Après plus ou moins une semaine de suspense, d’attentes et de spectacle, il est temps de tirer des enseignements de ce Giro cuvé 2014. De Kittel à Evans, en passant par les incidents et en évoquant les changements de leaders, passons en revue les principales informations venant d’Italie.

Défections sur défections

Avec trois porteurs de maillot rose différents, on pourrait penser que tout s’est déroulé de manière assez calme, qu’on s’est observé pour conclure avec un final sans réels faits de course. Mais tout n’a pas été si simple, Dan Martin donnant assez vite le ton de ce Giro, qui semble-t-il se place sous l’égide de la malchance. Surfant (sans mauvais jeu de mot) sur la vague des glissades, l’Irlandais a démontré une nouvelle fois tout l’impact des conditions climatiques sur un chrono. Garmin bénéficiant d’un fort vent et d’averses, ils auraient été plus avisés de rester à l’intérieur, pour faire un bowling tranquillement par exemple. De manière plus sérieuse, cet incident est assez tragique pour Dan Martin et son équipe puisqu’il était en grande forme et semblait être enfin en mesure de rivaliser avec les meilleurs sur trois semaines. S’ensuivent les pépins de Rodriguez, Kittel et consorts qui n’arrangent en rien le spectacle. Mais cela était presque déjà écrit que ce Giro 2014 allait connaître une débandade de forfaits : déjà avant le départ de la course, Sky connaissait une pénurie chez ses leaders, Porte et Kennaugh ayant tour à tour rebroussé chemin. En plus d’un Henao qui aurait des problèmes dentaires… Tout ceci amène donc un brassage chez les leaders : Sky envoie Suitsou au front (vraisemblablement Cataldo mais il s’est perdu dans le fond du classement), Moreno pallie une nouvelle fois la défection de son leader (tiendra-t-il trois semaines ?), chez Tinkoff Roche et Majka étaient censés se partager le costume de leader, mais le plus jeune a pris un ascendant logique sur son coéquipier. Phénomène presque semblable chez Trek, l’équipe sans leader, puisqu’Arredondo était peut-être le plus fort mais laisse le leadership à Kiserlovski en tentant une longue échappée. Quant à Zoidl il est encore à peine trop tendre. On se retrouve donc avec un Kiserlovski qui doit assumer le poids de la course pour Trek, mais qui peine à faire mieux qu’un top 10 sur les Grands Tours. Passera-t-il enfin un cap cette année, lui qui est quand même le leader désigné pour les épreuves World Tour ? Pour Astana, Aru a pris lui aussi le pas sur son vieux maître Scarponi. Mais ce dernier n’en reste néanmoins pas moins constant, il est attendu pour un top 10 final. Dans les rangs des autres équipes, le statut de départ reste clair et inchangé. Pour le moment…

Après les rois de la glisse, les rois de la vitesse

Ouvrons la parenthèse sprint. Si Kittel a régné en patron sur le début de ce Giro, son retrait aurait pu redistribuer les cartes. Que nenni, Bouhanni a pris les devants et a imposé sa puissance. Si le premier s’affirme comme le nouveau roi des emballages massifs, le second a plutôt profité de l’apathie générale mais également de la certaine faiblesse du plateau pour les sprints. Car si Kittel a dégagé un sentiment de maîtrise complète, Bouhanni n’a pas semblà aussi au-dessus du lot. Bien sûr Matthews, Viviani, Farrar (qui revient gentiment), Mezgec, van Poppel, Nizzolo ou encore Swift ne sont pas des peintres, mais ce n’est pas le gratin mondial qu’un Grand Tour mériterait. Ce que l’on peut aussi tirer de ces arrivées groupées est que la FDJ n’a pas une équipe pour soutenir suffisamment Bouhanni. Lorsque l’on voit que lors de sa deuxième victoire, son dernier coéquipier se retrouve derrière lui à la flamme rouge, ce n’est pas possible d’amener un sprinter dans les meilleures conditions. Après qui dit sprints dit points et maillot rouge. Si le sésame se trouve actuellement sur les épaules du Français, les étapes extrêmement dures qui vont suivre vont probablement tout chambouler. Il faudra être capable de véritablement tenir trois semaines, presque comme si l’on jouait le général, pour remporter la mise. Dès lors il est peu probable qu’un véritable sprinter le ramène à Trieste. Un vieux briscard comme Evans qui est toujours bien placé dans les arrivées aurait les faveurs de la cote.

Tout le monde dans le rang !

De manière plus générale, que peut nous apprendre ce Giro ? Et bien que le cyclisme a changé et peut-être de manière définitive, que désormais tout est calculé, plus aucune place n’est laissée à la folie des coureurs. En témoigne la formidable épopée de Pierre Rolland (qui définitivement monte plus vite les cols qu’il ne les descend), effacée, reprise par l’insolent contrôle de la course des AG2R. Puis finalement c’est un Diego Ulissi resté bien au chaud dans les roues qui s’est imposé. Les coups de force comme celui-ci sont devenus de plus en plus rare, mais alors maintenant s’ils ne suffisent même plus à décrocher une victoire, cela sonne le glas de toute tentative future. Mais Pierre Rolland n’est pas le seul perdant dans cette affaire : les AG2R qui avaient cherché à prendre la course à leur compte pour offrir la victoire à leur leader italien se sont retrouvés le bec dans l’eau : Pozzovivo n’a pas pu finir le travail. Et là aussi ça laisse des traces : faire travailler ses équipiers toute la course pour finalement ne rien avoir, c’est n’est pas forcément la meilleure technique pour qu’ils se sacrifient une nouvelle fois. Autant d’incertitudes qui laissent néanmoins la part belle au spectacle !

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