Ce Tour de Suisse que s’apprête à remporter Tony Martin, ce n’est pas sans nous rappeler quelques souvenirs. L’époque où l’Allemand parvenait à jouer la gagne sur les courses par étapes d’une semaine, comme Paris-Nice, où il avait triomphé en 2011. De quoi poser quelques questions. Car on le sait, Martin n’a pas décidé de rejouer les classements généraux. Alors, est-ce le cru 2014 de ce Tour de Suisse qui est particulièrement faible ?

Un plateau pas à la hauteur

Contador, Froome, Nibali ainsi que beaucoup d’autres étaient sur le Dauphiné, et même Valverde a préféré disputer, un peu plus loin des projecteurs, la Route du Sud. Résultat, le plateau de ce Tour de Suisse était particulièrement en deçà de ce que l’on a pu connaître ces dernières années. Si l’on retire les coureurs émoussés par un Giro difficile et qui surfent sur la fin de leur pic de forme (Evans, Pozzovivo ou Monfort) et les futurs seconds couteaux sur la Grande Boucle (Henao ou Kreuziger), les hommes attendus pour jouer les premiers rôles dans deux semaines, au départ du Tour, se comptent sur les doigts d’une main avec Costa, Pinot, Mollema et les frères Schleck pour les optimistes. Et encore, ils ne sont pas attendus pour disputer la victoire finale. Alors certes, c’est un plateau correct. Mais pas au niveau des dernières éditions, qui nous avaient offert en Costa un vainqueur bien plus crédible que celui qui se profile. Alors bien sûr, il reste une étape pour faire vaciller l’Allemand, mais après avoir franchi Verbier sans encombre, on l’imagine mal lâcher plus de 50 secondes à ses poursuivants juste avant un probable sacre final. Une grosse surprise sur le papier, car le parcours – loin de l’édition 2009 façonnée pour le local Cancellara, par exemple – devait nous offrir une bataille entre grimpeurs. On l’attend encore.

Un attentisme latent

L’attentisme des coureurs est souvent lié au plateau, c’est vrai. Avec Contador ou Nibali, on peut penser que le peloton aurait plus souvent été secoué, et que Tony Martin n’aurait pas eu tant de facilité à accrocher les roues dans l’ascension de Verbier. Mais tout de même ! Certains coureurs ont besoin de se rassurer avant la grande messe de juillet, et auraient dû prendre plus d’initiatives. Mollema et Kreuziger ont semblé se contenter du minimum, alors que Costa, favori le mieux placé ce matin pour faire chuter le maillot jaune, n’a même pas attaqué dans la montée finale de ce samedi. Lui le double tenant du titre aurait-il déjà abdiqué ? De nature avenante, comme il l’avait prouvé sur le Tour l’an dernier, ou lors des Mondiaux de Florence, il est resté discret sur « son » épreuve. On connaît pourtant ses qualités, il n’a pas remporté deux fois de suite l’épreuve helvète en se contentant de suivre. Alors certains ont des excuses, comme Thibaut Pinot atteint d’une bronchite forcément malvenue, ou Kreuziger, de toute façon attendu pour jouer les lieutenant auprès d’Alberto Contador dans deux semaines. Mais les autres ? C’est comme si une victoire finale sur le Tour de Suisse ne les intéressait pas plus que ça…

L’envie de se préserver ?

Cela serait assez surprenant, car le Tour est tout proche et se mettre en confiance devient plus important que l’obsession de ne pas être en forme trop tôt. Et pourtant, c’est comme si ne pas craquer en dernière semaine du Tour était le seul objectif. Peut-être l’explication la moins « dégradante » pour les protagonistes, mais pas la plus probable. Que ce soit le cas de certains coureurs n’est pas à exclure, mais que l’ensemble des hommes capables de remporter l’épreuve pensent de cette manière serait, en plus d’être très surprenant, assez dommageable pour une course qui mérite plus de considération. En effet, une bonne partie du peloton disputant le Tour de Suisse avant la Grande Boucle se tue à dire que l’épreuve n’est pas une simple préparation ou un moyen d’engranger de la confiance, mais bien un objectif parmi les autres, dans certains cas moins importants que les autres, mais jamais vraiment inconsidéré. Ce n’est pas vraiment l’impression que l’on a eu cette semaine, si ce n’est chez un Tony Martin qui profite pour l’instant parfaitement de la situation, emmenant dans sa roue un Tom Dumoulin lui aussi inattendu aussi haut dans le classement. Tant mieux pour eux, et tant pis pour les autres…

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