La quatorzième étape de la Vuelta marquait l’entrée du peloton dans ce qui fait figure de triptyque décisif pour le sort du classement général. Trois arrivées au sommet successives, au terme d’étapes de registres différents, qui allaient forcément montrer les véritables capacités des principaux favoris, et plus particulièrement du quatuor magique, déjà en lice pour un sacre au Tour d’Espagne en 2012. Les pentes de l’inédite Camperona, semblable au Cuitu Negru dans sa raideur, se devaient de repousser voire d’éliminer les coureurs dans un mauvais jour, et les dynamiques précédentes se sont révélées trompeuses chez Chris Froome, premier du jour dans le match des prétendants. Tout sauf ce qui était imaginé au départ.

Jouerait-il avec le feu ?

A la rupture, un cran en-dessous, en manque d’assurance et de compétition, le “Froomey” ? Sa première semaine ainsi qu’une bonne partie de la deuxième tendaient à pencher vers ce cas de figure, tellement le Britannique n’a eu qu’une si faible incidence par rapport à son standing et ses habitudes sur un Grand Tour. Suiveur à la Zubia, et la plupart du temps dans l’ombre des Valverde, Contador, Aru, Rodriguez, la performance réalisée lors du contre-la-montre individuel de 37 kilomètres devait permettre de le relancer dans la course à la victoire finale, mais fut clairement en-deça des espérances, évitant l’humiliation d’être classé derrière “Purito”, pour un médaillé de bronze de la discipline aux derniers Jeux Olympiques. De quoi être pointé à une minute et vingt secondes vendredi soir, à Obregon, d’un “Pistolero” à la gâchette facile, ne se faisant pas prier pour enterrer les illusions de ses adversaires. Le Froome insouciant, jouant avec les pentes et insolent de facilité avait donc totalement disparu, et ce depuis sa première chute lourde de conséquences sur le Dauphiné, avant le choc psychologique de l’abandon sur le Tour de France, avortant une bataille de haute volée entre Contador, Nibali, et vainqueur de la centième Grande Boucle. Pire, la question de son réel niveau en montagne était même devenue au goût du jour, en bilan de cette onzième étape s’achevant au sanctuaire de San Miguel de Aralar. Confiante en son leader, la team Sky imprime son rythme au pied du col, et le lieutenant Cataldo fait craquer…Froome ! Une dizaine de kilomètres passés à faire constamment l’élastique, pour finalement revenir au prix d’un effort monstre à une seconde des grands favoris ibères.

Beaucoup ont alors avancé sa science de la course et sa prise d’expérience depuis ces dernières années, et le fait que Froome, grand adepte de son SRM, fasse valoir son étiquette de scientifique du cyclisme. Calculant avant de passer à l’action, il ne s’est encore quasiment jamais mis dans le rouge et n’a connu aucune véritable défaillance, à défaut de représenter une menace peu apparente pour ses rivaux, qui ont peut-être manqué le coche lors des précédentes escalades finales, en ne lui reprenant que si peu de secondes. Cherchant sa nouvelle essence dans les montées abruptes et courtes, le Tour d’Espagne a offert des opportunités à tous les types de coureurs, puncheurs ou grimpeurs, et les petits repechos demandant une implication violente de l’organisme ne sont pas pour avantager le “Kenyan Blanc”, accusant souvent le coup après les attaques. A Pena Cabarga, il semblait s’envoler avant de l’emporter pour un rien face à l’étonnant Cobo, tandis que sur la Vuelta 2012, il se mis souvent dans le rouge en tentant de réagir aux accélérations de Rodriguez ou Valverde. La régularité est son ordre de bataille, et son ascension de la Camperona en est un exemple d’école. Peu fringuant dans les premiers mètres, il a longtemps évolué un peu en retrait, avant de se refaire intelligemment la cerise et rattraper petit à petit tout ce beau monde qui s’était brûlé les ailes en tentant des démarrages soutenus, mais sans suite. Un comportement de guerrier, à l’image de celui du vainqueur du jour, Ryder Hesjedal.

Cap sur les lacs de Covadonga

Car désormais, on peut dire que Froome a passé les écueils les plus difficiles vis-à-vis de son style sur le vélo. S’il reste quatre arrivées au sommet, aucune n’est à proprement parler un terrain béni pour des coureurs particulièrement explosifs. Le Puerto de Ancares, placé à 24 heures de l’arrivée à Saint-Jacques de Compostelle, possède bien des pentes très difficiles, mais viendra clore un enchaînement comportant trois cols au préalable. L’objectif de l’actuel troisième du classement général paraît clair. Rattraper le temps perdu, en grapillant des bonifications, et surtout en tentant de lâcher un Alberto Contador qui n’est pas aussi impérial que par le passé. Un très long sprint final qui pourrait se révéler fructueux, car dans l’optique où il parviendrait à se rapprocher considérablement du Madrilène au soir de la montée d’Ancares, la derière étape n’est autre qu’un exercice chronométré tout plat de neuf kilomètres, une de ses spécialités sur le papier, sans oublier la récupération qui va jouer son rôle après le week-end présent, charnière.

Dès demain, il faudra se projeter sur ces fameux Lagos de Covadonga. Une montée de 13 kilomètres à un peu plus de 7% de moyenne, mythique pour tout coureur local et appartenant au livre d’or de la compétition, en raison de son cadre majestueux. Un final également en paliers, avec quelques replats dont deux brèves descentes, amorçant un dernier kilomètres impressionnant à 17%. Un vrai col montagneux qui conviendra davantage aux qualités de Froome que ce long raidard de la Camperona, avant une journée de lundi effrayante en raison d’un profil de très haute montagne. Cinq cols au programme, dont quatre appartenants aux plus durs du Royaume. El Cordal, la Cobertoria, le Puerto de San Lorenzo et la Farrapona pour finir, presque indigeste, mais une étape reine réservée aux spécialistes des courses de trois semaines. Clairement, ceux qui ont mis de côté Chris Froome au terme d’une première moitié de Vuelta peu enthousiasmante vont devoir faire avec le retour de l’un des meilleurs grimpeurs du monde. Quand Froome retrouve ses jambes, bien difficile de prédire qui pourra le déloger des sommets…

Buy me a coffeeOffrir un café
La Chronique du Vélo s'arrête, mais vous pouvez continuer de donner et participer aux frais pour que le site reste accessible.