Il y a certaines choses qui ne changent pas d’une année sur l’autre : Sagan finit toujours par être champion du monde. Mais il y en a d’autres qui passent d’un extrême à l’autre. Il y a un an à Doha, l’équipe de France était la risée du peloton. Cette fois à Bergen, les Bleus ont répondu présents et fait une grosse frayeur à toutes les équipes de sprinteurs.

Cohérence

On ne pourra pas vraiment s’enlever de l’idée que Cyrille Guimard a une grande part de responsabilité là-dedans. Oui, Julian Alaphilippe n’a pas décroché le maillot arc-en-ciel. Mais il en est passé tout près, et il est bien le seul à avoir fait douter les sprinteurs dans le dernier tour de circuit. Et rien que pour ça, on doit considérer le mondial tricolore comme une réussite. Guimard a tranché, amenant en Norvège une sélection sans sprinteur : il a failli réussir son pari. Certains prennent plaisir à imaginer d’autres scénarios et à souligner qu’avec cette arrivée au sprint, un Bouhanni aurait pu jouer avec Sagan et Kristoff. C’est oublier que les Bleus sont passés près de la gagne parce qu’ils étaient soudés. Huit hommes autour d’Alaphilippe, c’est ce qui a permis de mettre en place une stratégie cohérente et de protéger le leader français le plus longtemps possible, jusqu’au pied de la dernière ascension de Salmon Hill.

Demandez-donc à Alexander Kristoff ce que cela coûte d’avoir une équipe à deux têtes. S’il avait été emmené par Edvald Boasson Hagen, sûrement que le Norvégien aurait été sacré champion du monde. Mais il a dû se débrouiller seul, comme tous les autres, et à ce jeu-là, il est impossible de battre Peter Sagan. Et puis quel pied on a pris, quand même, dans les dix derniers kilomètres. L’absence d’images dans les quatre derniers kilomètres a ajouté de la dramaturgie à une course déjà haletante dans le final, nos cœurs ont failli lâcher, et même si la désillusion fut cruelle lorsqu’est apparut le peloton à la flamme rouge, on se souviendra longtemps de ce coup presque parfait joué par la bande à Guimard. Une formation qui a su ne pas s’éparpiller, avec Barguil et Gallopin travaillant pour Alaphilippe, alors qu’eux-mêmes, sur ce parcours, auraient pu nourrir quelques ambitions. Fédérer de telles individualités autour d’un seul homme n’avait rien d’aisé, mais c’était indispensable pour espérer l’emporter. Ce n’est pas passé loin, et ce n’est sans doute que partie remise.

Adoubé par Sagan

C’est en tout cas le désormais triple champion du monde qui le dit. « Le prochain, c’est pour toi », a soufflé Peter Sagan à l’oreille de Julian Alaphilippe, hier, lorsque le Français est allé féliciter le Slovaque. En Autriche l’an prochain, le puncheur tricolore a en effet toutes ses chances. Et si le maître du peloton le lui confirme, c’est qu’il le pense : le phénomène n’est pas du genre à parler pour faire plaisir. De quoi garder le sourire et faire passer la pilule de l’échec, même s’il est tout relatif. « Je suis déçu car ça n’a pas marché comme je le voulais mais je n’ai pas de regrets », assurait « Alaf » à L’Equipe. Depuis des semaines, la délégation n’avait que ce leitmotiv à la bouche : ne pas avoir de regrets. C’était la hantise de Guimard, celle d’Alaphilippe aussi. Les Bleus ont trop souvent connu ça, avec en point d’orgue les Mondiaux de l’an passé où Bouhanni et Démare, enfermés dans leur guerre d’ego, n’avaient pas su lire la course. Mais qu’on se rassure. Avec le parcours de la prochaine édition, les sprinteurs seront encore dans leur canapé. Tant mieux, la sélection des grimpeurs-puncheurs semble plus harmonieuse.

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