Parler des AUT comme de gains marginaux, c’est incontestablement se faire l’avocat du diable. Mais Shane Sutton, passé par Sky et la fédération britannique, y a été franco. Sans chercher à cacher l’évidence. Tout le monde ou presque lui est tombé dessus. Mais n’est-ce pas un peu trop facile ?

Sky, ça commence à faire beaucoup

Soyons imaginatifs quelques instants. Plongeons-nous dans un monde où Shane Sutton n’a jamais été l’entraîneur de la Sky et de l’équipe britannique, et où il n’a donc aucun lien avec Bradley Wiggins et Chris Froome, sources de beaucoup de fantasmes. Quel retentissement auraient eu ses déclarations ? Alors pour la Sky, en 2017, ça commence à faire beaucoup de petites – et moins petites – affaires un peu délicates à gérer, on l’accorde volontiers. Mais cette histoire d’autorisations à usage thérapeutique (AUT) dépasse le cadre de la bande à Dave Brailsford. Sutton, pour la BBC, a détaillé sa pensée. « Si vous avez un athlète qui est à 95 % de son meilleur niveau et que pour aller chercher les 5 % qui lui manquent en raison d’une blessure ou d’un petit souci handicapant, il faut demander une autorisation d’usage thérapeutique (AUT), alors oui bien sûr, dans ce cas, vous le faites. » Le pragmatisme incarné. Mais on a du mal à penser que seule l’équipe Sky y ait pensée.

Alors il reste à définir ce qu’est un « petit souci handicapant ». L’asthme en serait un pour beaucoup de monde, apparemment, même pour ceux qui ne sont asthmatiques que quelques semaines avant leurs grands objectifs de l’année, trois saisons dans leur carrière. Mais c’est presque secondaire, parce que c’est la suite qui fait tiquer davantage. Il est question de « marginals gains », le leitmotiv de la Sky depuis ses débuts, « parce que le règlement nous permet de le faire » afin « d’écraser » les concurrents sur chaque épreuve. Et c’est là que ce n’est pas passé. Parce qu’il y a une différence entre innover en matière d’entraînements, de matériel ou de stratégie de course, et demander des AUT dispensables. Parce qu’on parle de dopage déguisé dans le cas où l’AUT n’a pour unique but que d’améliorer les performances. Parlez-en à ceux que les Fancy Bears ont mis sur le devant de la scène, il y a un peu plus d’un an : Chris Froome et Bradley Wiggins, justement. Le premier surtout, désormais quadruple vainqueur du Tour, en a entendu parler, de ces fameuses autorisations.

Et si on retournait le problème ?

Tout ça pour quoi ? Froomey, déjà soupçonné avant, ne l’est pas devenu davantage. Et il n’a rien fait de contraire au règlement. Alors on ne ressortira pas l’argument du : il ne faut pas courir deux lièvres à la fois, concentrons-nous sur le plus gros du boulot et sur le plus urgent, le dopage de grande envergure et la question des moteurs dans les vélos. Non, incontestablement, il faut tout mener de front. Parce que comme les équipes avec leur préparation, dans la lutte antidopage non plus, on ne peut rien laisser au hasard. Mais jusqu’ici, comment rejeter la faute sur des équipes qui n’ont enfreint aucun règlement ? Demander à chacun d’être honnête est illusoire. Sinon, le dopage n’existerait pas. Alors c’est le principe des AUT qu’il faut remettre en question. Le suivi médical peut sans doute être amélioré, pour ne pas délivrer d’autorisations à des coureurs qui n’en ont pas réellement besoin. Histoire que tout le monde se concentre sur les autres gains marginaux qu’il est possible de faire.

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