Un à un, les prétendants à la victoire ont perdu leurs illusions. Sur des chutes ou à la pédale, le Tour a échappé à certains des plus grands noms du peloton. Alejandro Valverde, Richie Porte, Alberto Contador, Nairo Quintana sont tous passés par la porte. Ce soir, Fabio Aru a rejoint ces le ballet des vaincus. Il n’y a désormais plus que trois coureurs capables de remporter ce cent-quatrième Tour de France. Les deux premiers de l’année passée et l’inattendu Rigoberto Uran. Les trois devraient être sur la boîte à Paris et dans un esprit allégé, il n’y a plus d’autre perspective que le jaune.

La Sky en contrôle, Uran en capitaliste

Nicolas Portal nous l’avait dit hier matin, « pour l’instant Chris est en jaune, dans une bonne position, ce n’est pas à lui de faire la course, on peut courir avec plus de précautions ». C’est exactement ce qu’a fait l’équipe britannique aujourd’hui, sans ne jamais sentir l’odeur du danger. L’attaque aux allures de tournée d’adieu d’Alberto Contador n’a pas fait peur à l’équipe de Dave Braislford. Celle de Dan Martin dans le Galibier non plus. Pourtant, Mikel Nieve n’a pas pu donner ce qu’il avait de meilleur, et le soutien autour de Chris Froome s’est vite réduit à Mikel Landa. Un garde basque néanmoins suffisant pour que le Kenyan Blanc ne perde pas son calme. Relativement calme, la course entre les favoris s’est finalement un peu débridée dans les cinq derniers kilomètres du Galibier, lorsque, aidé par Warren Barguil, Romain Bardet mettait le feu aux poudres.

Directement, un trio se dégageait. Les trois hommes que l’on sentait les mieux à même de l’emporter après l’échec de Fabio Aru à Rodez. Chris Froome, puis Rigoberto Uran étaient les seuls à pouvoir suivre le Français. Sur ses trois attaques, même constat. Fabio Aru, lui, sans être à la dérive, ne parvenait pas à accrocher. L’Italien était le seul du quatuor à n’avoir pas prévu de pic de forme pour juillet en début de saison, il en paie logiquement les conséquences. Devant, malgré tout, les escarmouches ne faisaient pas de vrais écarts. Le vent de face dans la descente retenaient les favoris de se lancer dans un raid solitaire. À ce jeu-là, c’est Rigoberto Uran qui récupère le solde. Depuis le début du Tour, le Colombien n’a jamais attaqué. Suiveur né, certains oseront la métaphore grivoise “suceur de roue”, le leader de la Cannondale est aujourd’hui deuxième du général sans avoir pointé le bout de son nez devant, sauf le jour de sa victoire d’un rien devant Warren Barguil. Une attitude qui frustre visiblement Romain Bardet : « J’aime essayer de faire bouger les choses. Uran, lui, il n’a pas beaucoup attaqué, il suit et se contente de jouer les bonifs » . Chiffre éloquent, le double dauphin du Giro s’est offert vingt-deux secondes de bonification depuis le début de la Grande Boucle.

Plus à hésiter

La course à la placette ne peut plus exister après l’arrivée à Serre-Chevalier. À moins d’un retour fou de Fabio Aru, qui n’est pas si loin mais dont la condition semble limitée, la gagne ne se jouera demain qu’entre trois hommes. La course au jaune est désormais la seule motivation possible pour Romain Bardet et Rigoberto Uran, qui n’ont plus vraiment à défendre une place sur le podium. Demain, il leur faudra attaquer, essayer, oser, s’ils veulent faire tomber un Chris Froome rassuré et qui a repris toute la confiance dont il avait besoin : « J’ai de meilleures jambes que dans les Pyrénées. Je me sens bien. » Bon gestionnaire mais définitivement moins fort que lors de ses trois premiers sacres, le Britannique est néanmoins prenable. L’occasion est trop belle pour ne pas être prise, surtout avec un podium acquis.

Plus de dilemme donc, entre la défense d’une place sur l’estrade des Champs-Elysées et l’ambition suprême, celle du triomphe. La chose était déjà dans l’esprit de Romain Bardet depuis des jours. Deuxième l’an passé, l’Auvergnat ne peut laisser passer sa chance cette année. Cela expliquait son humeur maussade à l’arrivée « Je n’étais pas loin de les décrocher… » Il ne reste plus qu’une étape à Romain Bardet et Rigoberto Uran pour voler vers un rêve qui semblait inaccessible il y a trois semaines. Les deux devront prendre du temps, car l’un comme l’autre sont inférieurs à Chris Froome dans l’exercice solitaire. Rigoberto Uran est souvent considéré comme une menace sur contre-la-montre, par Froome lui-même. C’est oublier que le Colombien n’a plus de résultats dans l’exercice depuis deux ans et que sur le premier contre-la-montre à Düsseldorf, il avait perdu plus de temps que Romain Bardet. Il lui faudra donc se montrer offensif. Heureusement, demain, il restera les magnifiques pages de l’Izoard pour écrire l’histoire.

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