Restant sur deux grosses frustrations d’affilée, Nacer Bouhanni s’est rapidement remis en selle afin de maximiser ses chances de réussite sur la prochaine Vuelta, qui débute dans neuf jours par un contre-la-montre par équipes à Puerto Banus. Le sprinteur vosgien, pour qui la saison ne s’est pas totalement déroulée comme il l’avait prévue, placera d’importants espoirs de victoires sur le troisième Grand Tour de l’année, dont la startlist s’annonce riche en grimpeurs, mais beaucoup plus ouverte en ce qui concerne les étapes de plaine.

La machine a mis du temps à démarrer

Dès son arrivée au sein de l’équipe Cofidis lors de la dernière intersaison, Nacer Bouhanni avait annoncé la couleur, en souhaitant s’imposer le plus tôt possible sous ses nouvelles couleurs, afin de marquer son terrain en vue des échéances de printemps. En première ligne, Paris-Nice, puis Milan-Sanremo et Gand-Wevelgem. Une première moitié de saison 2015 qui n’aura pas comblé les attentes de la structure nordiste, qui a eu toutes les peines du monde à faire fonctionner dans la durée un train efficace pour l’ancien maillot rouge du Giro. Battu par plus fort et pas encore totalement à l’aise en février, le natif d’Epinal n’a pas réussi à lever les bras sur la Course au Soleil, son premier objectif de l’année, passant tout près à deux reprises d’un succès bienvenu. Prenant ensuite part à sa première Primavera, soit son premier Monument, le Français passe le Poggio avec les meilleurs, et termine bon sixième, un poil derrière les hommes les plus endurants du peloton. Et à côté, quand un certain Kristoff culmine à onze victoires au soir du Grand Prix de l’Escaut, Bouhanni, lui, ouvre seulement son compteur sur le modeste Circuit de la Sarthe. Enchaînant par la suite à Denain où il conserve son titre, la confiance revient petit à petit, en vue de la prochaine période clé, le début de l’été. En grande condition sur le Critérium du Dauphiné, il est le grand favori des Championnats de France de Chantonnay au vu de son aisance démontrée à gravir les difficultés des Alpes. Lancé comme une balle dans la dernière ligne droite, il finit cruellement sa journée en touchant le bitume après une collision avec Anthony Roux. Aligné in-extremis sur la Grande Boucle, il n’aura pu s’exprimer qu’à une seule reprise, à Cambrai, avant de devoir abandonner de nouveau suite à une chute massive.

Cela ne fait donc aucun doute que le volcanique Vosgien aurait rêvé de meilleurs résultats comptants après six mois, mais, dans ses récents malheurs, l’optimisme n’a pas mis longtemps à se dégager. Ainsi, peu avant le début du Tour de l’Ain, il déclarait à nos confrères de l’Équipe que malgré ses dernières chutes, « il avait quitté le Tour en super forme », et que cela lui a « permis de reprendre l’entraînement sans difficulté après une coupure de six jours ». S’il n’a sans doute pas totalement récupéré son niveau d’avant Tour, Bouhanni a rapidement rassuré en triomphant aisément sur le Circuit de Getxo, une semi-classique basque vallonnée. Ses aptitudes polyvalentes n’ont donc pas disparues, et seront son meilleur atout sur le Tour d’Espagne, qui n’a pas pour habitude de proposer des profils aussi plats que sur certaines étapes des autres Grands Tours. Neuvième de la Polynormande en réglant le peloton, Bouhanni a donc fait le déplacement sur le Tour de l’Ain, une étape fondatrice pour sa préparation aux trois semaines harassantes de l’autre côté des Pyrénées. Il n’a d’ailleurs pas fait dans le détail hier, sur la première étape en ligne, gagnée quasiment en solitaire face à une opposition de niveau continental. Mais si certains n’oublieront pas de souligner la faiblesse du plateau local, Bouhanni a toujours été aguerri pendant le mois d’août. L’an dernier, bénéficiant de la licence World Tour de l’équipe FDJ, il avait claqué une étape de l’Eneco Tour.

Un programme bien rôdé

De plus, le champion de France 2012 est désormais un habitué de cette configuration-ci. À 25 ans, il s’apprête à disputer son troisième Tour d’Espagne, une compétition qui lui a toujours souri. Il y a trois ans, il vivait son premier Grand Tour, et avait du se contenter d’accessits prometteurs derrière l’intouchable John Degenkolb, réalisant un quintuplé. L’année passée, il avait tenté le doublé Giro-Vuelta avec à la clé un maillot distinctif en Italie et deux victoires d’étapes en Espagne, où il dut s’employer contre Matthews et le même Degenkolb. À chaque fois que Bouhanni a fait le déplacement sur la Vuelta, l’Allemand était sur son terrain, et 2015 ne dérogera pas à la règle. Alors, pour espérer prendre le dessus, il devra compter sur un train des plus solides, puisque le modèle en la matière des Giant sera présent. C’est pourquoi depuis sa reprise fin juillet au Pays Basque, le «Boxeur» a obtenu de ses dirigeants une certaine stabilité à ses côtés. L’expérimenté Dominique Rollin fait partie des hommes les plus précieux quand il s’agit d’aborder les derniers kilomètres, tout comme Geoffrey Soupe, qui l’a suivi chez Cofidis l’hiver dernier. Souvent au four et au moulin sur les épreuves du calendrier de la Coupe de France PMU, les maillots rouges ont appris de leurs échecs et semblent parés pour emmener leur leader sur les plus hautes marches de la Vuelta.

Une Vuelta où les observateurs tablent sur six étapes dessinées pour les bolides, avec peut-être une ou deux étapes supplémentaires en fonction du scénario qui pourraient s’ouvrir aux hommes rapides restants dans le peloton. Avant de parler d’une possible moisson de bouquets, l’objectif premier sera bien sûr de ramener une belle victoire, avant de récompenser le travail annuel de toute une équipe ayant réalisé des sacrifices en limogeant certains grimpeurs pour recruter de fidèles compagnons de route venus d’autres formations. On aurait plutôt tendance à avoir un bon pressentiment sur les prochaines performances d’un sprinteur très revanchard, qui ne se fera pas prier de scorer là ou il en aura les moyens. Déjà remarqué sur la Route du Sud en 2013 dans la montée vers Payolle, ou sur l’étape d’Obregon pendant la Vuelta 2014, Bouhanni ne devrait pas être le plus démuni dans les finals musclés. Qui plus est, si l’on compare l’état de forme qui sera le sien avec celui de ses concurrents présumés, il bénéficiera indéniablement d’une fraîcheur dans les pattes, n’ayant pas disputé l’intégralité d’un Tour de France décrit comme le plus difficile de ces dernières années par de nombreux directeurs sportifs. Avec un total de huit victoires à l’heure actuelle, il serait intéressant pour lui de dépasser la barre des dix succès, et devrait profiter d’un mois de septembre puis du début de celui d’octobre tout à son avantage. Sera t-il sélectionné pour les Mondiaux de Richmond ? Lui même ne souhaite pas encore s’y projeter, mais il serait étonnant de sa part de ne pas viser la gagne plus tard sur Paris-Tours, l’historique. Une chose est sûre, sa saison est loin d’être terminée.

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