Le Critérium du Dauphiné a son histoire, différente de celle des autres courses. Elle a notamment vu des coureurs locaux y briller de mille feux, encore plus que sur d’autres épreuves. Thierry Claveyrolat est un de ceux-là, bâtissant ses performances sur son amour et sa connaissance de la région.

Un grimpeur né dans les Alpes

Né à La Tronche, dans l’Isère, Claveyrolat a toujours été le chouchou du public sur le Dauphiné. Sa carrière atypique s’est d’ailleurs lancée sur ce qui restera dans son cœur comme « son épreuve ». En 1986, à 27 ans et alors qu’il fait figure de quasi-inconnu, il s’offre deux étapes et termine sixième du général. Une véritable révélation pour un homme déjà professionnel depuis trois ans mais qui ne parvenait pas à se montrer réellement à son avantage. Quoique, lorsqu’on remonte aux premiers mois de sa carrière, une ligne de son palmarès attire forcément l’attention : une deuxième place sur une étape du Dauphiné, déjà ! Mais c’est finalement son transfert chez R.M.O qui marque le début de ses succès, les indications de Bernard Thévenet, qui l’a lancé dans ce grand bain, y étant sûrement pour beaucoup. Du moins presque autant que le siège de sa nouvelle équipe, basée à Grenoble, et prouvant encore que l’homme avait besoin de se sentir proche de chez lui pour donner le meilleur de lui-même.

Les années suivantes, Claveyrolat enchaînera donc les maillots distinctifs – et notamment celui de meilleur grimpeur, conquis cinq fois – à défaut de victoires au général. S’améliorant chaque année, il ira décrocher une deuxième place finale en 1990, son meilleur résultat, à l’apogée d’une modeste carrière. Malheureusement, sur plusieurs éditions, il doit céder le leadership à son ami Charly Mottet. « Thierry était très bon copain et un grimpeur comme j’’en n’ai jamais vu, avec des braquets pas possibles, se rappelle justement Mottet. Il était irrésistible dans les arrivées au sommet. Quand il annonçait la couleur, il avait cette force là. Il disait ‘bon les gars, vous pouvez compter sur moi’ et très généralement, il allait au bout de ses ambitions. » Admiratif de son leader, Claveyrolat ne peut s’empêcher de penser qu’il lui vole quelque peu la vedette. C’est aussi pour ça que les classements de la montagne sont devenus l’obsession de Claveyrolat. Il n’en négligeait aucun, même ses premiers : « Le classement de la montagne de Châteauroux-Limoges, aujourd’hui, ça fait rigoler. Mais moi, j’en suis fier, parce que je sais la sueur que ça m’a coûté. » Son œuvre de grimpeur paraîtra aboutie en juillet de cette même année 1990, lorsque au détour d’une étape alpestre, il assure son maillot à pois sur le Tour de France. Ces Alpes, qu’il connaît si bien, et qu’il aime tant, lui offrent donc ce graal. Il s’inscrit dans le palmarès du Tour aux côtés des Gaul, Bahamontes, Merckx et autres Hinault.

Un regret, énorme…

Ces Alpes, elles lui permettront de conquérir une deuxième étape sur la Grande Boucle, un an plus tard. Malheureusement, cette fois, le maillot à pois est pour Chiappucci. Deuxième, aussi, des Championnats de France en cette année 1991, ce pourrait être la saison des regrets pour Claveyrolat. Mais à son plus grand désarroi, il avait connu bien pire. C’était deux ans auparavant, lors des Championnats du Monde. Ils se déroulaient chez lui, avec une arrivée à Chambéry. Alors même s’il ne croyait pas à la victoire finale, sachant qu’il devrait en rabattre tôt ou tard, le local comptait bien se montrer devant son public : « en rabattre le plus tard possible », livrait-il ainsi au départ de l’épreuve. Rapidement à l’avant de la course, il avait pu profiter, entendre les nombreux cris de ses supporters tout en pédalant sur ses routes d’entrainement. Mais cette promenade pris fin dans le dernier tour, quand Claveyrolat, accompagné de Konyshev, se rendit compte qu’il pouvait aller jouer la victoire. Evidemment, rien ne s’est passé comme l’espérait le public, et Claveyrolat n’a jamais pu porter le maillot arc-en-ciel.

La faute au Russe ? Pas du tout. C’est bien son propre compatriote – leader désigné au départ – Laurent Fignon qui mit un terme aux espoirs de l’Isérois. Au prix d’un effort monumental, il recolla, accompagné de Rooks, Lemond et Kelly. Après des heures à l’avant de la course, Claveyrolat n’avait bien sûr aucune chance au sprint. Face à cette traitrise, il ne pu se consoler qu’en terminant cinquième, devant Fignon, après avoir refusé de lui servir de poisson-pilote. “Il n’y a pas eu beaucoup de communication. Moi, on ne m’a rien dit, se souvient pour Cyclismag Gilles Dellion, qui faisait partie de l’équipe de France ce jour-là. A un moment, l’équipe a roulé alors que Claveyrolat était devant, effectivement. Il n’y avait pas de tactique particulière. Tout s’est précipité dans le final. A l’arrivée, c’était la soupe à la grimace.” Dans cette histoire, la France a donc tout perdu. Sauf que Fignon s’en remettra grâce à un palmarès déjà très fourni, alors que pour Thierry Claveyrolat, ça semblait être la chance de sa vie. Sur ses terres, il aura donc tout connu. Ses plus beaux succès, mais aussi sa plus grande défaite. Le tout bien trop peu médiatisé pour que le grand public retienne son nom. D’après son ancien coéquipier Paul Kimmage, quelques années plus tard, à 40 ans et endetté par une affaire qui ne marche pas, Claveyrolat est responsable d’un accident de voiture. Quatre personnes sont gravement blessées, lui avait bu. Plus tard, Claveyrolat s’ôtera la vie. Triste fin pour un coureur honnête passé pas loin de la gloire.

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