Le Tour des Flandres c’est déjà ce dimanche, et Sylvain Chavanel l’attend avec impatience. Du côté de son équipe IAM Cycling, on n’a jamais caché que la campagne des flandriennes était l’un des moments les plus importants de la saison, et par conséquent, les attentes sont une nouvelle fois fortes vis-à-vis du Français. Recruté par une formation encore en Continental Pro début 2014, Chavanel devait concrétiser ses nombreux accessits décrochés chez Quick Step en une grande victoire en tant que leader de l’équipe suisse. Mais ce succès rêvé ne s’est pas offert à un coureur désormais âgé de 35 ans, et dont les chances de victoire sur un Monument sont peut-être passées.

Plus aucune référence sur les pavés depuis 2013

Il fut un temps où un débat revenait sans cesse dans la sphère cyclisme. Sylvain Chavanel devait-il, oui ou non, être toujours sacrifié au profit de Tom Boonen chez Patrick Lefevere ? Allait-il un jour pouvoir jouer sa carte personnelle sur les courses d’un jour ? Ces questions n’ont jamais accouché de réponses indiscutables, mais il paraissait clair que son départ chez la montante IAM Cycling serait un pari gagnant pour le triple vainqueur d’étape et ancien maillot jaune du Tour. Uniquement contraint à une cohabitation plus que cordiale avec un Heinrich Haussler physiquement fragile, les wild-cards acquises quasiment d’office, “Chava” pouvait déjà se projeter vers le printemps de l’année 2014 et ses deux grandes classiques, le Ronde et Paris-Roubaix. Avec de grandes et légitimes ambitions, naturellement. Mais rien ne s’est vraiment déroulé comme prévu une fois confronté aux pavés du Nord sous ses nouvelles couleurs. Bien que cinquième d’À Travers la Flandre, il n’a jamais pesé sur l’E3 d’Harelbeke, et encore moins sur le très prisé Ronde. Toujours pris à contretemps, il n’y signa qu’une anonyme dix-neuvième place, et contracta une maladie qui l’empêcha de prendre part à l’Enfer du Nord.

Pour une première campagne qui devait s’apparenter à un nouveau départ, le verdict est sévère, et les prémisses du mois d’avril de cette année ne sont guère plus encourageants. Impuissant dans le final de Milan-Sanremo, vingtième du GP E3 et de Gand-Wevelgem, ses résultats ne penchent pas en sa faveur avant le départ de la Grande-Place de Bruges. Et même si il n’y a rien de proprement alarmant, on ne sent pas l’ancien de la Cofidis sur une dynamique particulièrement stimulante, comme ce pouvait être le cas lors de ses années passées en Belgique. En 2013, Chavanel terminait par exemple cinquième du général de Paris-Nice avec une étape en poche, puis cartonnait sur les Trois Jours de la Panne. Une trajectoire aujourd’hui plus ou moins adoptée par des garçons comme Alexander Kristoff, et qui peut s’avérer déterminante quand on sait que le vainqueur des Flandres ou de Roubaix ne sort – presque – jamais de derrière les fagots. Pourtant assez en forme comme le démontrent cette neuvième place à la Ruta del Sol ou ses trois tops 10 tout au long de la Course au Soleil, le sextuple champion de France du chrono est visuellement resté en retrait. Et sur un parcours aussi fermé que celui du nouveau Tour des Flandres, il n’est jamais très bon de végéter au milieu du peloton.

Le goût toujours amer du Ronde de 2011

On pourrait même exagérer un peu en se demandant si l’intéressé lui-même n’y croyait plus. Car il faut dire que n’importe qui aurait pris un sacré coup sur la tête après le terrible dénouement du Tour des Flandres 2011 à Ninove. Parti dans une exceptionnelle chevauchée solitaire à 82 bornes de l’arrivée dans la montée du Vieux Quaremont, Sylvain Chavanel est passé par tous les états ce jour là. D’abord la sérénité, lorsque qu’on le laisse partir aussi loin du but, puis la crainte dès lors qu’il aperçoit surgir dans ses rétroviseurs un Fabian Cancellara tout en facilité avant le juge de paix de Grammont. Débute alors une partie de cache-cache dictée par la tactique imposée dans les oreillettes, à savoir attendre le retour de l’arrière du lion Tommeke. Mais décidé, Chavanel suit à nouveau Spartacus dans les derniers kilomètres, et se présente pour la gagne au sprint face au Suisse et à l’inattendu Nick Nuyens. Trop hésitant, se retournant sans cesse, Chavanel bute sur le coureur de la Saxo Bank, et voit cruellement s’envoler l’unique opportunité de sa carrière de remporter une aussi belle course d’un jour. Excellent quand la pancarte est collée à ses illustres coéquipiers, l’ancien maillot rouge de la Vuelta n’a jamais semblé si à l’aise qu’entre 2011 et 2013, sans jamais pouvoir inscrire son nom au palmarès d’une course digne de ses qualités.

Car la seule classique World Tour tombée dans ses filets reste le modeste Grand Prix de Plouay, glané en consolation d’une première moitié de saison compliquée chez IAM. Finalement bien peu au vu des qualités intrinsèques de ce guerrier combattant, fait pour la nervosité et l’atmosphère des épreuves du Nord de l’Europe, mais sûrement la conséquence d’un statut de leader qu’il n’a jamais clairement assumé dans les instants décisifs. Après la chute de Tom Boonen sur le Tour des Flandres en 2013, Chavanel est pourtant désigné comme celui qui doit prendre la relève chez Quick Step, mais il s’effondre dans le final suite aux attaques de Cancellara et Sagan. Idem le week-end suivant, où à Roubaix, il est tout simplement moins fort que ses rivaux et ses coéquipiers, qui le lâchent au fil de la journée. Depuis, Chavanel plafonne, et le poids de l’âge commence à se faire sentir sur celui qui découvrira le Giro en mai prochain. Qui dit dernières années dit envie de nouveaux horizons, et le moment est peut-être venu de remettre en question la pertinence de tout miser sur une fenêtre aussi réduite d’épreuves parfois aléatoires, au lieu de fournir un palmarès qui pourrait être bien plus conséquent. Parce que le destin de Chavanel, décrit comme le successeur annoncé de Jacky Durand dernier vainqueur français du Ronde en 1992 , ne se conjugue pas tout le temps avec les jambes et la volonté.

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