Abondance de biens ne nuit pas. Voilà le nouveau leitmotiv du Team Sky après le rapproché de Mikel Landa hier vers Foix. Chris Froome est à nouveau leader du général avec dix-neuf petites secondes de marge sur Fabio Aru, son compère basque est une minute plus loin. Un surnombre utile qui pourrait néanmoins devenir casse-tête.

Monstre à deux têtes

« Je pense que nous sommes dans une meilleure position que samedi. Landa n’est plus qu’à une minute du podium. » Ce matin, Chris Froome semblait confiant, il a montré pourquoi ce soir. Mais sa forme n’est plus celle de ses trois triomphes sur la Grande Boucle, l’adversité a déjà vu l’ouverture et un de ses coéquipiers semble être à son niveau. Pourtant, le Britannique refusait de voir sa situation se déliter. Et il est vrai qu’elle n’est pas si mauvaise. « Je pense la plus chose la plus importante pour nous était de mettre la pression sur les autres », assume le nouveau leader du classement général.

Aujourd’hui, la Sky a deux coureurs dans les cinq premiers du Tour et son leader est parfaitement placé pour l’emporter. Avec deux atouts dans sa manche, l’écurie surpuissante du Royaume-Uni est bien lotie. Ce monstre à deux têtes pourrait donner des migraines à ses adversaires. La concurrence n’a d’ailleurs pas tardé à comprendre le danger. Romain Bardet pestait hier d’avoir remis dans la course Nairo Quintana, Alberto Contador et surtout Mikel Landa. Eusébio Unzué, le manager de la Movistar, reconnaissait lui le bon coup tactique : « La Sky paraît difficile à battre, c’est la meilleure équipe et en envoyant Landa gagner du temps, elle a mis en place une bonne stratégie pour faire travailler les autres. »

« Pour qu’un tel plan à deux fonctionne, il faut que les rivaux pour le général sentent vraiment que les deux peuvent gagner. »

Dave Brailsford

En Périclès, le manager Dave Brailsford se réjouissait de la peur instillée dans l’esprit des rivaux : « Pour qu’un tel plan à deux fonctionne, il faut que les rivaux pour le général sentent vraiment que les deux peuvent gagner. » Nicolas Portal l’assurait d’ailleurs ce matin : « On a recruté Mikel pour ça. Froomey est le leader mais on a protégé trois autres coureurs depuis le départ afin de pouvoir mettre en place des stratégies. Sergio Henao, dont la forme n’est pas bonne, a perdu ce statut, Geraint Thomas a dû partir, mais Mikel est toujours là. C’est un pur grimpeur qui est un vrai danger pour les adversaires. Hier, le plan a marché comme dans un rêve. On a mis la pression sur AG2R et Astana. Cela oblige les autres équipes à toujours se demander quelle carte on va jouer. » Le double poison pourrait néanmoins se retourner contre l’armada Sky.

Un bien pour un mal ?

« Qui va gagner le Tour ? Pourvu que ce soit Chris. Ou sinon moi (rires). » Avec ironie, Mikel Landa laisse planer l’idée d’une concurrence au sein de la Sky. Même si l’Espagnol remettait vite les choses au point suite à l’étape d’hier durant laquelle il a touché le jaune du doigt : « J’ai pensé au maillot, mais j’ai toujours su que ce serait très difficile. Nous sommes ici pour tenter de gagner avec Chris. Je ne suis pas venu pour remporter le Tour. » Si l’on ne se fit pas aux éléments de langage, la situation objective du Basque le met dans la course pour la victoire finale. Cinquième à une minute et seize secondes de Chris Froome, l’ancien très grand espoir d’Euskaltel-Euskadi peut clairement croire en sa chance alors que le meilleur, deux étapes en très haute altitude dans les Alpes, reste à venir. De quoi créer des dissensions au sein de l’équipe britannique. Car les rumeurs sont allées bon train hier. Michal Kwiatkowski aurait roulé pour empêcher son coéquipier ibérique de prendre le jaune. Une pomme de discorde qui avait déjà été croqué la veille quand Eurosport avait diffusé les images d’une possible altercation entre Mikel Landa et son directeur sportif Nicolas Portal.

« C’est marrant, il y a beaucoup de bruit mais au final, on a plutôt une bonne situation. »

Nicolas Portal

Alors, ce matin, le Français se démenait pour éteindre tous ces incendies. « J’adore ces théories. Comme l’invention d’une dispute avec Mikel. C’est un peu plus compliqué que ça. Il y a une bonne ambiance dans l’équipe, entre les gars, c’est le plus important. » Pas de querelle donc, mais une stratégie bien pensée, selon Nicolas Portal : « Hier nos deux plans ont fonctionné. On voulait donner le meilleur bonus temps à Mikel bien sûr, mais il ne fallait pas non plus que Froomey en perde trop de l’autre côté sur Dan Martin, Rigoberto Uran et Simon Yates qui ont attaqué dans la descente. » Nicolas Portal s’amusait même des rumeurs qui tournent autour de l’équipe : « C’est marrant, il y a beaucoup de bruit mais au final, on a plutôt une bonne situation. On pourrait très bien refaire ce coup et que Mikel prenne le maillot jaune. » Le directeur sportif, très proche de Chris Froome, démontait aussi l’image essentialiste de l’indépendantiste basque Mikel Landa, que certains semblaient avoir aperçu lors de son Giro 2015. « Je ne sais pas si chez Astana, le plan était clair pour lui mais ici tout est limpide. » Pas de rivalité, ni d’ambition déplacée. Froome est toujours le leader.

Froome, leader incontestable

« Froomey est toujours le numéro un, Mikel toujours numéro deux », répétait en effet Portal ce matin. Pour éviter tout malentendu, la Sky tente de désamorcer tout gonflement crânien de son virevoltant grimpeur basque. Luke Rowe rappelait d’ailleurs qu’il ne faut pas sous-estimer le triple vainqueur du Tour : « Chris a une mentalité de pitbull, il ne lâche jamais rien. » L’arrivée à Rodez aujourd’hui le prouve bien. Pour Eusébio Unzué néanmoins, « la différence c’est que Froome n’est pas au dessus. Il est au même niveau que les quatre coureurs qui le suivent au classement. » Quatre hommes dont Mikel Landa. Mais le statut de Froome n’est pas menacé, encore moins après sa performance du jour. Quant à la possibilité d’un Landa en jaune à Paris, Nicolas Portal se voulait très clair. Il y a deux plans, mais l’option A est prioritaire. « Tout dépend des circonstances. Si Chris est clairement incapable de gagner, ce sera une bonne chose de voir Mikel en jaune à Paris. Mais on ne veut pas changer de leader juste parce qu’un coureur est très fort. Pour le moment, tout va bien pour Froomey. Si jamais Chris nous dit qu’il n’a plus de jambes, Mikel sera là, mais c’est Chris la priorité »

« Je ne pense pas que je suis plus fort que Chris. Il a gagné trois Tours de France. »

Mikel Landa

La Sky connait bien cette situation. La dernière fois, en 2012, l’équipe avait su raisonner… Chris Froome, pour qu’il n’attaque pas Bradley Wiggins. La domination des deux britanniques étaient néanmoins bien supérieure à celle du duo cuvée 2017. Cette année, il faudra jouer beaucoup plus serré, et Mikel Landa joue au bon soldat : « On est là pour l’équipe, pour essayer de gagner le Tour de France. Je ne pense pas que je suis plus fort que Chris. IL a gagné trois Tours de France. » La nouvelle conquête du jaune par Froome devrait tuer les rivalités intestines, restées au stade fœtal, mais il reste encore de la route avant Paris. Légèrement chahuté en interne, troublé par le scandale Wiggins et fortement contesté par des rivaux qui ont retrouvé confiance, Chris Froome vit son Tour le plus compliqué. Une épreuve de plus. La mesure ultime d’un homme ne se situe pas dans ses moments de confort mais dans ses moments de challenge et de controverse, disait Martin Luther King.

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