29 août 2011. Au terme du contre-la-montre de Salamanque, Christopher Froome, alors inconnu au bataillon, se pare du maillot rouge. Il ne le gardera qu’une journée avant de le céder à son leader Bradley Wiggins. Six ans plus tard, après seulement trois jours de course, il a retrouvé cette tunique de leader. Mais le défi de la conserver jusqu’à Madrid est immense.

L’euphorie d’un gamin

Lundi soir, à Andorre-la-Vieille, le Britannique parlait de « surprise agréable ». Peut-être est-ce davantage un cadeau empoisonné, duquel il n’a pas encore mesuré la portée. L’euphorie, pour l’instant, fait son effet. Difficile à croire concernant un quadruple vainqueur du Tour de France. Mais la relation de Chris Froome avec la Vuelta est particulière et c’est comme si ce maillot rouge, le deuxième de sa carrière, signifiait plus encore que les quelques cinquante neuf maillots jaunes qu’il a enfilé sur la Grande Boucle. Sans doute temporairement, du côté de l’équipe Sky, on a donc mis de côté le réalisme habituel qui pousse toujours à prendre les décisions les plus raisonnées, celles qui en général mènent au succès – du moins, chez Sky, c’est ce que l’expérience tend à démontrer. Tant pis pour la suite, l’espace de quelques jours, Froomey a le droit de profiter. Il s’agira d’étudier les conséquences plus tard.

Gagner un grand tour en restant leader une vingtaine de jours (s’il garde le maillot rouge jusqu’à Madrid, Froome l’aura été dix-neuf jours) est un défi. Réussir le doublé Tour-Vuelta en est un autre, et pour mener à bien le second – le seul qui compte dans la tête de Froome – le mieux est de ne pas tout mélanger. Sur le Tour, il a eu l’habitude d’être maillot jaune une quinzaine de jours. La performance de Vincenzo Nibali, en juillet 2014, reste donc un exploit : l’Italien était resté leader de la deuxième à la dernière étape, exception faite d’une journée où Tony Gallopin lui avait offert un court repos. Mais cet été-là, le Requin de Messine n’avait pas eu à affronter Froome, Contador et Quintana, et on ne peut pas faire comme si cela n’avait rien changé. Au contraire, sur cette Vuelta, le plateau est largement digne du dernier Tour de France et le vainqueur, quel qu’il soit, aura au moins autant de mérite que Froome il y a un mois.

Un passif sans équivoque

Avec une équipe coriace mais forcément moins dominatrice que celle alignée sur le Tour, Chris Froome doit donc se méfier. Et peser le pour et le contre. Pour le moment, tout se joue à coup de bonifications et pour laisser le maillot rouge à l’équipe BMC de Nicolas Roche ou Tejay Van Garderen, il suffirait de perdre deux petites secondes. Rien du tout à côté de ce que gagnera la Sky à ne pas assumer chaque jour le poids de la course. Ces dernières années, deux favoris à la victoire finale s’étaient installés sur le trône de leader dès les premiers jours de course. Mais Joaquim Rodriguez (maillot rouge après quatre jours en 2012) et Vincenzo Nibali (après deux jours en 2013) n’ont pas pu mener leur règne jusqu’au terme, battus par Alberto Contador et Christopher Horner. Une fois l’euphorie retombée, la Sky et Froome himself feraient donc bien de retrouver leur réalisme pour ne pas connaître nouvelle désillusion. Le Britannique a assez appris, depuis six ans, qu’on ne gagne pas la Vuelta sans la prendre au sérieux.

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