Ce dimanche, Peter Sagan prendra le départ de la course mondiale avec un seul objectif : réussir le doublé. Un exploit que seuls cinq coureurs ont réalisé dans l’histoire, preuve de son caractère incroyable. Paolo Bettini, champion du monde en 2006 et 2007, est le dernier à l’avoir fait. L’Italien était à l’époque un spécialiste des courses d’un jour comme son pays n’en a pas retrouvé depuis.

De traître à héros

Mondiaux 2005 à Madrid, Bettini a des jambes de feu. Vainqueur d’une d’étape sur la Vuelta, il a pour objectif de remporter enfin son premier titre mondial après avoir été sacré champion olympique un an plus tôt. Mais problème, son compatriote Alessandro Petacchi est dans la forme de sa vie. Vainqueur de cinq étapes au Tour d’Espagne, dont la dernière qui proposait la même arrivée qu’au championnat du monde, il est le favori numéro, et forcément, l’Italie va rouler pour lui. Peu importe pour Bettini, qui décide d’attaquer quand son leader est en difficulté. Repris à quelques hectomètres de l’arrivée, il est pourtant furieux. Il est convaincu que s’il avait été désigné leader de l’équipe transalpine, il aurait enfin pu briguer ce maillot arc-en-ciel qui manque à son palmarès. Quelques jours plus tard, il remporte le Tour de Lombardie et le GP de Zurich, comme pour montrer à tout le monde que la Nazionale s’est trompée à Madrid. Mais ça n’efface pas la frustration.

Pour autant, le garçon est persuadé que son heure viendra, et un an plus tard à Salzbourg, au terme d’une saison incroyable, il est logiquement le leader de l’équipe italienne. Le double vainqueur de la Doyenne est en confiance et il a bien raison. Ses coéquipiers font le travail et sont même très remuants en fin de course. Dans la dernière difficulté, c’est Pozzato puis Rebellin qui se montrent avant de contrer l’offensive de Cancellara dans la descente. Bettini, lui, se cache avant de suivre les Espagnols Samuel Sanchez et Alejandro Valverde dans les deux derniers kilomètres. Il emmène avec lui Erik Zabel, quadruple vainqueur de Milan-Sanremo et plus rapide que lui. Mais l’Allemand manque son sprint et Bettini, 32 ans, décroche son premier titre de champion du monde. Deux semaines plus tard, l’Italien remporte le Tour de Lombardie avec le maillot arc-en-ciel et les larmes aux yeux, triste de la mort de son frère quelques jours plus tôt dans un accident de voiture.

L’image de l’Italie qui gagne

Au moment de remettre en jeu son titre à Stuttgart, en 2007, Bettini est cependant secoué. Refusant de signer une charte antidopage, il est au centre d’une polémique qui voit de nombreux soupçons s’abattre sur lui. Malgré tout, il participe finalement à la course malgré et sur un parcours pour puncheurs, il est désigné co-leader de sa sélection avec Davide Rebellin. Ce dernier fait le choix de partir de loin, pendant que les Espagnols gèrent le tempo à l’arrière. Mais surtout, dans le peloton, deux hommes ne se quittent pas du regard : Bettini et Schumacher. L’Allemand, à domicile, est l’un des favoris de l’épreuve. Au moment choisi par Bettini pour attaquer – aidé par un Rebellin qui se sacrifie pour lui -, Schumacher est donc dans sa roue. Mais il n’en sortira jamais, incapable de disputer le sprint à l’Italien dans la dernière ligne droite. Le Toscan dispose alors de Kolobnev et lève les bras pour la deuxième fois en deux éditions.

Double champion du monde, Bettini rentre dans l’histoire et donne une nouvelle dynamique au groupe italien. Souvent favoris, les transalpins ont régulièrement pioché par manque d’organisation et à cause d’un trop grand nombre de leaders. Il fallait à l’époque remonter à 2002 pour trouver trace d’une Nazionale unie autour d’un seul homme, en l’occurrence Mario Cipollini. Mais la défaillance de Madrid avait déclenché une prise de conscience et changé l’état d’esprit de la sélection, qui se fissurera un an plus tard à Varèse à cause de la mésentente entre Cunego et Ballan. Pour Bettini, ces deux titres marquent aussi une évolution dans sa carrière, le révélant bon sprinteur après avoir été un grimpeur correct et surtout un puncheur de classe mondiale. Assez pour se retirer à domicile un an plus tard à Varèse, lors d’une nouvelle victoire italienne. En franchissant la ligne les bras levés pour fêter le succès de son compatriote Alessandro Ballan, mais aussi sous les applaudissements des tifosi, qui ne lui ont toujours pas trouvé de successeur.

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