Rarement les travailleurs de l’ombre ont aussi bien porté leur nom. Aux côtés de Peter Sagan, ses fidèles n’ont presque jamais brillé par leur impact dans une course. Mais ils restent malgré tout un soutien indispensable pour le champion du monde.

Grand coureur, petite équipe

« Il est certain que ça sera très difficile pour lui de gagner dans les classiques. Pourquoi ? Parce qu’il est le meilleur mais il n’a pas la meilleure équipe. » Pour Tom Boonen, le jugement est implacable. Interrogé par Velonews avant Milan-Sanremo, le Belge considère que la principale faille de Peter Sagan reste la faiblesse relative de sa formation, Bora-Hansgrohe. Sur le papier, il n’y a aucun doute que la garde rapprochée du double champion du monde n’a pas le clinquant de la pléthorique Quick-Step. L’apport des expérimentés Marcus Burghardt et Aleksejs Saramotins aux côtés des habituels Maciej Bodnar, Juraj Sagan ou Erik Baska ne tient pas la comparaison avec les autres formations candidates à la victoire sur les monuments printaniers.

De mémoire, il est d’ailleurs difficile de citer une victoire acquise grâce à l’abattement de ses équipiers sur une classique. On se rappelle ce coup de force lors du 100e Tour de France à Albi, où une Cannondale dédiée à sa cause a privé les sprinteurs d’une étape qui leur était promise. Plus récemment, toujours sur le Tour, Maciej Bodnar a brillé lorsqu’il s’est mué en puncheur pour servir la victoire à son leader à Montpellier. Mais au printemps, Peter Sagan est plutôt du genre à faire exploser le peloton et ainsi s’éviter de subir la loi des collectifs trop bien huilés. « C’est toujours plus dur de gagner si on se fait dépasser par le nombre », résume Patxi Vila, un des entraîneurs de Sagan, à Cyclingnews. D’où cette formidable attaque, bien qu’infructueuse, sur le Poggio lors de la dernière Primavera.

« Aider le plus longtemps possible » Enrico Poitschke

Sollicité par la Chronique du Vélo, Enrico Poitschke, directeur sportif de Bora-Hansgrohe, reste confiant à l’approche des monuments flamands, objectifs phares du Slovaque cette saison. Pour l’Allemand, la tactique est simple : « Toute l’équipe est au service de Peter. Les équipiers ne pourront probablement pas être avec lui dans le final, mais ils vont l’aider le plus longtemps possible. » Le risque de ne pas tenir la distance face aux autres formations dans les derniers kilomètres n’inquiète pas trop Poitschke. « Dans ce genre de course, il est rare d’avoir plus d’un équipier avec soi à ce moment-là. Je pense qu’il faudra surtout être le plus performant. »

La tactique a déjà fait ses preuves. Sur Kuurne-Bruxelles-Kurrne fin février, les coureurs de Bora-Hansgrohe ont protégé le maillot arc-en-ciel jusqu’au Vieux Quaremont, à 80 kilomètres de l’arrivée. Dans le groupe de poursuivants, le Slovaque s’est ensuite débrouillé tout seul jusqu’à la victoire. Ce qui ne l’a pas empêché de saluer ses partenaires à l’arrivée « pour leur travail acharné ». Car c’est une constante chez Peter Sagan, même quand il donne l’impression de n’avoir eu besoin de personne pour l’emporter, il garde un mot pour ses coéquipiers.

Sagan et ses fidèles

Inversement, il ne poussera jamais un coup de gueule envers ses hommes pour l’avoir lâché trop tôt dans une course. Et pour cause, s’ils sont là, c’est parce que Sagan les a spécialement choisi. Le Slovaque a besoin d’avoir des personnes de confiance autour de lui. Lors de sa signature chez Bora-Hansgrohe l’été dernier, onze salariés de l’équipe Tinkoff l’ont suivi dans la formation allemande. En plus des six coureurs habitués à l’épauler, un staff complet gravite autour du phénomène. « Pouvoir travailler avec son cercle de confiance faisait partie de ses exigences », explique le manager général Ralph Denk à la Dernière Heure. Le coureur le mieux payé du peloton a renoncé aux offres d’Astana et de la Quick-Step pour garantir des contrats à tous ses proches. « Ils sont très importants pour lui, précise Enrico Poitschke. Ils se connaissent bien. »

Le vrai apport des fidèles de Peter Sagan se situe donc sur le plan moral. Pour être performant, le Slovaque doit prendre du plaisir sur le vélo, quitte à faire le bout-en-train en course et en dehors. Pour cela, il est nécessaire pour lui d’évoluer avec des proches plus qu’avec des lieutenants. L’exemple le plus marquant reste celui de son frère aîné, Juraj. Les deux ne se quittent jamais. Coéquipiers depuis sept saisons, ils passent même leurs vacances ensemble. Peter Sagan a œuvré pour garder son frère auprès de lui. Il l’a fait venir chez Liquigas en 2010 alors qu’il végétait dans une formation amateur. Il y a un peu de népotisme dans l’attitude du champion du monde, mais il semble avoir besoin de se cocon amical pour exprimer son génie. Sans concurrence, ni comptes à rendre.

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