Il n’y a sans doute pas plus tragique qu’une mort venue trop tôt. Et à 37 ans, c’est beaucoup trop tôt. Michele Scarponi était hier encore sur les routes du Tour des Alpes. L’arrivée, en Italie, lui avait permis de vite rentrer chez lui et de reprendre l’entraînement dès ce matin. C’est ce qui lui aura coûté la vie.

Sourire, perroquet et Giro

Sa carrière aura toujours trimbalé son lot de suspicions. Parce que Michele Scarponi était un coureur italien au cœur des années 2000. Mais aujourd’hui, on a surtout envie de retenir tout le reste. Un coureur toujours de bonne humeur, qui a finalement connu la gloire assez tard. Mais qui n’est jamais apparu frustré. « Son sourire était contagieux », écrivait ce matin Alberto Contador sur Twitter. « Un des seuls à me faire rire sur le vélo », a de son côté confié Anthony Roux. L’unanimité des hommages laisse transparaître une grande sincérité. L’Italien était un homme joyeux. Capable de se filmer à l’entraînement avec Frankje, le perroquet de ses voisins. Un animal bleu et jaune… comme le maillot de l’équipe Astana. « Je ne sais pas s’il croit que nous sommes de la même équipe, comme les couleurs de mon maillot sont les mêmes que ses plumes », blaguait-il dans une interview donnée à Velonews.

Mais Scarponi, ce n’était pas qu’un plaisantin. Il suffit de regarder la plus grosse ligne de son palmarès pour s’en convaincre. Il est un vainqueur du Giro. Un vainqueur de l’ombre, sur tapis vert, qui n’a jamais eu l’honneur de monter sur la plus haute marche du podium au terme des trois semaines de course. S’il a son nom au palmarès du Tour d’Italie, c’est parce qu’il avait terminé deuxième en 2011, et que Contador a été déclassé. Et c’est un peu l’histoire de la carrière de Michele Scarponi. La gloire l’a presque toujours fui. Comme un symbole, il n’a jamais porté le maillot rose. Pas même une journée. Outre sa victoire en 2011, il n’a même jamais connu le podium du Giro. Trois fois, il a échoué à la quatrième place. Il n’était tout simplement pas un homme de lumière. Mais sur le vélo, le garçon était un phénomène, quatrième de Liège-Bastogne-Liège et septième de l’Amstel pour sa deuxième saison chez les pros, en 2003.

Une deuxième carrière trop vite finie

On pourra donc regretter qu’il n’ait pas davantage couru dans l’élite du cyclisme mondial. Son premier passage chez Liberty Seguros, en 2005 et 2006, a été chamboulé par l’affaire Puerto et la dissolution de l’équipe. Scarponi est donc vite reparti en Continental, a purgé sa suspension puis repris le cours de sa carrière. Une carrière qui a véritablement commencé en 2009. Tirreno-Adriatico fut sa première grande victoire. Une nouvelle opportunité de gravir les échelons, aussi. En 2011, il signe en World Tour, chez Lampre. Il a 31 ans mais s’apprête à connaître ses plus belles années. Souvent leader, parfois gregario – avant que le rapport s’inverse -, il propage son sourire partout où il passe. A chaque départ de course, il ravit les photographes qui braquent sur lui leurs objectifs. Michele Scarponi est un bon client. Pas parce qu’il maîtrise son image mais simplement parce qu’il est profondément gentil. Alors il devient difficile à détester, en dépit de son passé.

Quand il rejoint Astana, en 2014, son rôle change. Le voilà lieutenant. Vincenzo Nibali incarne un renouveau pour le cyclisme transalpin et Michele Scarponi n’a qu’une envie : l’aider à tutoyer les sommets. Au mois de juillet, il est de la partie sur le Tour de France pour mener le Squale jusqu’à la victoire finale. Chez les Kazakhs, le Transalpin est dévoué. En trois saisons, il ne lève pas les bras. Son succès au Tour des Alpes, cette semaine, était son premier sous les couleurs d’Astana. Malheureusement, il sera aussi le dernier. Désormais, Scarponi va manquer. Parce qu’on ne s’attendait pas à ce qu’il parte. Il faisait partie de ces forçats qui continuent de rouler avec toujours autant d’enthousiasme malgré les années. Lorsqu’on le voyait à l’écran, on savait que l’Italien était un vieux de la vieille. Mais on s’imaginait, naïvement, qu’il allait poursuivre encore longtemps. Il ne pouvait en être autrement dans nos esprits. Finalement, tout se sera donc terminé beaucoup trop vite. Beaucoup trop brutalement. Et il est difficile de savoir quoi dire dans ces moments-là, si ce n’est au revoir. Alors ciao, Michele.

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