Ce week-end, parallèlement au départ de la Vuelta, un certain Stefano Garzelli a vu sa fin de carrière arriver, après quatorze années passées chez les professionnels. Âgé de désormais 40 ans, le natif de Varèse s’apprête à tourner définitivement la page, après ses derniers coups de pédales, donnés sur une course qui lui est chère : les Trois Vallées Varésines.

Un pilier du cyclisme italien post 2000

Si désormais, le cyclisme italien se renouvelle, face à des leaders vieillissants et à d’autres jeunes bourrés de talent, il faut se souvenir que la botte connu une décennie magique durant les premières années 2000. Porté par l’extraterrestre Marco Pantani, c’est les années de gloire des Simoni, Garzelli, Savoldelli, Petacchi, Cunego, Bettini et consorts… Originaire de Lombardie, Stefano fait ses débuts dans des clubs varèsans, où il se fait directement remarquer. D’une aisance rare dans les côtes les plus raides de la région, il tape dans l’œil de bon nombre de directeurs sportifs. A 23 ans -en 1996 -, il décroche son premier contrat professionnel, au sein de la célèbre Mercatone Uno. Repéré par le désormais directeur sportif d’Astana Giuseppe Martinelli, il s’est à l’époque déjà construit un remarquable palmarès chez les espoirs, illustré par sa victoire sur le Tour de Lombardie de la catégorie. Ce qui ne sera qu’une simple annonce de son futur prometteur sera vérifiée immédiatement, avec un Giro 1997 l’ayant vu se révéler aux yeux du grand public. Alors que c’est le drame pour Pantani, perdant ses illusions de victoire suite à une chute en première semaine, Garzelli se voit confier les clés du camion, au nez et à la barbe des lieutenant modèles du Pirate, Conti et Pondenzana, pourtant bien plus expérimentés que le jeune loup. Signe d’une grande confiance accordée au tant espéré successeur du vainqueur de la Grande Boucle 1998. Il ne se fait alors pas prier et termine son premier grand tour à la neuvième place. C’est la naissance du Piratino.

C’est presque une ascension irrésistible pour un coureur de talent qui s’illustre partout où il passe, classiques d’un jour, courses d’une semaine. On n’attend plus que la consécration suprême. Elle arrivera sans tarder. Au sommet de son art, il remporte la course de ses rêves, le Giro. En 2000, au terme d’un duel épique avec Fabio Casagrande, il parachève sa victoire lors de son épreuve fétiche, le cronoscalata, à Sestrières. Cette même épreuve qui aura fait une partie de sa réputation. Si ses talents de rouleur ne sont pas formidables sur un parcours dénué de difficultés, il deviennent tout autres dès que la route se cabre. En témoigne son triomphe au Plan de Corones en 2010 ou sa performance inattendue sur le chrono marathon des Cinque Terre pour le Giro du centenaire. Mais le Giro, très dur, très long, est devenu impossible à aller chercher pour Garzelli. Il fait alors de Tirreno-Adriatico sa spécialité. La« course des deux mers » est l’une des rares à lui porter chance, encore, lors de ses dernières années au sein de l’équipe Acqua & Sapone. Vainqueur du général en 2010, c’est devenu une de ses courses de prédilection durant sa fin de carrière. Cette même fin de carrière qui est devenue une sorte de baroud d’honneur permanent. Toujours à l’attaque et paré pour de grandes offensives, il devient l’animateur des courses italiennes, Tirreno-Adriatico, Milan-Sanremo et surtout le Giro comme principaux objectifs. Il entretiendra d’ailleurs toujours ce lien particulier avec la course rose. Porté par un public acquis à sa cause, il se lancera dans des chevauchées montagneuses désespérées, récompensées par deux maillots de meilleur grimpeur. D’abord en 2009, accompagné d’une sixème place finale, et en 2011, où il fut le héros malheureux de l’étape d’un autre temps, se terminant à Val di Fassa.

Une zone d’ombre et un sentiment mitigé

Toutefois, si Garzelli aura enchanté les tifosi par ses exploits notables, il ne laissera pas qu’un souvenir positif dans les mémoires. Rattrapé par la patrouille en 2002, il est exclu en plein Tour d’Italie alors qu’il portait le maillot rose. Invoquant la défense farfelue du poulet avarié, il est fermement suspendu neuf mois. Mais involontairement, il plonge le cyclisme azzuri dans la tourmente. L’historique Mapei dont il était l’un des fers de lance claque la porte du peloton mondial. Rejoignant ensuite la sulfureuse équipe Vini Caldirola – déjà annonciatrice d’une fin en queue de poisson ? -, il reviendra dans la danse mais se fera ensuite dominer chez Liquigas par le nouvel homme fort du moment, Danilo Di Luca. L’âge commence déjà à se faire sentir et la montée des Scarponi, Ricco, Pellizotti et autres Nibali lui est préjudiciable, il n’est plus indispensable et trouvera refuge dans les équipes continentales italiennes, où il se sent bien. Dans des équipes où la culture d’engager les repentis est très présente, inculquant la deuxième chance. Mais sa réputation est clairement entachée, et malgré de derniers coups d’éclats, sa fin de carrière ne se déroule sans doute pas comme il l’aurait espéré. S’il termine à domicile, aux Trois Vallées Varésines, au sein de l’équipe Vini Fantini, il faut dire que sa saison ne fut pas de tout repos.

Au terme d’un Giro houleux pour l’équipe giallofluo, marqué par le troisième contrôle positif du pyromane Di Luca, et celui de Mauro Santambrogio, montrant un niveau jamais atteint jusque là pour sa part en haute montagne, les accusations de dopage collectif à l’EPO au sein de l’équipe et – à tort ? – dans les autres conti italiennes vont bon train dans les médias. Malgré une expérience indéniable, son dernier come-back se terminera sans succès, après que son aventure avec Acqua & Sapone se soit elle aussi terminée par un naufrage collectif. Non-invitée sur le Giro 2012, le sentiment d’ouverture du cyclisme mondial se fait sentir, et une certaine remise en cause générale de certaines structures est inévitable. C’est aussi l’image de tous les problèmes accumulés par le cyclisme transalpin, ayant eu les trois quarts de ses champions des années 2000 contrôlés positifs, et repentis par le futur. Dans une époque marquée par le Blitz de Sanremo, où l’EPO et les transfusions sanguines foisonnaient, les Simoni, Di Luca, Ricco ou Frigo ont nuit à l’image de ce sport de l’autre côté des Alpes, et la transition ne s’est pas encore achevée. Après dix-sept années de professionnalisme, la page Garzelli est tournée. « Une idole donnant des frissons magiques sur la route » selon son mentor Renzo Oldani, un tricheur pour d’autres, l’opinion restera partagée sur le grimpeur chauve d’une période folle.

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