Sur des pentes difficiles, Rigoberto Uran a démontré qu'il était finalement l'homme fort de la Sky - Photo Giro d'Italia
Sur des pentes difficiles, Rigoberto Uran a démontré qu’il était finalement l’homme fort de la Sky – Photo Giro d’Italia

Cet après-midi, un grand coup de tonnerre s’est abattu sur le Giro. Si Rigoberto Uran a remporté l’étape en costaud, le voile noir entourant certains leaders a fini par tomber. Samuel Sanchez, Ryder Hesjedal et dans une moindre mesure, Michele Scarponi et Bradley Wiggins, ont affiché au grand jour leurs limites. La nouvelle génération incarnée par les Polonais et les Colombiens a pris le pouvoir. Dernier des mohicans, « papy » Evans fait encore de la résistance, mais pour combien de temps ?

Wiggins et Henao tombent de leur piédestal 

L’homme fort de la Sky n’est pas celui qu’on attendait. Alors que n’importe quel observateur plaçait Wiggins favori du Giro au départ, et soulignait l’importance grandissante que prenait Sergio Henao au sein du dispositif Sky, tout le monde avait oublié le petit Rigoberto Uran. Stagnant, effacé, hors de forme sont les qualificatifs qui revenaient sans arrêt pour qualifier le vice champion-olympique. Parti en éclaireur pour servir les dessins de son leader désigné, Uran a mis tout le monde d’accord en résistant au retour d’un groupe maillot rose emmené à vive allure par Vincenzo Nibali. Oubliez Henao, décroché très précocement alors même que des coureurs improbables comme Francis Mourey squattaient encore le peloton, oubliez Bradley Wiggins, qui pour la première fois n’a plus aucune excuse et connait là ce qui n’est ni une défaillance ni un véritable couac, juste un affichage en bonne et due forme de son niveau actuel : bon mais en dessous des meilleurs. Celui qui pointe à la 3e place du classement général, c’est le grand oublié, Rigoberto Uran pour qui le Giro ne fait que commencer ; là où les espoirs de ses deux coéquipiers décevants viennent de s’éteindre.

D’autres déroutes plus ou moins prévisibles sont intervenues sur ce parcours épuisant. D’abord celle de Ryder Hesjedal, le Canadien vainqueur sortant, diminué par la maladie et décramponné dès que la route s’est élevée. Totalement hors-course, deux solutions s’offrent à lui : abandonner, ou espérer connaitre un coup de mieux pour jouer les étapes en fin de 3e semaine, comme l’avait fait Ivan Basso dans les mêmes conditions sur le Giro 2005.  Ensuite, celle de Samuel Sanchez, qui a étrangement misé sa saison sur une course qui n’était pas faite pour lui. Décroché rapidement, l’Espagnol a fait l’élastique pour finalement s’effondrer dans la dernière difficulté.  Un peu moins grave, l’échec de Scarponi qui abandonne plus d’une minute mais reste positionné au général, un jour sans pour l’ancien vainqueur, qui malgré tout confirmé son asphyxie chronique en haute montagne. Sans cesse épuisé dans les grands cols, le leader de la Lampre n’est plus le même depuis son rush victorieux de 2011, comme si la rigueur extrême de ce Tour d’Italie si particulier l’avait changé. On retrouve étrangement le même phénomène (à moindre échelle) pour Alberto Contador, qui a perdu une partie de sa superbe suite à cette course.

De nouvelles têtes prennent la relève

Quand un cycle prend fin, un nouveau voit le jour. C’est un peu ce qui est arrivé aujourd’hui. Les ténors dépassés, une nouvelle génération est apparue pour supplanter les anciennes vedettes. Carlos Betancur, Mauro Santambrogio, Rafal Majka et Robert Kiserlovski se sont particulièrement distingués sur cette 10e étape arrivant à l’Altopiano del Montasio. Offensif encore une fois, le coureur d’AG2R La Mondiale va chercher une belle deuxième place, dépassant ainsi à la pédale les meilleurs grimpeurs de ce Tour d’Italie. Réputé bon puncheur, c’est une métamorphose pour Betancur qui explose véritablement en montagne. Soutenu par son leader Pozzovivo, lui aussi dans un bon jour, il n’a pas manqué son coup et se replace au général, tout près du top 10. Pour l’écurie française, c’est une vraie satisfaction de peser autant sur la course, une telle chose n’était plus arrivée depuis bien longtemps sur les routes du Giro. Santambrogio et Kiserlovski, un peu plus expérimentés que Betancur, n’en restent pas moins des surprises à ce niveau, confirmant un changement de tendance hiérarchique. Alors qu’un grand leader comme Cadel Evans a peiné pour revenir sur Nibali dans les gros pourcentages, les deux larrons sont restés stoïques,  maîtres de leur sujet.

Tout aussi impressionnant, Rafal Majka a pris le leadership de l’équipe Saxo-Bank et confirme que les espoirs placés en lui par Bjarne Riis étaient légitimes. Attendu à la lutte pour le maillot blanc et un top 10 au général, le  Polonais termine 5e de l’étape au contact des meilleurs, dont il fait désormais partie. Légèrement distancé après le contre-la-montre, il recolle nettement en se positionnant parmi les dix premiers du général. Un classement où l’on retrouve un de ses compatriotes, Przemyslaw Niemiec, qui malgré son sacrifice pour Scarponi se place juste derrière lui en 8e position. Les équipiers d’hier n’ont pas encore définitivement pris le pouvoir, cependant les directeurs sportifs n’hésiteront pas à revoir leurs plans si un tel scénario devait se reproduire.

Forte en symboles, cette première grande étape de montagne a donc servi de passage de témoin entre les générations. Si Vincenzo Nibali est plus que jamais aux commandes, il devra se méfier de la fougue des jeunes colombiens déterminés à le faire tomber. Jamais avare de surprise, le Giro n’a pas encore livré son verdict, c’est donc avec la plus grande attention que nous suivrons la suite des événements rocambolesques qui chaque jour ne manquent pas de faire passer les spectateurs par toutes les émotions. Des joies, des larmes, des cris de souffrance, c’est ça la magie du Giro !

Louis Rivas


 

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