Après le premier tournant de l’étape des pavés,, fatal à Chris Froome, c’est en ce jour de fête nationale que le 101è Tour de France a continué sa série d’événements imprévisibles. En chutant dans la descente du Petit Ballon, Alberto Contador a connu pareille misère que le Britannique, en lâchant tous ses espoirs de victoire finale avec une fracture du tibia. Du coup, si Nibali, lui, est toujours aussi impressionnant, derrière, on se bouscule au portillon, et la hiérarchie n’est pas vraiment stable. Tout à l’avantage des Français, dont le tir groupé au général confirme les espoirs entrevus depuis quelques jours.

Pinot était attendu, il ne s’est pas loupé

Cela faisait un petit bout de temps qu’on ne savait plus comment réagir, ni quoi dire à la moindre performance de Thibaut Pinot. Le grimpeur français de la FDJ.fr, capable du meilleur comme une victoire d’étape sur le Tour à Porrentruy en 2012, ou bien de rivaliser avec les cadors sur une course World Tour à l’image du Tour de Suisse et de signer un top 10 sur une Vuelta, sait aussi faire parler de lui par ses problèmes répétitifs de tactique, d’appréciation de la course, marqués par son placement récurrent à l’arrière du peloton et une série infernale de peur panique dans de quelconques descentes. Mais le natif de Mélisey sait aussi se racheter et nous faire plaisir, et sur une Planche des Belles Filles qu’il connait parfaitement bien, sa deuxième place derrière l’intouchable Nibali ne peut qu’être saluée. En forme, il peut encore monter en puissance et offrir un peu de suspense à un Tour de France décimé par les abandons, sans oublier les victoires d’étapes. Le général l’intéresse forcément, mais ce n’est pas le genre de la maison d’y penser à outrance, préférant s’adapter au jour le jour. Alors, quelle tactique adopter ? Aucune précisément, mais surtout ne pas relâcher les efforts et rester sur la même dynamique. Le contre-la-montre pourrait éventuellement lui porter défaut avec ses 54 kilomètres la veille de l’arrivée finale, et si il est capable de répéter son accélération dans le dernier kilomètres pour grappiller des secondes, il ne faudra surtout pas s’en priver, car des garçons comme Van Garderen ou Porte, eux, y jetteront leurs derniers rêves de podium sur les Champs-Elysées. Alors autant profiter de la montagne, où tout paraît plus ouvert que jamais, pour prendre un peu d’avance.

En regardant avec attention les classements à la veille d’une première journée de repos méritée, Pinot figure à la sixième position. Tony Gallopin, qui le précède, ne va sûrement pas s’éterniser dans le top 10 sauf en cas d’un gros concours de circonstances, et derrière, les Costa, Mollema ou Van den Broeck, pressentis comme des troubles-fêtes pour le haut du classement, ne sont pas au niveau attendu. De quoi espérer logiquement conforter une place parmi les dix premiers voire mieux, même si le Franc-Comtois reste la tête sur les épaules : « Les ambitions restent les mêmes, je ne vais pas tout changer parce qu’Alberto est tombé. Je vise le top 10, je peux gratter des places et le maillot blanc viendra tout seul. » Car c’est avant tout en remettant le couvert jour après jour que les performances peuvent s’accumuler et devenir de plus en plus consistantes. Le protégé de Marc Madiot marche à la confiance, c’est désormais certain, et n’a qu’une envie, c’est de continuer à prendre du plaisir. La suite du Tour est faite pour ça, maintenant que ses Vosges préférées l’ont mis en dans un état d’esprit plus que positif.

AG2R la Mondiale a l’embarras du choix

Mais si Thibaut Pinot paraît le mieux armé et le plus fort individuellement en haute montagne, le duo d’AG2R la Mondiale ne cesse d’épater depuis le départ de Leeds. Pour Jean-Christophe Péraud, c’est la confirmation d’une saison déjà entièrement pleine, avec une quatrième place sur Tirreno, dont une forte impression sur l’étape reine, une victoire au général du Critérium Internation, un podium au Pays Basque et une deuxième place au Tour Méd. A 37 ans, il semble se bonifier au fur et à mesure que les printemps défilent, et semble de plus en plus costaud physiquement pour jouer les premières positions dans les grandes courses. Un bémol cependant, pour rêver à mieux voire au podium, ses talents d’homme contre-la-montre l’aideront mais ne serviront pas à compenser son manque de tactique offensive, qui constitue sa limite principale. C’est là que le plus virevoltant Romain Bardet, quatrième au général actuel, bénéficie d’une chance inimaginable à un tel niveau. L’équipe savoyarde de Vincent Lavenu doit donc jouer le coup à fond, disposant de deux pions différents mais terriblement efficaces et réguliers jusqu’à présent.

Nibali, lui, semble intouchable avec la nouvelle physionomie de l’épreuve, mais derrière, tout est encore possible. Les Français peuvent trouver par ailleurs des alliés de circonstances, avec Richie Porte mais aussi Alejandro Valverde, Tejay Van Garderen, et d’autres qui souhaitent remonter au classement, comme par exemple Bauke Mollema. A l’image de ce qu’on a vu ces dernières semaines au Dauphiné et sur la route du Tour du Suisse, il faut donc lancer les grandes offensives, car rien ne pourra se décanter officiellement si les nouveaux favoris adoptent une position défensive et conservatrice à outrance. Par exemple, Bardet peut très bien déclencher une manœuvre dans le premier col de la longue journée pyrénéenne ou dans l’Izoard, en espérant que certains le suivent. Et abritant Jicé dans le peloton, AG2R jouerait alors parfaitement bien sur deux tableaux. Movistar en avait les possibilités en 2013 avec Quintana et Valverde, idem pour Tinkoff-Saxo avec Contador et Kreuziger, tout comme Belkin forte de Mollema et Ten Dam. Cette année, aucune équipe en surnombre ne se dégage, hormis… AG2R ! C’est la seule à pouvoir véritablement être à l’origine d’une course de mouvements autre que les animations des Vosges où la volonté de victoires d’étapes et d’objectifs secondaires était bien plus présente. Le rêve des coureurs français est à leur portée comme il ne reviendra peut-être pas avant un moment. A eux d’y croire, et de faire en sorte de le réaliser.

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