Alors que le championnat de France contre-la-montre se dispute demain, où amateurs et professionnels se jaugeront sur le même parcours, la rédaction de la Chronique du Vélo s’est demandée pourquoi l’Hexagone n’avait pas de rouleurs performants au niveau international, tels que Rohan Dennis, Tony Martin, Tom Dumoulin ou le jeune retraité Fabian Cancellara.

Une réelle pénurie ?

Le contre-la-montre est-il réellement un point faible en France ? Pierre-Yves Chatelon, sélectionneur de l’équipe de France Espoirs, n’est pas du tout de cet avis. « Oui, ça me fait toujours sourire quand on dit que les Français ne savent pas rouler en contre-la-montre. Une année sur deux, les résultats ne sont pas forcément bons, mais on oublie qu’un garçon comme Yoann Paillot a été vice-champion du monde espoirs de contre-la-montre (en 2013, ndlr), qu’Alexis Brunel a été champion d’Europe junior l’an dernier et que Rémi Cavagna performe au niveau international donc je ne pense pas que cela tienne à un système. »

Les résultats sont là pour le prouver, les Français sont à la hauteur des autres nations chez les jeunes et sont réguliers dans la course aux podiums chaque année. Le problème se situerait donc lors de leur passage en professionnel. Chatelon développe : « Lorsqu’ils arrivent chez les pros, quelques années passent sans qu’ils ne disputent de contre-la-montre, selon les exigences des équipes. Jérôme Coppel, qui a obtenu la médaille de bronze aux championnats du monde de Richmond il y a deux ans, a travaillé depuis les juniors le contre-la-montre, moins dans les équipes françaises, et chez IAM, il a l’opportunité de plus travailler sur sa spécificité. »

Jérôme Gannat, directeur sportif du CC Etupes, accepte quant à lui ce constat de manque. « Des gros rouleurs, il n’y en a pas. Tony Martin ou Fabian Cancellara, il y en a un tous les dix ans, et en France on n’est peut-être pas encore tombé sur celui-là. » Pour lui, le problème vient aussi du nombre de contre-la-montre proposés aux coureurs dès leur plus jeune âge et chez les amateurs. « Nous n’avons pas énormément de courses avec des chronos. En amateur, si tout va bien, on en fait quatre ou cinq par an et les distances ne dépassent jamais les 20 kilomètres. » Il n’hésite pas à comparer avec ce qu’il se passe Outre-Manche. « En Angleterre, il y a beaucoup de tests chronométrés dans toutes les catégories. En France, c’est une pratique qui était courante il y a 20 ou 30 ans mais qui s’est perdue. »

Regarder vers l’avenir

Alors que faire pour voir un jour un tricolore porter le maillot de champion du monde de la spécialité ou triompher sur un chrono de grand tour ? Déjà, les jeunes d’aujourd’hui sont plus motivés par l’exercice, en partie grâce à l’évolution technologique. « Ils sont demandeurs, précise Pierre-Yves Chatelon. Depuis trois ans maintenant, pour vraiment travailler la discipline, ils ont le matériel spécifique sur la Coupe de France. Et ça donne plus envie aux coureurs de faire du contre-la-montre. » Un avis partagé par Jérôme Gannat : « L’enjeu du matériel est important. Pour être performant au haut niveau, il faut qu’il soit de qualité, donc coûteux. Mais tous les clubs et les parents n’ont pas forcément les moyens financiers pour l’acquérir. »

De leurs côtés, les structures professionnelles n’hésitent pas à toucher au portefeuille, et cela commence à porter ses fruits. « Certaines équipes investissent, l’exemple de la FDJ est parlant. Depuis trois ou quatre ans, avec un gros travail sur le matériel, les performances sont là », indique le sélectionneur des Espoirs. Et ce changement, associé à une volonté d’offrir aux jeunes l’accès à cette discipline spécifique, n’a pas de raisons de ne pas donner naissance à un champion.

« Il y a maintenant des contre-la-montre depuis les Cadets et je trouve que c’est une bonne initiative. On doit faire des efforts dans ce sens-là, la détection sera plus facile car c’est une discipline qui est un peu délaissée quand même » raconte le directeur sportif du CC Etupes. Et pour illustrer cette évolution, il cite l’exemple d’Alexis Brunel. « On choisit son programme de course en fonction, on lui laisse le vélo à disposition toute l’année pour qu’il fasse une ou deux sorties par semaine avec, et on fait des points réguliers avec son entraîneur. On le travaille toute l’année, ce n’est pas juste pour un objectif, cela doit être dans les habitudes du coureur. » Une habitude, donc, que les Français n’ont peut-être pas eu sur la dernière décennie. Ce qui peut expliquer ce retard, qui est tout de même bien parti pour se résorber.

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