Depuis l’époque de Marco Pantani, en 1998, plus personne n’a réussi à remporter consécutivement dans la même saison le Tour d’Italie et le Tour de France, séparés désormais d’un mois. Extrême au niveau de la récupération, ce défi a été à de maintes fois tenté, mais en vain. Même Contador s’y était essayé en 2011, déjà. Volant sur le Giro le plus montagneux du siècle, il s’était écroulé dans la troisième semaine alpine. Âgé de 32 ans, Contador est revenu à son meilleur niveau, et sait que réussir cet enchaînement le classerait indiscutablement parmi les plus grands de son sport. En a t-il les ressources ?

Pourquoi il faut y croire

Des qualités toujours étincelantes. Même si il n’a pas outrageusement dominé le Giro au mois de mai, Contador restait naturellement au-dessus du lot tant par sa sérénité mentale que son assurance physique. Finalement peu inquiété, au fond, par la doublette d’Astana, l’Espagnol a presque donné l’impression de se préserver en troisième semaine après avoir assommé la course rose sur le chrono de Valdobbiadene. Car pour bien négocier sa reprise fin juin, chaque débauche d’énergie se devait d’être scrutée de près. Et pendant que ses principaux concurrents s’écharpaient sur la route du Dauphiné et du Tour de Suisse, le Madrilène a préféré poser les pieds en France avant tout le monde, se mesurant à Nairo Quintana sur la route du Sud. Et immédiatement, Contador a fait mouche, remportant l’étape reine au prix d’une belle descente. Sur sa lancée, on le voit mal baisser le pied si rapidement…

Le contre-la-montre réduit comme jamais. C’est assez inédit pour le souligner, mais jamais le Tour de France n’a laissé une part aussi réduite à l’exercice solitaire tout au long de ses trois semaines de course. 13,8 kilomètres dénués de toute difficulté dans les rues d’Utrecht, et un chrono par équipes vallonné atypique en Bretagne, cela ne fait vraiment pas l’affaire des rouleurs, et n’avantage absolument pas des leaders tels Froome, qui s’était construit son matelas de 2013 au Mont-Saint-Michel, ou Van Garderen. En haute-montagne, Contador aura à cœur de garder sa suprématie face au Britannique après un duel victorieux lors de la dernière Vuelta, et fera sans doute parler sa science de la course, en tentant quelques coups de loin. Avec Quintana, il est probablement le mieux armé pour ce Tour de France, avec en prime l’expérience du champion.

L’homme des Grands Tours. Victorieux de neuf épreuves de trois semaines, ou sept, si l’on considère ses déclassement sur le Tour 2010 et le Giro 2011, l’Espagnol n’a perdu que deux Grands Tours dès lors qu’il a rallié l’arrivée, sur treize participations. Déjà en quête de doublé, il avait payé les efforts d’un Giro monstrueux, tout en étant plongé dans un contexte extra-sportif tumultueux. Sinon, ses références sont sans égal. Même quand on le pense blessé, ou à court de condition, il déjoue tous les pronostics pour remporter au panache deux Vuelta. Terrasser Contador à la régulière sur un Grand Tour relève de l’exploit, et ne s’improvise pas.

Pourquoi on ne peut pas y croire

Son clan ne joue peut-être pas en sa faveur. Dans les grands cols italiens, Contador s’est rapidement retrouvé esseulé, à la surprise générale. Basso, Kreuziger, Paulinho et Rogers, pour ne citer qu’eux, ont été transparents de la Ligurie à Milan. Pour la Grande Boucle, l’équipe russe a mis les grands moyens, et convoqué ses meilleurs éléments. Confiance renouvelée aux énigmatiques Ivan Basso et Roman Kreuziger, mais à signaler également la venue du fantasque Rafal Majka, sans oublier la présence de Peter Sagan dans le neuf de départ, visant un objectif totalement différent. Quand on connaît le caractère d’Oleg Tinkov, le désordre pourrait rapidement faire son apparition dans une formation orpheline de Bjarne Riis. Le magnat et propriétaire de l’équipe a même récemment déclaré sur Twitter que si Contador ne l’emportait pas à Paris, il boycotterait la prochaine édition. Tandis qu’en plein Tour de Californie, ce même Tinkov assignait par la presse à Peter Sagan le rôle de lieutenant de Contador. Du second degré, qui annonce la couleur.

Il a déjà échoué. Il y a quad même un hic, et un grand. Gagner le Giro et le Tour, cela a déjà été dit, relève des grandes lignes du livre du cyclisme, et n’est plus à la portée de tout le monde. Mais Contador connaît les inconvénients d’une telle saison et du dépassement de soi qu’elle peut nécessiter, et a déjà failli en 2011. La dernière semaine du Tour est très régulièrement la plus corsée, et la série d’arrivées au sommet tracée par ASO pourrait faire craquer un “Pistolero” en manque de ressources, en manque de fraîcheur par rapport à quelqu’un comme Vincenzo Nibali, qui a renoncé durant l’hiver à concurrencer Contador dans ce même pari. Sans oublier les fameux pavés, qu’il maudit depuis 2010. Il lui faudra courir de manière très intelligente, et forcer son destin.

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