« C’est un peu notre Alpe d’Huez à nous ». Quand Yves Krattinger, président du conseil général de Haute-Saône, présente son massif, il le compare à un col de légende. Il est vrai que la Planche des Belles Filles n’a eu besoin que de deux apparitions sur le Tour pour en devenir un lieu incontournable de la Grande Boucle. C’est dans cette courte mais raide montée (5,9 km à 8,5 %, avec des passages à 20 %) en plein cœur des Vosges, massif souvent oublié de la Grande Boucle, que s’est écrit l’histoire des Tours 2012 et 2014. Retour sur deux journées décisives qui en appellent une autre cet après-midi.

2012, la révélation Froome

Au départ de la septième étape du Tour de France 2012, les suiveurs préssentaient la victoire d’un grand favori en haut de la première véritable difficulté de cette 99e édition. Cadel Evans, le vainqueur du Tour 2011, Bradley Wiggins, le leader de l’énigmatique équipe Sky, ou encore Vincenzo Nibali. Et pourtant, c’est un lieutenant qui remporte l’étape : Chris Froome. Le Britannique est à cette époque méconnu du grand public, malgré sa deuxième place sur la Vuelta quelques mois plus tôt. On découvre alors la puissance de Sky, qui a mené le peloton pour revenir sur l’échappée matinale au pied de l’ascension finale. Les hommes en noir ne s’arrêtent pas là, et imposent avec Richie Porte et Chris Froome un gros tempo dès les premières pentes. De nombreux coureurs sont distancés et à quatre kilomètres du sommet, il reste encore les trois Sky dans un groupe de favoris qui n’est en tout et pour tout constitué que de neuf coureurs !

Aucun favori n’est alors assez fort pour déborder le train Sky et placer une attaque. Le rythme est si élevé que, sous la flamme rouge, seuls cinq coureurs (Wiggins, Froome, Evans, Nibali et Taaramäe) peuvent encore espérer remporter l’étape. Cadel Evans tente alors de partir, mais il se fait immédiatement contrer par Froome, qui file seul jusqu’en haut. Wiggins termine troisième et s’empare du maillot jaune, dix secondes devant l’Australien. Le champion britannique ne pouvait rêver meilleur départ. La suite, nous la connaissons : l’hégémonie des Sky, la lutte intestine Froome-Wiggins et finalement, la première victoire d’un Britannique sur le Tour de France, celle de Sir Brad. La Planche des Belles Filles a ainsi lancé la belle histoire de Froome et Sky avec le Tour.

2014, Nibali en patron

À l’origine, le Tour de France devait revenir à la Planche des Belles Filles tous les cinq ou six ans. « Mais l’équipe d’ASO a été très emballée par le scénario de 2012 », racontait aux Echos Yves Krattinger. Dès 2014, Christian Prudhomme décide d’inscrire de nouveau la montée au parcours du Tour comme premier rendez-vous pour les favoris. Mais les cadors n’ont en réalité pas attendu la dixième étape pour s’attaquer : Vincenzo Nibali s’est ainsi montré impérial à Sheffield, s’imposant en solitaire et endossant le maillot jaune. L’étape pavée vers Arenberg le voit même conforter son avance, alors que Chris Froome, lauréat du Tour 2013, abandonne après plusieurs chutes. Nibali est donc le grand favori du Tour avant la montagne, avec déjà deux minutes d’avance sur son premier grand rival, Richie Porte.

Et la Planche va confirmer la domination de l’Italien. Avec l’abandon d’Alberto Contador en cours d’étape, plus rien ne peut empêcher la marche de Nibali vers son rêve jaune. Sous la flamme rouge, Joaquim Rodriguez, pourtant dans un grand jour, ne peut pas suivre le champion italien, qui a déjà décroché tous les leaders deux kilomètres plus tôt. Le coureur d’Astana remporte l’étape et reprend le maillot jaune qu’il avait cédé la veille à Tony Gallopin. Il possède alors deux minutes trente d’avance sur son dauphin Richie Porte. Le Tour est déjà pratiquement dans sa poche. Derrière lui, Thibaut Pinot prend la seconde place de l’étape devant Valverde et Péraud : les deux français complèteront le podium sur les Champs, loin derrière un Nibali intouchable cette année-là. La démonstration tournera au K.O à Hautacam, et la Planche des Belles Filles en était l’une des prémices.

En seulement cinq ans, la Planche des Belles Filles s’est déjà affirmée comme une grande place du Tour. Les coureurs du Tour vont ainsi y passer pour la troisième fois depuis 2012 ce mardi. Cette année encore, ce sera le premier rendez-vous pour les grands favoris. La montée vosgienne est devenue un grand juge de paix. En 2012 comme en 2014, les membres du podium final à Paris ont tous terminé dans les quatre premiers de l’étape de la Planche. Si les écarts n’y ont jamais été significatifs – jamais plus de trente secondes -, cette courte mais difficile montée place les coureurs au pied du mur et montre bien qui peut et surtout qui ne peut pas gagner le Tour. On ne trompe pas la Planche des Belles Filles.

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