La délirante sortie d’Alain Souchon, dans la Voix du Nord, a pris de l’ampleur lors de la dernière semaine du Tour. L’interview datait pourtant du 27 juin dernier, mais le chanteur y commettait un bel amalgame dopage-Tour de France au moment où les choses sérieuses commençaient. Il fallait que le marronnier juillettiste soit jeté dans la marre.

Toujours la même histoire

Il est toujours délicat, même épineux, de parler du dopage muni d’un esprit critique, avec le recul nécessaire. Nous commentons des performances sportives que nous ne pouvons pas voir avec l’œil accusateur. Le récit serait gâché, le plaisir aussi si nous soupçonnions à outrance. Il est encore plus difficile d’entendre à la radio et de lire sur internet des allégations constantes saupoudrées d’un cynisme latent qui pèsent sur le Tour de France. « Je ne vais pas me faire que des amis mais je trouve le cyclisme honteux. C’est inhumain. On ne peut pas faire du cyclisme de haut niveau sans se doper. Quand on voit tous ceux qui meurent à cinquante ans… » Le chanteur Alain Souchon, qui par ailleurs ne connaît certainement rien au vélo, s’est permis de juger des professionnels qui dévouent leur vie à la bicyclette. Soit dit en passant, l’argument ultime de Souchon, la mort précoce des cyclistes, est complètement faux. Une étude de 2013 démontrait qu’entre 1947 et 2012, la mortalité des 786 cyclistes français ayant participé au Tour était 41 % plus faible que celle des autres hommes du pays. Malgré les grandes années dopage d’Indurain à Armstrong. Aristote disait que l’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit. Nous vous laissons classer les propos d’Alain Souchon.

Dans le peloton, l’exaspération est palpable. « On a basculé dans une nouvelle période mais on reste sur des clichés vieux d’il y a vingt ans, expliquait le manager de la FDJ, Marc Madiot, à L’Equipe il y a quelques jours. On parle de 1998 (l’affaire Festina) mais chez nous, David Gaudu, qui vient de passer professionnel, est né en 1998. Pourquoi fait-on porter à ces jeunes un fardeau qui n’est pas le leur ? » Vincent Lavenu continuait : « C’est facile le tous pourris comme en politique. » Même la Ligue Nationale de Cyclisme (dont le président n’est autre que Madiot) est montée au créneau dans un communiqué : « Votre vision actuelle est hélas totalement déformée par les jugements de ceux qui se complaisent dans la critique et les idées préconçues. Nous vous imaginions plus libre et nous pensions que votre regard de poète vous écartait de ces pensées toutes faîtes. » La réponse est collective, mais à l’intérieur même du milieu, la gangrène du doute a pris place. Une maladie légitime, au vue du passif de ce sport, mais qui ne doit pas gâcher une fête redevenue très humaine. Car à voir arrivé les coureurs à bout en haut de l’Izoard, la dimension mortelle des athlètes était bien redevenue concrète.

L’électrique, la nouvelle

Le très médiatique Antoine Vayer, qui utilise des flashs de watts pour étayer ses thèses a notamment retweeté une image de la victoire de Romain Bardet. Non pas pour le féliciter, mais pour mettre en doute la performance du Français. Un zoom dans l’image montrait une marque sur le bras du Français. Signe d’une transfusion sanguine ? C’est ce que sous-entendait le tweet originel. Si le travail de l’ancien entraîneur de Festina est intéressant, il est également contestable. Et son acharnement contre Romain Bardet pose même question. Comme l’avait titré Antoine Vayer dans une tribune pour Le Monde l’an dernier, la rançon de la gloire. Dans ce cas précis, le cynisme est ridicule. Même si Bardet utilisait des produits, serait-il assez bête pour se piquer à un endroit visible ? Le cyclisme a beaucoup fait pour essayer de dissiper les mauvaises attitudes. Le passeport biologique, des contrôles toujours plus fréquents, une nouvelle génération de coureurs… Mais la persuasion n’annule pas définitivement le doute. Il a même trouvé une nouvelle branche sur laquelle s’accrocher.

Les moteurs dans les vélos. Une enquête de Stade 2 l’an passé avait médiatisé ce questionnement qui entourait le cyclisme. S’il est difficile de nier que la pratique ait pu exister dans le milieu, désormais, tous les vélos sont testés. Tous les jours au départ pendant le Tour, les commissaires de l’UCI passaient dans le paddock pour vérifier qu’il n’y ait pas de moteur. Il existe aussi des caméras thermiques de l’armée qui sont parfois employées en course. L’utilisation de moteur est donc non seulement difficile, mais dangereuse. Alors, si l’on ne peut affirmer que tous les coureurs sont complètement propres, il est compliqué d’arguer le contraire. Et puis, nous parlons d’êtres humains. D’hommes qui jamais ne mangent ni ne boivent trop, qui se lèvent toujours tôt, qui s’entraînent dur, qui vivent souvent loin de leur famille. Une vie de sportif qui n’est en plus, pour la plupart de ces coureurs, pas payée à la hauteur de leurs sacrifices. Les contrats sont souvent courts, pas toujours rémunérés de façon extravagante. Une baisse de forme, une grosse chute et leur carrière peut s’arrêter, l’exemple le plus récent étant celui d’Adriano Malori. La précarité de la vie ascétique des cyclistes mérite un peu plus de considération que des diffamations haineuses. À méditer.

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