L’ensemble de la rédaction de Chronique du Vélo a fait ses pronostics en vue du Tour. Nous avons chacun livré notre top 10, notre maillot vert et notre maillot à pois pour finalement établir notre propre classement. Jusqu’à la veille du départ, nous allons donc vous présenter ces protagonistes via des portraits décalés. Le but : vous faire redécouvrir ces champions dont on parle déjà tout au long de l’année. Voici le sixième volet de cette série. Il est consacré à Fabio Aru, cinquième de notre classement.

S’offrir une deuxième chance. C’est l’idée de Fabio Aru après son échec l’année passée. Cette fois, ses ambitions sont nettement plus élevées. Depuis le succès de Nibali en 2014, l’Italie attend son champion. Le pays à la botte a désigné ce successeur, un Sarde, Fabio Aru qui se nourrit de l’héritage laissé par ses ainés, le Sicilien en tête.

À l’école italienne de l’entre-deux siècles

Toujours manager sportif en chef de l’équipe Astana, « Beppe » Martinelli, a vu passer un nombre pléthorique de talents avant Fabio Aru. Bontempi, Chiapucci, Roche, Tafi, Simeoni, Pantani, Garzelli, Cunego, Simoni et Di Luca qu’il a façonné au sein de quatre des plus illustres écuries transalpines des décennies 90 et 2000. Le principal mentor de Fabio Aru depuis son saut dans le grand bain, n’est pas seul à encadrer le Sarde. Alexandre Vinokourov, emblématique boss du projet kazakh, lui délivre ses précieux conseils, tout comme Bruno Cenghialta, ancien directeur sportif de la Fassa Bortolo. Mais aussi des noms plus sulfureux encore, tel Olivano Locatelli, à la tête de son team espoir Palazzago.

Jeune, Aru a baigné dans ce grand condensé d’exploits et de crises qu’a connu son sport en Italie ces vingt dernières années. Dans cette masse d’enseignements, Aru s’est accaparé la vertu du sérieux. Cette immense concentration qui se fait ressentir sur le visage de l’actuel meilleur coureur italien durant les courses de trois semaine. Bien moins bavard dans les médias que son aîné Nibali, connus pour ses humeurs provocatrices, Aru est d’une discrétion quasi absolue, et cultive un rythme de vie presque austère, entre son vélo et le retour au bus sur les parkings de l’après-course. Quand certains journalistes lui demandent ce qu’il retient en priorité du dernier Tour de France, achevé dans la douleur loin des premières positions, il répond qu’il « était un peu trop fanfaron » dans la montée du Col de Joux-Plane. Il en fait d’ailleurs la cause de sa défaillance.

Les interviews avec lui se résument pratiquement à un leitmotiv lancinant : « Faire la meilleure prestation et terminer le plus haut possible. » Un profil de gestionnaire que résume assez bien Martinelli lui-même, lorsqu’il a vu se côtoyer sous maillot bleu ciel Aru et Nibali. « Fabio a beaucoup appris de Vincenzo, notamment comment on gère tactiquement une course, mais il reste entre eux des différences essentielles. Nibali est plutôt en dehors des schémas conventionnels quand Fabio est bien plus calculateur. S’il ne se sent pas à 100 %, il n’attaque jamais. »

Courir pour Michele

Son ascension au plus haut niveau rappelle celle du « Petit Prince » Cunego, lauréat du Tour d’Italie 2004. Assez renfermé sur lui-même, Aru conserve le génie qui sommeille en lui pour les affrontements individuels sur les pentes des grands cols. Un comportement qui nécessite une garde rapprochée entièrement dévouée, le suivant quasiment à chaque coup de pédale. Quitte à en frustrer quelques uns, et à refroidir les relations avec ses anciens partenaires. Si la communication fut plutôt bien gérée au moment du départ du Requin de Messine pour l’équipe Bahrain-Merida, la mésentente cordiale entre les deux compatriotes n’était plus qu’un secret de polichinelle et leurs ambitions respectives ne pouvaient cohabiter plus longtemps.

Paradoxalement, Aru ne fait qu’imiter Vincenzo Nibali dans ses schémas de préparation pour enfin décrocher la gagne sur la Grande Boucle. Son premier Grand Tour, c’est en Espagne qu’il l’a remporté en profitant de la défaillance de Dumoulin la veille de l’arrivée. Enfin, la facilité avec laquelle le garçon à remporté son championnat national, sur le tracé sélectif d’Ivrea, n’est pas sans rappeler la démonstration de Nibali trois années auparavant. Rétrospectivement, on se souvient qu’une semaine après, le Sicilien avait porté une attaque tranchante à Sheffield pour prendre une première fois le maillot jaune, avant de l’acquérir définitivement dans les semaines suivantes. À l’époque, Nibali s’était senti libéré après six mois presque sans résultats. Aru, sur le podium, était extrêmement ému, mais pour des raisons différentes.

Le matin de l’épreuve en ligne, il révèle avoir endossé le maillot du défunt Scarponi. Le malheureux lui avait confié le sien au terme d’un stage en altitude à la Sierra Nevada. Toutefois, il ne devrait pas rééditer pareil geste d’hommage sur les routes du Tour de France 2017. Il arborera malgré tout fièrement son patrimoine insulaire, avec un casque à l’effigie du chevalier des Quatre Maures, en référence au drapeau sarde. Allier ses propres singularités avec les approches de ses prédécesseurs semble être la clé de la réussite pour Fabio Aru. À l’heure où le cyclisme azzuro souffre d’un déficit de résultats sans précédent, il pourrait offrir des cavalcades victorieuses à ses compatriotes. Dans son maillot tricolore, tout un symbole.

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