Romain Bardet, au sol, a du mal à se remettre de ses derniers efforts. Rigoberto Uran à bout de souffle, a le visage marqué, éprouvé. Les deux rivaux de Chris Froome ont tout donné, faute de n’avoir pas tout essayé, mais il en aurait fallu plus pour faire vaciller Chris Froome. Ou Mikel Landa, peut-être.

L’un des trois meilleurs

« J’ai fait le plus difficile aujourd’hui. On a passé les Pyrénées, on a passé les Alpes, désormais on attend le contre-la-montre de Marseille et j’ai le maillot. » Chris Froome résumait sa journée, son Tour en quelques mots après l’arrivée et il faisait mouche. Tout le monde le pensait redevenu humain après sa contre-performance à Peyragudes et attendait les étapes alpestres pour le voir s’écrouler. Il n’en fut rien. « Je suis très content de sortir des Alpes sans problème cette année, c’est toujours le plus dur pour moi. » Alors, beaucoup penseront encore qu’il y avait la place, peut-être, pour battre le Britannique. Notamment car pour la première fois, il a été incapable de remporter la moindre étape ou même de distancer ses rivaux. Pour Romain Bardet néanmoins, il n’y avait pas la place aujourd’hui : « J’ai eu l’opportunité de me battre pour la victoire contre Froome et j’ai donné le meilleur de moi-même mais ça n’a pas suffi. » Le Français est allé au bout de lui-même, si bien qu’à l’arrivée, assis sur le bitume, il lui a fallu du temps, et de l’espace, pour répondre.

C’est bien que Froome était fort. Moins souverain que d’habitude puisqu’incapable de récupérer un bouquet, mais trop pour être battu. « J’aurais aimé gagner aujourd’hui au sommet de l’Izoard, un col emblématique mais le but demeure le maillot jaune et si j’arrive avec à Paris, je serais heureux. » Preuve que Chris Froome ne se sentait pas si supérieur cette année, et qu’il a longtemps senti le vent souffler sur sa nuque. « J’ai essayé de faire la différence mais pour distancer Rigoberto et Romain c’était presque impossible aujourd’hui », confirmait le leader de la Sky qui a d’ailleurs attaqué juste avant le replat de la Casse Déserte. Comme un symbole. Mais désormais, le vent souffle dans son dos et la route est déjà pratiquement accomplie. Le Kenyan Blanc ne craint plus que son ancien coéquipier Rigoberto Uran. « C’est le principal concurrent pour le chrono. Il n’a que 29 secondes de retard donc on va regarder de près ses performances à Marseille. » L’inquiétude n’est pas grande. Ironiquement, l’écart non plus mais le parcours avait cette ambivalence inscrite dans son ADN. Romain Bardet, lui, veut encore y croire (« J’adore les chronos en fin de Tour et tout reste possible ») mais la logique ne laisse plus de place au doute, Chris Froome a gagné son quatrième Tour de France.

Avec la meilleure équipe

L’équipe AG2R La Mondiale est certainement tombée dans le piège aujourd’hui, faisant le jeu de la Sky en prenant la course en main sans appuyer de façon décisive. « Toute mon équipe a fait un travail incroyable, soulignait d’ailleurs Romain Bardet à l’arrivée, on a fait vraiment ce qu’on avait prévu. Bien sûr, on avait rêvé de grande épopée mais on n’est pas dans les rêves, on est dans la réalité et le final n’était pas propice. » Aveu de faiblesse, même en ayant produit la stratégie pensée en amont, ça n’a pas mis la concurrence en danger. « On a couru pour gagner, j’en suis très content. Ça n’a pas suffit aujourd’hui mais c’est comme ça. » La fatalité du leader de l’équipe savoyarde est problématique. Les coups de boutoirs de Cyril Gautier, Oliver Naessen puis Jan Bakelants dès le Col de Vars n’ont eu aucun effet sur l’armada Sky. Michal Kwiatkowski était même d’une facilité presque outrancière, souvent sans les mains, le bras dans la musette, comme si le rythme imprimé n’avait rien d’impressionnant. Seul Mikel Nieve, en perdition sur cette fin de Tour, s’est retrouvé en difficulté.

« C’était difficile de lancer une attaque tranchante, il y avait encore beaucoup de Sky dans l’Izoard donc on a fait le maximum en durcissant la course », expliquait Romain Bardet à l’arrivée. Le constat est cinglant, le rapport de force était trop déséquilibré. L’impression la plus étrange a même été celle dégagée par le lieutenant Landa, qui a presque donné le sentiment de s’envoler à quatre kilomètres du but, au nez et à la barbe de son patron. La stratégie d’équipe, selon Chris Froome. « Mikel Landa a remarquablement bien couru, il a été très utile pour faire le tempo dans finish aujourd’hui. » Même s’il avouait que le Basque serait parmi ses rivaux à l’avenir : « C’est un vrai moteur pour être là parmi les grands. Il peut jouer le classement général à l’avenir. » Si Froome n’était peut-être pas le meilleur cette année, il avait largement la meilleure équipe pour l’entourer. Plus que jamais dépendant de sa garde rapprochée, le Britannique devrait demander davantage encore de soutien pour aller chercher une cinquième Grande Boucle l’an prochain. Une perspective qui fait peur dans le peloton, et l’idée d’un salary cap comme dans les sports américains pour limiter les suprématies fait de plus en plus de bruit. Si Chris Froome élude la question (« je ne réponds pas aux questions à ce propos »), elle mérite d’être posée. Car lorsque l’on est entouré d’un ancien champion du monde et de l’un des cinq premiers du général, entre autres, l’aide est conséquente. Cette année, plus que Froome, c’est la Sky qui a remporté le Tour. Son cinquième en six ans. Qui a dit hégémonie ?

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