Pendant que les meilleurs puncheurs du monde se partagent le festin proposé dans les Ardennes, une majorité de purs grimpeurs avaient pour leur part choisi de se rendre dans une relative discrétion sur les routes toujours aussi imposantes du Tour du Trentin. Au cœur du massif des Dolomites, on serait bien tenté d’interpréter le résultat final comme un avant goût de la course rose – qui s’élancera de Belfast le 9 mai prochain -, mais la victoire au général de Cadel Evans peut être doublement analysée. Un vrai signal envoyé à ses adversaires pour les optimistes, un succès juste logique dû au collectif de la BMC pour les autres.

Une victoire en patron et une course sous contrôle

Gilberto Simoni en 2003, Damiano Cunego en 2004, Michele Scarponi en 2011 et Vincenzo Nibali en 2013, le point commun entre ces gloires du cyclisme transalpin est d’avoir remporté l’épreuve trentinoise quelques semaines avant d’avoir inscrit leur nom au palmarès du Giro. Indicateur très souvent fiable, qui avait également témoigné de la difficulté de Bradley Wiggins dans les cols italiens l’an passé, cette petite course par étapes montagneuse, souvent impitoyable, est un véritable révélateur. Il est en effet impossible de s’y cacher, malgré une couverture médiatique moindre. En dehors du traditionnel contre-la-montre par équipes longeant le lac de Garde, c’est un menu très copieux qui attend chaque année le peloton. Cette année cnroe, il y avait donc plusieurs occasions pour faire la différence. Mais Cadel Evans, lui, avait commencé par prendre de l’avance dès mardi, grâce à la bonne performance des BMC sur le chrono inaugural. Reléguant les grimpeurs d’Astana à 19 secondes, et surtout Domenico Pozzovivo, spécialiste des montées abruptes locales, à 34 secondes, la bande à Jim Ochowicz a fait le travail d’entrée et ouvert une voie royale à l’ancien vainqueur du Tour de France. Très en vue sur le Tour Down Under, on l’avait quelque peu oublié au fur et à mesure du calendrier, mais le troisième du dernier Tour d’Italie semble surgir au meilleur des moments. Une victoire décrochée à l’expérience : jamais la sérénité n’aura fait défaut à l’Australien.

Quand Edoardo Zardini réalise un numéro de haut vol pour l’équipe Bardiani le mercredi, Evans est sûr de lui et de son équipe, épaulé par le fidèle Morabito. Très bon puncheur avant tout, le vainqueur de la Flèche wallonne 2010 a refait parler son explosivité dans le final redoutable de Roncone, se payant le luxe, dans son style si singulier, de distancer le frêle Pozzovivo. Sans accélération brusque, l’Aussie a mis tout le monde d’accord au sommet. Au départ de la dernière étape, le maillot rose lui était alors déjà promis, Evans comptant 45 secondes d’avance sur son dauphin. Alors, en véritable patron, il a laissé les jeunes Meintjes et Landa se tailler la part du lion sur le Bondone, avant de distancer encore une fois Pozzovivo dans le dernier kilomètre, en compagnie de Niemiec et Duarte. Une tactique imparable qui a porté ses fruits, et qui a sacré incontestablement le coureur le plus régulier des quatre jours de grimpette. Mais il faut dire que celui qui est désormais âgé de 37 ans n’a jamais été réellement inquiété. La faute à une équipe Astana dispersée autour d’un Scarponi encore un peu juste, et à des AG2R la Mondiale résignés. La course qui est ainsi rapidement passée sous contrôle de l’ancien champion du monde, qui monte incontestablement en puissance.

Toujours les mêmes qui assurent le spectacle !

En dehors du duel avorté entre Evans et Pozzovivo, ce Tour du Trentin version 2014 a été davantage animé par les seconds couteaux, n’hésitant jamais à saisir les opportunités pour se mettre en lumière. Déjà remarqué l’an dernier de l’autre côté des Alpes, Zardini a confirmé ses facultés dès que la route s’élevait, et a porté haut les couleurs de la Green Team de la famille Reverberi. Décrochant la plus belle victoire de sa carrière, il aura été l’un des grands animateurs de l’épreuve en compagnie du jeune Diego Rosa, à l’attaque tous les jours mais pas récompensée, le maillot de meilleur grimpeur revenant à l’équipe Neri Sottoli par l’intermédiaire du Vénézuélien Monsalve. Habitué des offensives, Fabio Duarte a lui échoué dans sa quête du podium final dans la même seconde que Niemiec malgré tout. Mais le Colombien a tout de même été l’un des grands protagonistes des ascensions finales. Enfin, toujours au rayon des équipes de seconde division, les performances du Sud-africain Louis Meintjes ne nous auront pas échappées, tout comme la bonne sixième place finale de Tiago Machado, leader de NetApp-Endura. Bref, comme souvent sur les courses par étapes transalpines, les équipes de second rang n’ont pas hésité à faire le spectacle.

Mais alors, que doit-on retenir du contenu livré par les équipes de premier plan ? Que les principaux leaders n’étaient pas encore à leur meilleur niveau, et qu’une formation comme Astana, par exemple, est encore en rodage. Si Mikel Landa a remporté hier sa deuxième victoire professionnelle, et de bien belle manière, le constat est implacable. Avec trois coureurs de l’équipe kazakhe dans les dix premiers – Fabio Aru septième, Michele Scarponi neuvième et Mikel Landa dixième -, on a couru au jour le jour en alternant les cartes. Landa, Aru ou encore Kangert devraient rentrer dans le rang des équipiers modèles dès le départ de Belfast pour encadrer l’ancien vainqueur Scarponi durant le mois de mai, dont on attend cependant bien plus. Leader en l’absence de Nairo Quintana, grand favori pour la victoire finale à Trieste, Igor Anton n’a lui pas fait mieux qu’une onzième place plutôt décevante. Une déception qui prime aussi à n’en pas douter chez Ivan Basso, transparent, alors que Bradley Wiggins a montré des signes encourageants vendredi. Du côté de Lampre, Przemyslaw Niemiec, en signant un podium, a de quoi disputer le leadership en interne à l’énigmatique Damiano Cunego. Enfin, plus globalement, le plateau était moins affûté qu’il n’a pu l’être ces dernières années. Alors si Evans, en gagnant, se place en favori crédible pour le Giro, on ne peut l’annoncer vainqueur avant le départ. Car ce Tour du Trentin n’était qu’un indicateur ; qui a permis à l’Australien de porter un nouveau maillot rose. Peut-être pas le dernier…

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