Il faudra à nouveau compter sur un Colombien dans les années à venir. Brillant chez les professionnels depuis 2016, Egan Bernal s’est adjugé le Tour de l’Avenir y décrochant deux victoires d’étape. Conscient de son niveau, il est désormais prêt à quitter le nid de Gianni Savio, chez Androni, pour prendre son envol et disputer les plus grandes courses du monde avec sur le dos le maillot de la Sky.

Un corps taillé pour être un champion

Originaire de Zipaquira, ville connue pour sa cathédrale de sel dont son père, cycliste amateur, est le gardien, Egan Bernal se voyait faire des études de journalisme étant jeune. Mais poussé par ses parents, il essaie le vélo et notamment le cross-country dès l’âge de huit ans. Une réussite. Très rapidement, dans sa région, il devient une référence. Agile sur le vélo de VTT, il rafle quasiment toutes les courses de son pays et se distingue avec la sélection nationale lors des Mondiaux et des Jeux Panaméricains. Mais ce n’est qu’en 2015 qu’il se décide à se mettre sérieusement au cyclisme sur route, bercé par un rêve de professionnalisme vite réalisé. Avec la Colombie, il voyage en Europe alors qu’il n’a que 17 ans et remporte en solitaire la Sognando Il Giro delle Fiandre, une course italienne junior connue pour ses routes non asphaltées, à l’image des Strade Bianche.

« Il est capable de remporter le Tour de France, pas seulement une fois, mais plusieurs fois. »

Jenaro Lequizamo, expert en biomécanique

Son nom circule dans le peloton, mais son inexpérience le dessert. Il n’a même pas disputé une demie-douzaine de courses sur route et une seule personne décide de lui faire confiance : Gianni Savio, le manager général de l’équipe Androni. Cette figure importante du cyclisme italien s’est fait une spécialité : lancer des jeunes talents chez les professionnels. En 2015, il rencontre Paolo Alberati, agent d’Egan Bernal, qui lui présente les données physiques et physiologiques du Colombien. Suffisant pour que Savio comprenne qu’il tenait face à lui une pépite. Le prodige présente tout simplement une consommation maximale d’oxygène (ou VO2 max) rarement égalée, de l’ordre de 88,8. A titre de comparaison, Chris Froome est à 85, Miguel Indurain à 88 et Greg LeMond à 92. « C’est un des meilleurs coureurs de cet âge que j’ai connu », affirme Savio.

Mais le manager transalpin n’est pas le seul à voir dans Bernal un champion en devenir. Selon Jenaro Lequizamo, expert colombien en biomécanique, le garçon possède un corps digne des meilleurs coureurs du World Tour. « Ses valeurs physiques sont impressionnantes. J’ai été tellement surpris dans cette évaluation que je peux dire que ce cycliste est capable de remporter le Tour de France, pas seulement une fois, mais plusieurs fois, détaille-t-il dans les colonnes d’El Colombiano. Egan a une consommation d’oxygène extrêmement élevée, proche de celle de Nairo. En termes de poids, à l’âge de 17 ans, il possédait déjà une carrure de coureur professionnel. Il est mince, mais pas squelettique, sans graisse (5 % de masse graisseuse, 18,9 d’indice de masse corporelle, ndlr). Son tronc est particulièrement court et il possède de longues jambes, une longueur idéale qui peut l’aider dans les contre-la-montre. Il a donc les caractéristiques physiologiques et anthropométriques pour obtenir des résultats importants. »

Le jeune ‘escarabajo’ a choisi Sky

La patience devient alors le maître-mot pour permettre à Bernal de progresser dans les meilleures conditions. « Quand je remarque un talent, je m’oblige à signer un contrat de quatre ans avec lui, explique Gianni Savio. Pour prendre le temps de le former, ne rien précipiter et éviter de lui imposer une pression qui pourrait être contre-productive. » Un accompagnement soigné au maximum. Savio met aussi au service de Bernal certains de ses coureurs les plus expérimentés comme Marco Frapporti et Francesco Gavazzi, et offre à sa pépite un confort de vie auquel il n’est pourtant pas forcé. « Bernal gagnait bien sa vie chez nous, ajoute Savio. Pour un jeune, son salaire était bien supérieur au minimum que l’UCI impose. Trois fois supérieur. Cela lui permet d’être plus serein de ce côté-là. » Les résultats suivent rapidement, jusqu’à ce qu’arrive l’inévitable départ, programmé cet hiver. Un passage obligé pour Bernal. « Nous n’avons pas assez de ressources pour être compétitif sur les plus grandes courses, Nous ne pouvons pas nous permettre d’embaucher des spécialistes du contre-la-montre par exemple. Sans cela, il est tout de suite pénalisé. »

C’est pour cela que Savio était prêt à casser le contrat de son poulain. Plusieurs équipes se sont alignées pour l’embaucher, et finalement la Sky a obtenu le gros lot. « C’est un bon choix pour lui, juge Savio. Il aura à ses côté une excellente équipe où il pourra progresser car sa formation physique n’est pas terminée. Mais quand on a préparé ce Tour de l’Avenir, je lui ai dit que dans deux ou trois ans, il serait au départ d’un autre Tour. » Bernal partage l’avis de son actuel manager. « Je pense que c’est une équipe qui peut m’apporter beaucoup. Je vais pouvoir continuer de grandir et de progresser avec eux, confiait-il récemment à Direct Vélo. Mais je ne veux surtout pas faire partie de ces coureurs qui marchent très fort à 22-23 ans puis que l’on ne voit plus à l’avant à 27 ans. Je veux durer longtemps. » Alors c’est finalement le plus dur qui commence.

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