L’ensemble de la rédaction de Chronique du Vélo a fait ses pronostics en vue du Tour. Nous avons chacun livré notre top 10, notre maillot vert et notre maillot à pois pour finalement établir notre propre classement. Jusqu’à la veille du départ, nous allons donc vous présenter ces protagonistes via des portraits décalés. Le but : vous faire redécouvrir ces champions dont on parle déjà tout au long de l’année. Au pied du podium, on retrouve Romain Bardet.

Il serait l’intello du peloton, le prix Nobel des cyclistes. C’est comme ça que les médias se plaisent à le décrire. Romain Bardet est diplômé d’une prestigieuse école de commerce, avec un langage châtié et une communication parfaitement soignée. L’Auvergnat se retrouve ainsi souvent opposé à l’autre grand talent français de sa génération, Thibaut Pinot, l’homme de la terre. Derrière cette personnalité lissée par une communication millimétrée ne se cache pas un robot, mais un homme complexe.

Travail, oenologie et France Culture

Oui, Romain Bardet est un homme impliqué dans son travail. Un homme intéressé par les nouvelles technologies, il utilisait notamment une tente hypoxique pour récréer les conditions de vie en altitude en juillet dernier. Un homme de conviction, aussi, qui a réussi à rendre les AG2R accros à la micronutrition et aux longs stages en altitude. Mais si nombre de ses proches le décrivent avant tout comme un travailleur perfectionniste, le Français sait aussi profiter de la vie. Son coéquipier et bon ami Clément Chévrier, l’a même initié aux plaisirs de l’oenologie. Depuis, les deux compères visitent des vignobles ensemble, comme en 2015 dans le Médoc.

En juillet dernier, un reportage de Stade 2 montrait Bardet dans sa vie quotidienne. On pouvait alors le voir en pleine écoute de la matinale de France Culture et porter attention au moindre détail de son alimentation. Une image travaillée et assumée : « Moi, je suis conscient de l’image que je renvoie en général : celle d’un coureur très méticuleux, très travailleur dans l’approche de son métier. J’alimente ce trait », analysait-il dans une longue interview à Libération il y a quelques jours. Cependant, Bardet ne veut pas d’une image forcée : « Un reportage est toujours orienté… Il ne dit pas la complexité d’un être humain. Parfois je voudrais qu’il y ait plus de nuances. D’autres fois, j’essaie de proposer quelques variations aux médias, mais on me ramène à l’image d’un coureur strict. »

La vie, la vraie

La communication de Bardet est réglée comme du papier à musique : il gère lui-même tous ses comptes sur les réseaux sociaux, sur lesquelles il n’hésite pas à écrire de longs textes pour faire part de ses impressions sur la course du jour et remercier ses supporters. Mais Bardet partage peu de moments intimes. Ainsi, plus que de se construire une image, Bardet souhaite avant tout protéger sa vie privée. Les photos sur le vélo, oui. Celles des soirées entre amis à déguster une bouteille de vin, non.

Aujourd’hui, la pression est plus que jamais sur ses épaules. Bardet est pour beaucoup le Français qui peut remporter la Grande Boucle. Lui essaie repousser la pression « Je ne cours pas pour gagner le Tour ! Je cours pour faire la meilleure performance possible ! » Le cyclisme doit rester une source de plaisir, une manière de s’accomplir et de s’épanouir. L’homme pense ainsi également à son avenir, à l’après vélo. À 26 ans, il a atteint une certaine maturité, une sérénité qui fait aussi sa force.

L’accomplissement avant le résultat

Bardet a bel et bien changé depuis ses débuts. Vincent Lavenu l’avait recruté dans son centre de formation un soir de juillet, en l’appelant un soir après une étape du Tour alors que Rinaldo Nocentini était en jaune. Une disponibilité qui avait convaincu l’Auvergnat, qui n’était à l’époque « pas très sérieux », selon ses propres dires. Avant de passer pro chez AG2R, le pensionnaire de Chambéry Cyclisme Fondation a dû faire de nombreux efforts et sacrifices. Pour arriver au plus haut niveau, il a certainement tiré des traits sur des loisirs et des petites joies quotidiennes.

Mais aujourd’hui, il tire de ses premières années dans le peloton professionnel de nouvelles leçons et ne vit plus comme un ascète. L’épanouissement personnel prime sur tout. Bardet ne vise plus la victoire à tout prix, il connaît les rouages du cyclisme et sait que la part du hasard y est trop importante pour pouvoir tout planifier. Alors aujourd’hui, Bardet se dicte une toute autre philosophie : « Je préfère la logique d’accomplissement à celle du résultat. »

Et si finalement, la vraie personnalité de Romain Bardet se cachait juste sous nos yeux ? Ses nombreux coups d’éclat, son amour du cyclisme offensif, ses éloges de l’instinct du coureur parlent pour lui. Sa victoire en solitaire à Pra-Loup sur le Dauphiné 2015, son numéro à Saint-Jean-de-Maurienne sur le Tour 2015 mais aussi son numéro du Bettex en juillet dernier illustraient ce paradoxe Bardet : parfaitement préparés mais pleine de panache. L’osmose entre sérieux et joie de vivre.

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