Le cyclisme est un sport qui connaît la crise. Et ça se ressent par des sponsors frileux, qui ne perdurent que de plus en plus rarement…

Moins de sponsors, moins riches…

Depuis l’apparition des sponsors à la fin des années 1960, des équipes ont marqué l’histoire : La Vie Claire, l’US Postal ou encore la Rabobank. Mais aujourd’hui, il devient de plus en plus difficile de s’identifier à ces équipes. L’exemple de la Rabobank est le plus criant. La banque hollandaise a, de 1996 à 2012, assuré le sponsoring et est entré dans l’histoire grâce à d’illustres coureurs, mais l’année passée, en partie à causes des nombreuses histoires de dopage, le mythique sponsor ayant donné lieu à la création des maillots oranges de la “Rabo” a décidé de se retirer du cyclisme. Une peur constante et exponentielle chez tous les sponsors qui hésitent à s’investir dans un sport réputé “sale” et qui risquerait de ternir l’image de la marque.

Repris par Blanco en 2012, le sponsoring de l’équipe néerlandaise a déjà changé, pour Belkin ! Alors évidemment, le nom est important car il permet une pub énorme pour le sponsor, ainsi qu’une meilleure visibilité à grande échelle ; une visée internationale. Mais aujourd’hui, la “carotte” publicitaire du cyclisme suffit de moins en moins à convaincre les investisseurs privés de se lancer dans l’aventure. Si des acteurs tels que la Française des Jeux, AG2R ou Euskaltel se sont ancrés durablement, même pour eux, ce n’est pas facile. Ainsi, l’équipe basque a dernièrement pris la décision d’ouvrir ses frontières, pour survivre, mettant ses convictions de côté. Et à l’heure ou l’argent a un rôle évident dans le sport de haut-niveau, on voit qu’en dix ans, les budgets d’équipes n’ont pratiquement pas augmenté.

S’ancrer pour marquer

La seule et unique façon pour qu’un sponsor demeure dans les esprits est de rester longtemps dans le milieu. La Française des Jeux a réussi cet exploit avec brio : une récente étude faite sur un millier personnes montre que 38% se souviennent de la FDJeux dans le cyclisme, contre seulement 24% pour Cofidis et Europcar, et 14% pour AG2R. A l’inverse de la formation au trèfle, alors qu’on pensait que la Radioshack allait s’inscrire dans une tradition et se fidéliser à moyen terme, on a récemment appris que le sponsor quittait le cyclisme, remplacé par Trek. Les dirigeants se sont dit fiers, certes, mais malheureusement, c’est encore un pieds de nez fait à l’identification des équipes. Tout change, tout va trop vite. Europcar est également en danger et on ne sait pas si le locataire de voitures va renouveler son bail. Et sans sponsor, pas d’équipe.

Sans oublier une autre structure française de seconde division, Sojasun, privée depuis un an de son sponsor Saur, qui pourrait aussi se retirer du cyclisme faute de fonds. Saur apportait les deux tiers du budget de 6 millions d’euros nécessaire à l’équipe de Stéphane Heulot. Depuis, la société Sojasun a pris le budget entièrement à sa charge. Mais sous contrat avec l’équipe savoyarde jusqu’en octobre prochain, Sojasun ne prolongera qu’à la condition où la formation trouve un co-sponsor d’ici cette date. Dans le cas contraire, la société de produits bios se retirera. Ces difficultés à trouver des sponsors sont évidemment dues en partie aux affaires de dopage, fléau du cyclisme. Celles-ci freinent les repreneurs, noircissent le tableau et mettent en danger le sport en lui-même…

Les équipes nationales, impossible

Si les équipes ne s’ancrent plus assez longtemps dans le cyclisme, c’est encore plus ce naming qui pose soucis. Difficile pour le grand public de savoir a quelle formation appartenait un Evans lors de sa victoire sur le Tour. La possibilité des équipes nationales a été évoquée récemment pour des raisons autres, mais resterait l’une des meilleures possibilité pour que le public puisse s’y identifier. Au foot par exemple, on est supporter du Real Madrid, du Paris Saint-Germain, de Manchester United, d’une institution. Au basket et dans de nombreux autres sports, c’est le même cyclisme. Mais en cyclisme, on s’identifie à des coureurs, rarement à une équipe, alors que ce sport est à la fois individuel et collectif. Et il est évident que le naming empêche l’identification du commun des mortels à des structures. Si la réinstauration d’équipes nationales au sein du peloton poserait des soucis pécuniaires ou structurels, elle comporterait au moins l’avantage que l’on puisse s’y attacher. Sauf que, malheureusement pour certains, heureusement pour d’autres, le cyclisme a besoin de liquidités pour fonctionner, les courses sont toujours plus nombreuses, et ce retour aux équipes nationales, comme jusque dans les années 1950 et 1960 sur le Tour notamment, est impossible.

Un repli sur soi-même dangereux

Toutefois, ne noircissons pas nous-mêmes le tableau. Depuis quelques années, on voit fleurir de nouveaux sponsors directement liés au monde du vélo : Trek, Cannondale, Cervélo ou encore BMC, les équipes en manque de sponsors extérieurs se penchant carrément sur les créateurs de matériel pour être sponsorisées. Toutefois, si ces sociétés sont pérennes, riches et puissantes, le souci réside bien dans le repli sur lui-même du business cycliste. On a vu beaucoup de banques, de sociétés d’assurance, de crédit ou même d’agroalimentaire donner sa chance au cyclisme auparavant, mais c’est désormais de plus en plus rare. Si ces équipementiers peuvent à court terme, sauver la mise d’équipes en panne de sponsor, le risque est là.

La fermeture des frontières n’est pas nécessairement une bonne alternative pour l’internationalisation du cyclisme. Et cela rejoint inéluctablement l’idée des sponsors de plus en plus frileux. Seuls les experts en la matière font encore confiance à ce sport. Stéphane Heulot, manager de l’équipe Sojasun, déclarait récemment : « Si votre contact n’a aucun affect avec le cyclisme, c’est quasi impossible de le séduire. Il m’est arrivé à plusieurs reprises d’être sur le point de conclure avec une société mais à chaque fois une affaire de dopage a suspendu les discussions. » Dopage et sponsors font donc mauvais ménage, on le savait. Mais lorsqu’on ajoute la crise à ce mélange, la situation ne peut qu’empirer…

Etienne Jacob

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