j’ai eu des occasions mais je n’ai jamais réussi à le faire. C’est quelque chose qui me tient à cœur. Une étape sur le Tour ce serait génial, en Bretagne encore plus !

« Tant que je suis sélectionné, tant que je suis sur mon vélo, j’aurais envie d’être là. Le Tour de France c’est dur, mais c’est beau, on toujours a envie d’y être. »

Cyril Gautier

Vous êtes la définition même de baroudeur, aimez-vous ce qualificatif ?

J’aime bien le terme de baroudeur, qu’on me qualifie ainsi. Malheureusement, je suis un peu en dessous ces derniers temps mais j’aimerais retrouver mes bonnes jambes pour essayer d’être devant et remporter une étape.

Vous en êtes à votre huitième Tour consécutif, jusqu’où irez vous ?

Tant que je suis sélectionné, tant que je suis sur mon vélo, j’aurais envie d’être là. Le Tour de France c’est dur, mais c’est beau, on toujours a envie d’y être. Depuis ma première année, je veux y retourner tous les ans. Chaque année, il y a des journées difficiles mais on se bat quand c’est dur, et quand ça va mieux, on apprécie.

Vous avez vraiment apprécié vos années sous les ordres de Jean-René Bernaudeau. Alors pourquoi avoir changé d’équipe ?

Je ne suis pas parti parce que ça se passait mal. Au contraire, c’était génial. Avec Jean-René, avec l’équipe, avec le staff, tout se passait bien, c’était vraiment super… C’était la famille. Mais Jean-René n’avait toujours pas trouvé de sponsor et il y a eu des premiers contacts avec AG2R. Si Jean-René avait trouvé un partenaire plus tôt, il y aurait eu de fortes chances pour que je reste. Après avoir passé sept ans dans la même équipe, ça a été dur de partir, ça m’a fait drôle. Mais je me suis bien adapté, j’ai rencontré d’autres personnes et je suis quelqu’un d’assez agréable à vivre donc je n’ai pas eu de souci pour m’intégrer. Aujourd’hui, avec le recul, c’est peut-être un mal pour un bien car j’ai pu découvrir autre chose, évoluer dans un nouvel environnement. Mais je suis parti en très bon termes avec Jean-René, j’ai énormément de respect pour lui.

Quelle est la principale différence entre les deux équipes ?

Le circuit World Tour rend forcément le calendrier de courses plus étoffé. Le budget est, de fait, plus important, donc l’équipe est plus structurée, il y a plus d’entraîneurs, plus de staff pour s’occuper de nous. Il y a ce que Jean-René n’a pas pu développer car il n’en a jamais eu les moyens.

« Le vélo est un plaisir pour moi. Donc si je me donne à 100 % pour Romain, c’est que j’y prends plaisir. »

Cyril Gautier

N’avez-vous pas perdu un peu de liberté en rejoignant AG2R, avec l’obligation de protéger Romain Bardet ?

Non, je ne crois pas. Mon rôle aujourd’hui est similaire à celui que j’avais avec Pierre (Rolland) chez Europcar. Il y a des journées où je peux prendre des échappées pour essayer de jouer la gagne et il y a des journées où je dois épauler Romain, où je reste au maximum à ses côtés pour le placer. Le vélo est un plaisir pour moi. Donc si je me donne à 100 % pour Romain c’est que j’y prend plaisir. J’aime bien les deux rôles mais je ne vais pas le cacher, j’aimerais gagner une étape sur le Tour. Si j’en ai l’opportunité je le ferais même si aujourd’hui, la priorité est d’aider Romain.

Après votre titre de champion d’Europe espoir, on attendait beaucoup de vous. Êtes-vous satisfait de votre carrière jusqu’à maintenant ?

Il faudrait voir avec mon patron (rires). Je suis heureux de ce que je fais aujourd’hui. Si j’avais pu gagner plus de course je l’aurais fait, c’est sûr, mais à chaque fois que je suis sur le vélo je donne tout ce que j’ai. Que ce soit pour moi ou pour mon leader.

Justement, quel leader est Romain Bardet ?

Romain sait fédérer. La sélection a été faîte pour que les gars autour de lui sur ce Tour se dévouent complètement. Moi, je sais que je vais me mettre à 110 % pour lui, que je vais laisser mes tripes pour mon leader, pour Romain, car il le mérite. Si tout le monde le fait, ce sera formidable.

Ce ne serait pas la même chose avec un autre type de leader ?

Si je sais que j’ai la reconnaissance de mon leader, je n’ai aucun souci à me dévouer pour lui et à laisser mes ambitions de côté. Je n’ai jamais connu de leader qui soit un connard, mais je sais que si j’avais à mes côtés quelqu’un d’irrespectueux, je n’aurais pas envie de lui donner tout ce que je peux offrir.

Vous avez déjà connu la lutte pour le maillot jaune avec Thomas Voeckler en 2011. Est-ce différent aujourd’hui avec un coureur qui est attendu depuis le début du Tour ?

Thomas, ce n’était pas vraiment une surprise. Il y a eu des circonstances de course, certes, mais il a pris le maillot et il l’a gardé pendant un moment. Pour moi, la seule différence, c’est que j’ai six Tours de plus dans les jambes, j’ai plus d’expérience.

Quel rôle peut jouer Pierre Latour dans l’équipe ?

J’ai parlé à Pierre (Latour), je lui ai dit qu’il pouvait avoir un rôle similaire à celui de Pierre Rolland sur le Tour 2011. Il peut épauler Romain comme Pierre l’avait fait pour Thomas.

« Le premier objectif était d’éviter les chutes en première semaine. Mise à part une petite gamèle, ça s’est bien passé. Romain est bien dans sa tête et dans ses jambes. »

Cyril Gautier

Gagner le Tour, vous y croyez ?

Pour l’instant, on est satisfait. Le premier objectif était d’éviter les chutes en première semaine. Mise à part une petite gamelle, ça s’est bien passé. Romain est bien dans sa tête et dans ses jambes. Tout le monde est dans le même état d’esprit que lui ce qui participe au fait qu’il soit bien. Il est très fort cette année, lorsqu’on est allés en stage dans la Sierra Nevada, tout le monde s’est vite rendu compte qu’il avait de très bonnes jambes.

On dit aussi Froome moins fort cette année, allez-vous en profiter ?

Froome est peut-être inférieur aux autres années mais il a une très belle équipe, sur le Mont du Chat il avait encore quatre équipiers non loin du sommet. De notre côté, on a un bon collectif, avec de très bons coureurs, de très bons grimpeurs pour pouvoir lutter. Mais le verdict sera donné à Paris.

Quel est votre rôle dans cette machine bien huilée qu’est devenue AG2R ?

Je suis peut-être un peu en dessous d’autres coéquipiers en montagne. Mais je connais mon travail, j’ai de l’expérience donc je sais ce que je dois faire sur le plat, dans les premières pentes des cols et dans les descentes.

Est-ce que vous rêvez déjà de ce moment où vous serez le coéquipier d’un maillot jaune sur les Champs ?

Je n’y pense pas trop. On sait que Romain est capable de très belles choses mais l’objectif convenu avec Vincent (Lavenu, le manager) c’est d’abord de refaire la même performance que l’an passé. Maintenant, si à Paris Romain monte sur la première marche du podium, tout le monde sera encore plus heureux.

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