Déjà double vainqueur d’étape sur ce Paris-Nice – et avec la manière -, le Colombien d’AG2R la Mondiale Carlos Betancur fait parler la poudre. Et au moment d’entamer un week-end stressant, c’est désormais à lui d’endosser l’étiquette du favori, en plus d’un maillot jaune obtenu pour de précieuses secondes. Mais ses adversaires ont-il pour autant décidé de rendre les armes, à la veille de l’arrivée finale sur la Promenade des Anglais ?

Une minutieuse montée en puissance

Désigné comme l’un des coureurs ayant le plus été favorisé par la nouvelle mouture du parcours de la course au Soleil aux côtés des autres grands puncheurs du circuit, Carlos Betancur semble avoir savamment préparé son affaire. Déjà impressionnant sur le Tour du Haut-Var, où la concurrence était cependant moindre, le virevoltant meilleur jeune du Tour d’Italie 2013 est arrivé discrètement au départ de Paris-Nice, soucieux de ne pas trop en montrer rapidement. Redoutant les trois étapes de plaines inaugurales, toujours propices aux coups de bordures et théâtre de chutes pouvant laisser un goût amer à ceux qui visent le général, Betancur a déjoué les premiers obstacles de la semaine, bien épaulé par une formation savoyarde entièrement dévouée à son charismatique leader. Mais alors que le mercredi devait symboliser le début des grandes hostilités, avec le méconnu Mont Brouilly et ses 25% de pente dans les passages les plus sévères, l’habituel dynamiteur du peloton a quelque peu failli et sa giclette époustouflante n’était pas au rendez-vous. Pourtant rapidement aux avants-postes, c’en était presque téléphoné, et on accouchera de deux coups d’épée dans l’eau, dont le dernier aura servi de tremplin idéal pour le duo Slagter-Thomas, s’en allant vers Belleville avant tous. L’escarabajo de Bolivar pointe alors à une septième place au général, à dix-huit secondes d’un Geraint Thomas époustouflant depuis Mantes-la-Jolie.

Fichu pour la victoire finale ? C’était sans compter sur le talent de celui qui avait pris la troisième place de la Flèche Wallonne l’an passé, après avoir couvert les trois-quarts du terrifiant Mur de Huy seul en tête. Une volonté d’aller vers l’avant incontestable, et c’est le lendemain Betancur a entamé sa remontée vers les sommets. Profitant de la côte de Sainte-Catherine, dont le sommet n’était qu’à douze kilomètres de l’arrivée de Rive-de-Gier, le Sud-Américain a fait abstraction des pourcentages peu conséquents et réalisé un sacré numéro cher à Thierry Adam en résistant à un Vincenzo Nibali déchaîné dans la descente, et aligné ses compagnons de fortune, Jungels et Fuglsang, pour signer une première victoire. Avant celle du lendemain, où le grimpeur de poche a fait étalage de toutes ses capacités, retrouvant sa traditionnelle grinta. Réalisant l’effort juste sur le dernier kilomètre asphyxiant au cœur de la citadelle varoise de Fayence, il bénéficia d’un travail hors pair d’Alexis Vuillermoz pour déposer le maillot arc-en-ciel en personne, Rui Costa, et décrocher un doublé significatif. Plus qu’un message d’envoyé, c’est une prise de pouvoir puisque le Gallois Thomas n’a pu suivre son rythme endiablé. Betancur est en jaune, va-t-il le rester jusqu’au bout ?

Un week-end sans répit

Sur le papier, cela semble très bien parti pour le détenteur du Tour d’Emilie 2011, qui compte huit secondes d’avance sur le coureur de Sky, dix-huit sur Rui Costa, et vingt-deux sur Zdenek Stybar. Puisque l’Espagnol José Joaquim Rojas reste une énigme, les sérieux rivaux se nomment Vichot (7ème à 28”), Denifl (10ème à 31”) ou encore Spilak (12ème à 35”). En effet, Vincenzo Nibali a fait les frais de son trop-plein d’énergie dans la descente précédant Fayence et se trouve 23ème à plus d’une minute. Malgré tout son talent, c’est donc clairement fichu pour un Squale aussi décomplexé soit-il. Malgré tout, l’étape dominicale semble faire peur à un grand nombre de coureurs, avec une alternance de cols et de descentes sinueuses, avec notamment le juge de paix que représente le Col d’Eze. Attention également aujourd’hui au circuit final de Sophia Antipolis, qui, même si il n’a rien d’insurmontable, pourrait créer des dégâts quand on sait que les coureurs auront, entre autre, le Col de Vence et 195 kilomètres de course dans les jambes. C’est là qu’un Stybar pourrait semer la zizanie , ou que le malin champion du monde portugais pourrait tenter de faire trébucher un Betancur moins lucide, esseulé ou tout simplement vacillant.

Si l’avantage d’un tel tracé est d’assister à une bataille pour la gagne finale exclusivement à la pédale, sacrant le plus fort, la moindre défaillance se paye très cher et on peut rapidement être victime de l’ascenseur inverse. On se souvient tous d’un Alberto Contador littéralement à l’arrêt dans les rues de Fayence en 2009, ce qui avait profité à Luis Leon Sanchez, lui même en danger dans l’étape niçoise qui suivait. Un tel scénario n’est pas à exclure, d’autant plus qu’il est très difficile de cerner les aptitudes de chacun puisque tout le monde n’est pas encore sortis du bois… Par ailleurs, les victimes des cassures de la première étape ne vont pas se gêner pour y aller de leur initiative, quitte à pimenter une course déjà bien animée. Clairement, Betancur part avec un avantage psychologique, d’autant plus que la montée en puissance que nous évoquions ne fait que conforter cette impression. Mais il ne faut pas oublier qu’il roule sur des œufs, dans cette région provençale où le plat est quasiment banni. Son champ de contrôle est à la fois large et infime… Et il se peut encore qu’on sorte les calculettes demain à Nice pour désigner le vainqueur, à coup de bonifications.

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