Ce n’est pas la première fois qu’il porte le maillot de leader d’un grand tour, mais c’est tout comme. En mai dernier, Fabio Aru avait en effet eu l’honneur du paletot rose le temps d’une journée. Mais le maillot rouge qu’il étrenne actuellement sur les routes de la Vuelta a une autre saveur : il le sait, il pourrait bien le garder jusqu’à Madrid. Et il en a l’envergure.

Douze mois et un autre coureur

Souvenons-nous il y a un an. Vuelta 2014 : Contador, Froome, Valverde et Rodriguez sont présents. Tous ont à leur actif plusieurs podiums voire plusieurs victoires en grands tours, et ils trustent les premières places du classement général. Mais sur leurs talons, on trouve Fabio Aru, révélation du Giro quelques mois plus tôt, et qui a les coudées franches. L’Italien a perdu du temps lors des dix premiers jours de course, mais une fois la haute montagne au programme, il tient tête aux quatre cadors de l’épreuve, allant jusqu’à les attaquer pour s’envoler vers deux succès pleins de panache. Un an plus tard, la situation est bien différente. Aru est arrivé en terre ibérique pour épauler Nibali, avant d’être propulsé leader suite à l’exclusion du Sicilien, et de prendre à bras le corps une épreuve qu’on ne lui promettait pas. Froome, Valverde et Rodriguez sont encore là, et cette année, Quintana remplace Contador. Pourtant, le garçon n’a pas peur. Bien au contraire.

Entouré d’une armada de grimpeurs, il fait sa course, consciencieusement. Avec panache parfois, avec intelligence souvent. L’imbroglio du dernier Tour d’Italie, où l’équipier Landa marchait sur ses plates bandes, est terminé. L’Espagnol, toujours aussi costaud, ne dépasse plus – ou presque – de son cadre d’équipier. De quoi laisser Aru prendre les choses en main. Sur l’étape reine, en Andorre, le Sarde a mis tout le monde d’accord, en attaquant comme il sait le faire pour aller s’octroyer le maillot rouge de leader. Bien sûr, cette prise de pouvoir n’était qu’une étape, et chaque journée peut faire trébucher le nouveau patron de l’équipe Astana. Mais ce samedi vers Fuente del Chivo, l’Italien a encore montré qui il était. Il voulait reprendre du temps à Tom Dumoulin, troisième à seulement 30 secondes ce matin, et qui sera un danger sur le chrono de dernière semaine : il l’a fait. Peut-être pas dans les proportions espérées, mais les prochaines étapes lui offriront de nouvelles opportunités. En revanche, dans l’attitude, il n’a pas tergiversé, et prenant le risque de se rater, il a couru comme un leader qui se respecte.

Un maillot rouge qui en impose

Alors que personne n’osait attaquer dans la montée finale, les Astana ont mené un train d’enfer. Et quand Mikel Landa, ultime équipier d’Aru, s’est écarté, l’Italien n’a pas regardé autour de lui avant d’y aller. D’un coup d’un seul, il s’est dressé sur ses pédales pour tenter de s’envoler. Il a emmené Nairo Quintana avec lui, et pendant un moment, on a bien cru que les deux hommes ne seraient pas revus. Mais contraint de rouler seul, l’Italien n’était pas assez costaud pour résister au retour des poursuivants, menés par Rodriguez. Dans les derniers kilomètres, il a même dû faire face à plusieurs attaques de ses rivaux, concédant à Quintana quelques secondes dans le brouillard des ultimes virages. Tout ça pour ça, pourrait-on dire. Aru a refusé de contrôler la course, il a souhaité prendre ses responsabilités pour finalement ne reprendre « que » 19 secondes à Dumoulin. Rodriguez se frotte les mains, et Quintana a même des raisons d’espérer retourner la situation. Mais pour le moment, ni l’un ni l’autre ne se comportent comme les leaders qu’ils devraient être.

Alors qu’ils ont du temps à reprendre, l’un comme l’autre n’ont été que des suiveurs vers Fuente del Chivo. Bien sûr, les étapes de demain et de lundi proposeront assez de difficultés pour passer à l’action, mais le plus tôt est toujours le mieux quand il s’agit de creuser des écarts. Aru, lui, loin d’être invincible, a clairement compris cet aspect. A 25 ans, il ne sera peut-être pas celui qui s’immiscera dans le club très fermé des vainqueurs de grands tours des quatre dernières années. Peut-être même que sa tactique aura raison de lui, et que ses efforts vains d’aujourd’hui se paieront plus tard. Mais au moins, le Sarde aura assumé son rôle, aussi bien en interne au sein de l’équipe Astana qu’aux yeux de tous. Maillot rouge sur le dos, il se sera comporté comme un patron, dans la lignée son leader initial, Vincenzo Nibali. Qu’il gagne ou qu’il perde, bien sûr, aura son importance. Mais de toute façon, désormais, ça ne fait plus un pli : Aru fait partie des cadors, et il va falloir s’habituer à le voir jouer la gagne sur trois semaines.

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.