Isolés de la section sportive traditionnelle de la revue médiatique, les coureurs professionnels sont généralement très peu épargnés à la moindre affaire de dopage. Rapidement ciblés dans un milieu où la suspicion est trop souvent systématique, les membres du peloton doivent également composer avec la valeur prétendument inférieure de leur effort, vis-à-vis des disciplines reines que sont le football ou le rugby, allant parfois jusqu’à l’absurde. Ainsi, dimanche, les engagés du championnat de France s’élanceront de Vesoul à neuf heures du matin, pour cause d’Euro 2016.

Une réputation qui colle à la peau

Les grands scandales des années 1990 et 2000, faisant état de triche généralisée, à l’échelle collective ou nationale, ont amené autour de la petite reine des nuages sombres et épais, n’ayant toujours pas décidé de s’écarter. Il n’est, rassurez-vous, absolument pas question de remettre en cause la chasse aux escrocs, qui, d’année en année, est de plus en plus efficace. Mais que cette dernière devienne un enjeu majeur uniquement à l’approche de la plus grande compétition annuelle, le Tour de France, demeure toutefois problématique. Car le mois de juin, redonnant au fur et à mesure l’envie de suivre la saison aux téléspectateurs qui profitent de la diffusion du Critérium du Dauphiné et des championnats nationaux sur France Télévisions, ou du Tour de Suisse sur l’Equipe 21, est aussi celui où l’on voit, presque par magie, revenir sur le devant de la scène tout un tas d’affaire occultées. Avec leur part de flou, et des gourous qui posent sur la table la fameuse menace de déballer une liste de grands noms convaincus de dopage.

Avant le départ de la Grande Boucle, rien de tel comme timing pour optimiser la publicité que l’on souhaite accorder au cyclisme. Cette année, les enquêtes de Stade 2 ont pris un caractère relativement obsessionnel depuis le mois d’avril. Pris pour cible, les vélos à assistance électrique, pour lesquels chacun se targue d’avoir mis au point sa propre méthode pour les détecter. Le premier cas avéré de dopage mécanique, qui s’est déroulé lors des Mondiaux de cyclo-cross, a généré un véritable concours Lépine des méthodes d’investigation, souvent contre-balancées par des vendeurs de cycles avançant que chacune d’entre elles souffre d’une pointe d’imperfection. Toujours sur France 2, le magazine Cash Investigation a dévoilé la bande-annonce de son prochain numéro, prévu lundi soir. Et, surprise, on entend tourner… un bruit de moteur électrique ! Officiellement, la question abordée est celui d’un mystérieux sorcier du sport, gravitant autour du sport français depuis quarante ans. Quel scoop !

La cinquième roue du carrosse ?

Mais, pour finir notre état des lieux, il paraît indispensable de s’intéresser à la place intrinsèque du vélo au cœur de l’échiquier sportif. S’il est supposé toucher un public moins vaste que le football, le cyclisme s’incline autant dans les audiences que sur le terrain. La Fédération Française de Cyclisme, sans pression particulière d’une autre instance ni même de la chaîne publique France 3 – elle ne dispose d’aucun droits de retransmission concernant l’Euro -, a décidé unilatéralement d’avancer d’1h40 le départ de la course de dimanche ! Tout le monde pourra ainsi voir le match de l’équipe de France, ballon rond dans les pieds, face à l’Irlande, à Lyon, dès 15 heures. Les « France », eux, auront rendu leur verdict une dizaine de minutes auparavant, après 256 kilomètres particulièrement difficiles dans la région de Vesoul, en Haute-Saône.

Difficile d’y voir une quelconque logique sportive, physique, et organisationnelle. Les coureurs, non consultés, s’en sont vivement pris à leur fédération. Nacer Bouhanni évoque du « n’importe quoi », proposant même ironiquement de rouler en nocturne. Une notification débile, selon Quentin Jauregui. Warren Barguil déplore pour sa part l’absence totale de consultation, la longueur du circuit, et les difficultés auxquelles les coureurs devront faire face. Le lever se fera en effet à cinq heures du matin, chose rare. Toutefois, quelques voix saluent le changement logistique, à l’image de Sylvain Chavanel, qui accepte sans broncher la primauté de l’Euro et la nécessité de faire un geste pour assurer la couverture des deux manifestations. Peu importe comment cela se passera ce week-end, on se serait bien passés de ce fiasco, confirmant l’exaspération de moins en moins latente sur les réseaux sociaux des coureurs professionnels. Il n’y a guère qu’à la vue de l’impressionnant dispositif de sécurité prévu pour le passage de la caravane du Tour en juillet que l’on imagine que le cyclisme puisse être pris au sérieux. L’arbre qui cache la forêt.

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