Demain, Peter Sagan a l’occasion de marquer l’histoire avec un troisième maillot arc-en-ciel consécutif, performance jamais réalisée. L’enjeu est simple : rejoindre les légendes du cyclisme avec une performance majuscule. Mais à quel moment les illustres anciens sont-ils passés de champions à légendes de leur sport ? Il y a beaucoup de réponses possibles, voici les nôtres.

Fausto Coppi, Tour de France 1949

Le Campionissimo n’a pas attendu 1949 pour gagner. Avant cette date, l’Italien avait déjà remporté le Giro, Milan-Sanremo et le Tour de Lombardie, à chaque fois à trois reprises. Mais la guerre l’a privé d’une encore plus grande carrière, et en 1949, le Piémontais n’a toujours pas remporté le Tour de France. L’erreur est vite réparée. Coppi ne laisse cette année-là que des miettes à ses adversaires. Il doit se débarrasser de son encombrant coéquipier Gino Bartali, et il le fait à Aoste, en le repoussant à cinq minutes. Sur le chrono de Nancy, il met hors-délai 20 coureurs et rattrape le pauvre Robic, parti huit minutes plus tôt. Avec le maillot jaune à Paris, Coppi réalise le premier doublé Giro-Tour de l’histoire. Les journalistes Goddet, Marchand et Chany ont un jour inscrit secrètement sur un papier le nom du cycliste qui les avait le plus impressionné. À l’unanimité, ils avaient choisi Coppi.

Rik Van Looy, Liège-Bastogne-Liège 1961

Milan-Sanremo 1958. Tour des Flandres et Tour de Lombardie 1959. Championnat du Monde en 1960. A l’aube de la saison 1961, Van Looy n’est encore que « Rik 2 », dans l’ombre de son compatriote Rik Van Steenbergen. Un second rôle ? Non, l’orgueilleux Van Looy le refuse. Il veut tout gagner, même le Tour de France. 1961 sera son année. Avec son maillot arc-en-ciel, il remporte au sprint les deux grandes classiques qui manquent à son palmarès. D’abord Paris-Roubaix, et deux semaines plus tard, Liège-Bastogne-Liège. « Rik 2 » devient l’Empereur d’Herentals. Il est le premier à accrocher les cinq monuments cyclistes à son palmarès, un exploit que seuls Merckx et De Vlaeminck réaliseront ensuite. Aidé par sa légendaire « Garde Rouge », le Belge remportera encore de nombreuses autres classiques, et conclura sa saison 1961 par un nouveau titre mondial.

Eddy Merckx, Luchon-Mourenx, Tour de France 1969

Mourenx est un nom qui parle à tout amateur de vélo, parce qu’assez simplement, c’est dans cette station pyrénéenne que le Cannibale est né. Le matin au départ de Luchon, Merckx est déjà en jaune. Et pourtant, dans le Tourmalet, à 140 kilomètres de l’arrivée, le Bruxellois s’envole. À l’origine, c’est juste pour aller chercher Van der Bossche, son rebelle coéquipier qui lui a annoncé ses envies de départ. Mais la grande histoire naît de petits hasards. Personne ne suit Merckx, alors il ne va pas les attendre. Après l’Aubisque, à l’arrivée, le Cannibale a gagné huit minutes sur ses concurrents. Enfin, concurrents, façon de parler. Le lendemain, L’Equipe titre « Merckx surpasse Merckx ». Jacques Goddet se fend même d’un édito resté dans la légende et intitulé « Merckxissimo ». La performance est phénoménale, la puissance et la maîtrise merckxienne de ce Tour, le premier remporté par le Belge, ne seront jamais égalées.

Freddy Maertens, Vuelta 1977

« Un dictateur sud-américain ». Les mots d’Olivier Dazat, dix ans après la course, sont forts, mais résument bien l’insolente domination de Freddy Maertens sur le Tour d’Espagne 1977. Sa carrière se dessine en montagnes russes, et comme tout manège, il y a toujours un moment vertigineux. Cette Vuelta 1977 est un véritable tour de force. Maertens s’amuse. Habitué à briller sur les classiques (cette année-là sur le Ronde, il est disqualifié à 80 kilomètres de l’arrivée, mais continue la course et amène De Vlaeminck vers la victoire), Maertens remporte 13 étapes sur 20. Le score est incroyable et ne sera certainement jamais égalé. Le Belge ajoute à sa collection le classement à points et des sprints intermédiaires. Et en guise de bonus, il porte le maillot de leader de bout en bout. Jamais on n’avait vu une telle domination sur un grand tour. Alors certes, Maertens n’avait pas eu affaire à de grands concurrents. Seul grand nom au rendez-vous, Michel Pollentier, qui termine sixième de l’épreuve. Mais une telle rage de vaincre a définitivement inscrit le nom de Maertens dans le marbre.

Bernard Hinault, Sallanches 1980

1976. Bernard Hinault dispute ses premiers Championnats du Monde, et montre déjà son fort caractère. Malgré sa sixième place satisfaisante, il se plaint auprès du sélectionneur Richard Marillier du manque d’aide de ses coéquipiers. L’ancien résistant fixe alors un rendez-vous au Breton : Sallanches, quatre ans plus tard. En 1980, malgré un abandon sur le Tour, Hinault répond présent. Le schéma de la course est clair : tous contre le Blaireau. Mais rien ne peut l’empêcher de foncer vers son destin. A chacun des 17 passages de la côte de Domency, Hinault attaque et écrème le peloton. Dans le dernier tour, seul l’Italien Baronchelli s’accroche encore à la roue du Breton. Mais celui-ci le mitraille d’attaques, et finit par le décrocher, à cinq cent mètres du sommet de Domency. Hinault devient champion du monde, comme prévu. Sa démonstration sur l’un des circuits les plus compliqués de l’histoire a marqué au fer rouge la mémoire des spectateurs de l’époque.

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