Deux chutes en l’espace de 48 heures, un corps touché et diminué au niveau de l’épaule, et une nouvelle perte de temps aujourd’hui sur les routes du Massif Central, Alberto Contador est réellement mal engagé au soir de la cinquième étape du Tour de France. Un début de Grande Boucle calvaire comme il n’en a jamais vécu, avant même de défier Froome et Quintana dans les Pyrénées. Mais est-ce forcément plié pour la gagne ?

Bluff ou pas, les circonstances ne l’arrangent pas

Les contextes d’avant-course où le Pistolero ne part pas vainqueur ne sont pas si rares. Dernier en date, le Tour d’Espagne 2014, où, après avoir lourdement chuté dans la descente du Petit Ballon, l’Espagnol affirme devant tous les médias qu’il est simplement revenu au pays pour faire tourner les jambes. Un bluff grossier qui ne prend personne de court, et ne tient déjà plus lorsqu’à l’arrivée de la sixième étape, au sommet du mur de la Zubia, son nom figure à côté de celui de Valverde, Quintana et Rodriguez, dans un mouchoir de poche pour le maillot rouge. Quelques jours plus tard, il livrera un duel accroché avec Chris Froome dans les Asturies, pour remporter sa troisième Vuelta à Saint-Jacques de Compostelle. Un retour en trombe dont lui seul à le secret, mais que l’on a encore jamais vu en cours de grand tour. Car, déjà en Espagne, c’était à la régulière qu’il avait été distancé par Purito en 2012, avant de l’attaquer sur une étape que tout le monde pensait anodine. Le Madrilène ne faisait que confirmer son excellente condition pour son retour d’après-suspension, même s’il restait physiquement en-dessous de Rodriguez.

Tous ces retournements de situation sont malgré tout inconnus au long passé de Contador sur le Tour de France. Livré à une guerre fratricide avec Lance Armstrong quand il courait pour Astana en 2009, Contador avait dû surmonter les embûches de sa propre équipe, divisée en deux, et capable de créer des bordures en Camargue pour le distancer. Sauf qu’en montagne, le meilleur coureur de grands tours de ces dix dernières années était tout simplement au sommet de son art, récitant son cyclisme face aux frères Schleck. Et depuis 2010, époque de son troisième succès en France, retiré après de longues polémiques touchant au dopage, Contador n’a plus jamais été en mesure de montrer son meilleur visage en juillet, subissant une sévère humiliation il y a trois ans. De quoi le faire douter, et penser qu’une malédiction se serait abattue sur l’Ibère.

Le week-end s’annonce très difficile

Samedi, le récent vainqueur du prologue du Dauphiné s’est retrouvé au coeur d’une chute massive, causée par un écart de trajectoire de Tony Martin lors d’une traversée de giratoires, accompagnés d’îlots directionnels ravageurs. Dimanche, rebelote, avec en prime un temps maussade, proche du pluvieux, idéal pour casser le moral de celui qui avait déjà passé une mauvaise nuit à cause d’une douleur persistante à l’épaule. Pointé à 1’02 de son coéquipier Peter Sagan, il perdit encore quatre secondes sur cassures dans les deux étapes de plaine, avant de caler sous l’arche promotionnelle marquant le sommet du Col du Fond de Cère. Au même moment, Romain Bardet avait haussé l’allure. C’est maintenant 1’25 qui sépare Contador de Valverde, troisième du général, avant d’attaquer le Col d’Aspin vendredi. Si son entourage dit vrai en prédisant une récupération lente et progressive, il devra s’attendre à souffrir en cas d’attaques tranchantes de Froome ou Quintana, bien déterminés à imposer leurs velléités d’entrée de jeu.

Et s’il n’apparaît pas en capacité de réagir aux éventuels coups portés, que fera t-il ? Continuera t-il, courbant l’échine, pour mieux relever la tête dans les Alpes avec un succès de prestige ? Tentera t-il la folle remontée, à l’instar de Nibali, hors du top 10 au Plateau de Beille l’an passé, et beau quatrième à Paris ? Pour éviter le scénario cauchemar, Contador sait que la clé réside dans la manière d’appréhender les étapes de transition. Cela tombe bien, puisque demain, entre Arpajon-sur-Cère et Montauban, les leaders pourraient souffler, en attendant le quatrième sprint massif de l’édition 2016. À condition d’être solidement entouré, replacé, et chouchouté tout au long de la journée. Mais avec Peter Sagan dans l’équipe, Contador ne risque t-il pas de subir l’équation insoluble connue par Sky en 2012, à savoir courir pour deux chevaux à la fois ? Wiggins et Cavendish, en dépit d’une excellente entente, n’avaient jamais vraiment pu concilier leurs propres objectifs, donnant au Cav’ des remords légitimes sur son bilan estival. Le champion du monde slovaque, dans sa dernière saillie envers les équipes qui perturberaient les derniers kilomètres en formant des trains excessifs pour les favoris du général, est ainsi allé à contre-courant de ce qui aurait pu se produire. Bien compliqué, alors, de voir, par quelle porte Contador sortira de l’impasse actuelle.

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