Depuis que le Pistolero a annoncé son intention de doubler le Tour d’Italie et le Tour de France en 2015, tous les yeux des observateurs sont rivés sur lui. Et pour cause, le dernier à avoir réalisé cette stratosphérique passe de deux n’est autre que Marco Pantani, en 1998. Quant au dernier à l’avoir tenté, c’était déjà Alberto Contador, en 2011, mais avec l’issue qu’on connait désormais. Vainqueur écrasant en mai, à la peine dans les Alpes en juillet, modeste sixième à Paris, avant de voir tous ses résultats annulés en raison d’une suspension rétroactive. Alors, à 32 ans, le coureur de l’équipe Tinkoff a t-il toutes les cartes en main pour s’offrir ce luxueux défi ?

Pourquoi il gagnera le Giro

Il n’a jamais connu l’échec sur le Giro. Contador n’a disputé qu’à deux reprises la course rose, en 2008 et 2011. Et à chaque fois, il s’est imposé – même si son deuxième succès lui a ensuite été retiré pour dopage. Comme sur la Vuelta, il est donc tout simplement invaincu, une position qui lui permet d’aborder ce Giro 2015 dans une position assez confortable. Il est l’homme à battre, mais se sait quasiment imbattable. En effet, seul le Tour est parvenu à lui résister, et c’était dans des conditions particulières : après un Giro éprouvant en 2011, face à un Froome stratosphérique en 2013 et à cause d’une blessure en 2014. Mais ce samedi, l’Espagnol démarrera le Giro fais et sans Froome dans la concurrence. Sans une chute, on voit donc mal ce qui pourrait l’empêcher de s’imposer.

Il est le plus complet au départ. Si Fabio Aru pourrait lui jouer des tours en montagne, et Richie Porte le mettre en difficulté sur le chrono, Alberto Contador reste le candidat à la victoire le plus complet. Vraisemblablement le meilleur grimpeur au départ de ce Giro, il saura également tirer son épingle du jeu sur le contre-la-montre, surtout en fin de deuxième semaine, là où la fraîcheur jouera autant que les qualités intrinsèques. Son passif parle pour lui : ses performances dans l’effort solitaire ont beau ne pas être aussi impressionnantes qu’elles ont pu l’être, il a encore terminé quatrième du chrono de la dernière Vuelta, derrière les spécialistes Martin et Cancellara. Et dans les cimes, sur ce même Tour d’Espagne, il avait été sans concurrence sur les grosses arrivées au sommet, aux Lagos de Somiedo ou à Puerto de Ancares.

C’est le meilleur spécialiste des grands tours. Sur trois semaines, la différence ne se fait pas toujours où on l’attend, et la hiérarchie que l’on a pu observer auparavant sur les répétitions d’une semaine ne se vérifie pas forcément. Ainsi, un favori peut être éliminé sur une étape anodine où les attaquants décident de mettre le feu à la course. Et le Giro illustre particulièrement cette dynamique. Rares sont les scénarios linéaires, et Alberto Contador le sait très bien. En 2011, il avait déjà marqué ses adversaires en suivant Oscar Gatto dans le mur de Tropea, à la veille de l’Etna. Mais surtout, parmi ses rivaux, il n’y a guère que Domenico Pozzovivo, qui lui est inférieur en montagne, qui possède un tel tempérament offensif en dehors des arrivées au sommet. Aru est encore tendre, Porte a été formé dans la tradition Sky qui consiste à tout cadenasser, et Uran n’a jamais été très courageux, du moins sur les grands tours. Alors, quand on a gagné les trois épreuves de trois semaines, qu’on en possède six – ou huit en référence à sa suspension – au compteur, on part forcément avec plusieurs longueurs d’avance, ne serait-ce que dans l’approche mentale.

Pourquoi il ne gagnera pas le Giro

Il n’est peut-être pas assez affûté. Le début de saison d’Alberto Contador est difficile à juger. Tout simplement car le Madrilène a décidé d’adapter son calendrier de préparation à l’immense chantier qui l’attend. Perdant dans le mano à mano l’opposant à Froome en Andalousie, il fut ensuite en retrait sur un Tirreno-Adratico neigeux, avant de finir au pied du podium en Catalogne, quand Porte était irrésistible. Rien de très inquiétant, mais depuis, il n’a plus participé à aucune compétition avant le grand départ du Giro. Un choix sûrement calculé, mais quoi qu’on en dise, Contador part forcément dans l’inconnue, contrairement notamment à un Richie Porte qui marche sur l’eau. Ce n’est pas de cette façon qu’il avait abordé la course rose en 2008 et 2011, des saisons lors desquelles il avait levé les bras respectivement au Pays-Basque et en Catalogne. Cette fois, la dynamique des derniers mois n’est clairement pas en sa faveur.

Giro ou Tour ? Il faut choisir. Si le débat sur le réalisme d’un tel doublé dans l’ère moderne du cyclisme a déjà été évoqué à de maintes reprises, il n’empêche qu’un coureur possède forcément un léger penchant pour l’une des deux montagnes. Bien que Contador ait encoré déclaré dernièrement que le Tour seul ne l’intéressait plus à 100%, le Giro seul est-il quand bien même son véritable objectif ? Il ne serait pas improbable de le voir tester ses adversaires avant de s’économiser si besoin. Et si Porte ou Aru tentent de le pousser dans ses derniers retranchements, quelle stratégie adoptera t-il ? La pression mise par Oleg Tinkov, qui rêve de ce fameux doublé, pourrait aussi influencer le Pistolero, et l’inciter à s’économiser à des endroits où il aurait habituellement fait le trou sans penser aux mois qui suivront. Avoir le Tour dans la tête pourrait lui coûter le Giro.

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