Bernard Hinault en son temps avait su partir au sommet, juste après avoir « offert » le Tour 1986 à Greg Lemond. Alberto Contador et Fabian Cancellara ne demandent pas plus que de faire leurs adieux au cyclisme sans avoir fait l’année de trop. Et c’est pourquoi la question de la retraite se pose pour eux dès cette saison.

Le flou ambiant

On a du mal à s’imaginer ces deux monuments de la dernière décennie quitter le peloton professionnel. L’un compte six – ou huit, c’est selon – grands tours à son palmarès, l’autre sept monuments et quatre titre mondiaux. Et surtout, encore en 2014, les deux larrons ont rayonné : Contador a réalisé un début de saison remarquable avant de chuter sur le Tour et de se rattraper en gagnant la Vuelta, quand Cancellara, malgré une grosse pancarte, a décroché un nouveau sacre sur le Tour des Flandres. Alors forcément, les déclarations des derniers jours ont de quoi surprendre. En ce qui concerne l’Espagnol, c’est son boss, Oleg Tinkov, qui a vendu la mèche : « C’est sa décision. S’il veut continuer, nous serons plus qu’heureux de l’avoir dans notre équipe, mais je ne sais pas ce qu’il a décidé. Nous n’en avons pas encore parlé, mais c’est peut-être sa dernière saison », expliquait l’homme d’affaire russe, qui n’a pas toujours été tendre avec son leader, mais à qui le départ du Pistolero ferait beaucoup de mal.

Cancellara a émis au moins autant de réserve quant à une possible retraite, parce qu’on n’est encore qu’au mois de février et que les résultats de l’année rentreront bien évidemment en ligne de compte au moment de prendre la décision finale. Mais il n’a absolument pas fermé la porte non plus. « Ca pourrait être ma dernière saison. Ca pourrait mais c’est ma décision, et personne d’autre ne peut la prendre. » Son contrat se termine en 2016, le Suisse aura donc la possibilité de poursuivre au moins deux saisons. Mais il se veut aussi très lucide, et ne cache pas que ses plus grandes heures sont derrière lui : « Je sais que ce sont mes dernières années, ce n’est pas un secret. Depuis quelques saisons, tout est devenu plus compliqué. En interne comme en externe, on attend que je sois tout le temps à 100%… » Et à 33 ans, c’est plus difficile qu’à 27 ou 28.

Deux situations bien distinctes

Si les deux coureurs sont proches par le talent et par la trace qu’ils devraient laisser au cyclisme, la situation de l’Espagnol demeure bien différente de celle du Suisse. Le Pistolero vient en effet de fêter ses 32 ans, et a largement dominé le dernier grand tour auquel il a participé. Il semble revenu à son meilleur niveau, celui d’avant sa suspension, et s’est fixé un nouvel objectif de taille pour 2015 : doubler Giro et Tour de France. Le risque est grand de se rater sur la Grande Boucle, et il en est forcément conscient. Le voir quitter le peloton sans briller sur les routes françaises paraît dès lors peu probable. D’autant qu’avec ce qu’il nous a montré en 2014, on l’imagine très facilement être encore compétitif en 2016. Malgré tout, Tinkov avance une thèse qui reste plausible : « Je sais qu’il veut finir avec nous, cette année ou la prochaine. Alors peut-être que s’il gagne le Giro et le Tour, il décidera de s’arrêter. » L’exploit serait tellement énorme qu’en effet, partir après un tel doublé s’avérerait aussi logique qu’historique.

Pour Cancellara, on est un peu plus sceptiques quant à un possible doublé Flandres-Roubaix. Le déclin de Boonen ne fera qu’accentuer le marquage dans la roue de Spartacus, et sa victoire sur le dernier Ronde a quoi qu’on en dise montré une chose : le Suisse n’est plus capable de lâcher tous ses challengers. Ceux-là, emmenés par Sep Vanmarcke, se rapprochent du maître et sauront être encore plus dangereux en 2015. Plus aussi dominateur, il est normal que Canci pense à arrêter, en espérant avant ça décrocher un ultime monument. Mais surtout, que de tels champions souhaitent partir en beauté est normal et signe de panache. Contador comme Cancellara ne courent pas après les stats : dix grands tours, dix monuments, ça ne changerait pas grand chose à leur immense carrière. Aujourd’hui, la seule chose qui les importe est donc de partir la tête haute. Parce qu’on se souvient toujours lorsqu’un champion fait l’année de trop, à l’image de Merkcx ou Indurain. Reste à se rendre compte, quand il arrivera, du moment opportun pour tirer sa révérence. Et c’est sans aucun doute le plus difficile.

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